Depuis trois jours je me sens désocialisé. A part dans ma chambre, je ne peux plus fumer que dans la rue, lors d'un trajet. Les bars que je fréquentais si assidûment me paraissent sans saveur. Ils sont aussi propres qu'un hôpital mais je n'y allais pas pour me faire soigner. Pas plus que je ne vais à l'hôpital pour fumer. Il paraît que sans fumée on retrouve la saveur des choses, mais sans fumée pour ma part je n'ai pas retrouvé la même saveur dans mon café, dans mon verre de vin blanc ou même ma pizza.
Mercredi matin je sentais traîner dans cet air si pur comme un arrière-goût d'apocalypse. Le monde me semblait un peu mort. Avant-hier soir, je mangeais avec ma famille au restaurant, pour rigoler et faire un peu mon provocateur j'ai sorti une clope que j'ai mise dans ma bouche, ne serait-ce que pour voir si quelqu'un était effrayé par la seule vue de l'objet. Mais une fois que je l'avais entre les lèvres, qu'il était dur de l'en ôter et de la ranger au lieu de l'allumer.
Ca m'énerve d'autant plus que le matraquage autour du tabagisme passif, qui est l'argument moteur du décret, me semble bien fumeux.Il y a beaucoup de choses étranges. Je ne comprends d'abord pas comment on calcule ces 5000 morts par an, comment on sait à coup sûr que c'est le tabagisme passif seul qui est responsable de leur mort. Et je trouve surtout très incomplète l'information fournie dans les campagnes.
Par exemple, il y a ce spot où l'on voit un serveur et un fumeur à côté de lui, et la voix-off dit qu'en fumant à côté du serveur on augmente de 50% le risque qu'il ait une maladie cardio-vasculaire. 50% ça semble beaucoup mais que sait-on du risque originel ? Tout le monde n'a pas au départ le même risque de faire un infarctus. Admettons que le risque que ce serveur en ait un est de 1%. Eh bien une augmentation de 50% du risque porte ce ernier à 1,5%. Est-ce si énorme ? Si le mec a au départ une chance sur dix, sur cinq ou sur trois, ça représente tout de suite une hausse bien plus significative mais dans ce cas, ce type avait également toutes les chances de mourir pour une toute autre raison que le tabac. Je ne sais même pas quel est le risque moyen, pour chacun, d'avoir un infarctus.
Une campagne publicitaire dit que les non-fumeurs sont du mauvais côté de la clope, avec à l'appui le nombre de substances toxiques dégagées par le bout incandescent de la cigarette. Mais la même affiche ne précise pas le nombre de substances toxiques contenues dans la fumée qu'aspire le fumeur. Et surtout, plus de substances toxiques ne veut pas dire des substances plus toxiques.
Le tabagisme passif dans les lieux publics, excusez-moi mais ça m'amuse. Je pense ne pas trop m'avancer en supposant que l'essentiel du tabagisme passif est subi à la maison. C'est d'ailleurs ce que j'ai pu comprendre en lisant, rapportées par l'AFP, les statistiques du ministère de la santé. Je ne veux pas trop en parler car je doute de ces chiffres, et je ne suis pas sûr d'en avoir un souvenir exact, mais selon ces statistiques le tabagisme passif dans les lieux publics tuait 250 personnes par an, tandis que 4600 décès étaient dus à un tabagisme passif à domicile. D'autres chiffres, provenant de la même source, faisaient état d'un étrange déséquilibre : parmi les 5000 morts du tabagisme passif, 90% seraient des fumeurs mourant de la fumée des autres fumeurs ! Ce qui signifie, par un rapide calcul, que ce décret sauvera 25 non-fumeurs par an. Absurde.
Alors évidemment, il reste au-delà de la santé la question de la simple gêne. Je lis souvent des gens qui me disent, dans les débats, que la loi leur convient parce qu'ils en ont marre de subir la fumée de leurspotes. A titre personnel, il ne me viendrait pas à l'idée de considérer comme un ami une personne refusant de comprendre qu'une de ses pratiques me gêne. Lorsque je suis avec un ami qui ne fume pas, je prends évidemment la peine de m'assurer que je ne le dérange pas en grillant une cigarette.
Mais ceux qui me font le plus marrer, ce sont encore les patrons de bar qui se réjouissent du décret parce qu'ils n'auront plus à respirer la fumée de leurs clients. J'ai envie de dire quelle bande de bites.S'ils étaient si importunés, personne ne leur interdisait de transformer leur établissement en lieu non-fumeur bien avant, ou même d'appliquer la loi Evain telle qu'elle était passée en 92, et qui exigeait une partition stricte des établissements. Et puisque le décret de novembre 2006 semble si populaire (80% des Français le soutiennent, dit-on pour le légitimer), ils ne risquaient a priori rien si ce n'était d'attirer les non-fumeurs. Au lieu d'imposer une loi si radicale et carrément douteuse dans son idéologie (mais j'y reviendrai plus tard), l'Etat aurait sans doute mieux fait, pour commencer, d'apporter un soutien financier aux patrons faisant le choix d'interdire le tabac dans leur établissement. Nous serions peut-être parvenus à une forme d'équilibre où chacun aurait eu le choix : les fumeurs d'accompagner leurs amis non-fumeurs là où ils ne seraient dérangés par aucune volute, et les non-fumeurs pas dérangés par la fumée d'accompagner leurs amis fumeurs là où ils pourraient fumer. Il n'y aurait eu qu'à s'arranger entre amis. Mais on a préféré considérer qu'il y avait d'un côté les assassins, et de l'autre côté leurs victimes.
(A suivre)

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posted the 01/05/2008 at 03:51 PM by
franz