Je n’arrive plus à écrire. C’est la raison pour laquelle je fais ce billet, je veux dérouiller un truc qui semble s’être coincé pendant le dernier mois. Je crois que c’est parce que j’ai passé mes journées à écrire, pour un journal régional, des articles plats, sans grande consistance, que j’ai un peu oublié le plaisir de l’écriture libre, celle où l’on peut dire ce qui nous passe par la tête sans craindre d’être engueulé par le lecteur.
Alors je vais vous dire ce qui me passe par la tête. Par exemple, ce qui me passe par la tête c’est que je commence à être énervé par une hypocrisie élevée au rang de principe. Cette hypocrisie, c’est celle que nous nous appliquons presque tous et qui consiste à modérer nos propos lorsque nous voulons dire d’une chose qu’elle est nulle. Nous nous forçons à dire je n’aime pas. Et même, nous sommes parfois si gravement atteints que nous ne nous forçons même plus : dans certains cas, nous avons purement et simplement banni de notre vocabulaire les termes insultants que nous voudrions pourtant bien utiliser.
Si quelqu’un débarque et balance qu’un film est merdique, il nous choque et tous nous lui tombons dessus pour, d’un index autoritaire, lui faire remarquer qu’il ne peut pas se permettre de le dire comme ça.
Mais à bien y réfléchir, je ne vois pas pourquoi on l’empêcherait de dire qu’une chose est merdique. Car qui nous interdit de dire d’une chose qu’elle est merveilleuse ? Personne, et pourtant c’est un jugement tout aussi péremptoire.
Si je ne suis pas obligé de dire j’aime au lieu de c’est génial, on ne peut pas m’empêcher de dire c’est nul au lieu de je n’aime pas.
Si l’on s’oblige à dire je n’aime pas, nous devons également nous obliger à dire j’aime, même lorsque notre esprit déborde de mots gratifiants.
C’est pourquoi j’en appelle à un déshinibement général : cessons de jouer les coincés du cul et osons exprimer nos pensées profondes !
Si les films de Woody Allen sont superbes, si le dernier Mario est un chef d’œuvre, si les livres de Jean Echenoz sont ravissants, si la musique de Radiohead est transcendante, si Ce Soir ou jamais est la meilleure émission de tous les temps, si ma chère et tendre est belle et drôle, alors oui : Anne Roumanoff est moche et ses blagues sont nulles. Oui, la coiffure des tecktoniqueurs est laide à en crever. Oui, les séries policières françaises sont à chier. Oui, TF1 et M6 ne nous servent que du caca — même pas bien moulé. Oui, les chroniques d’Isabelle Morini-Bosc dans TV Mag sont aussi piteuses que le magazine lui-même. Oui, Claude François chantait comme un crétin — et des conneries, en plus. Oui, les livres de Yann Moix sont moisis. Oui, Final Fantasy VI est aujourd’hui un jeu chiant.
Nous devons nous libérer car rien ne sert de courir à point, il faut partir.

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posted the 02/06/2008 at 06:23 PM by
franz