A chaque fois qu’il se passe un truc dramatique, par exemple lorsqu’un immeuble brûle, je vois le journaliste qui annonce vaguement, avec l’air léger de celui qui s’en fout, le nombre de morts mais qui tout de suite après précise gravement que parmi ces morts se trouvait une femme enceinte ou un enfant. Evidemment, la question que je me pose n’est pas de savoir pourquoi il y a toujours un enfant ou une femme enceinte dans un immeuble qui brûle, mais de savoir pourquoi les journalistes ne se sentent plus de joie à l’idée de préciser ce genre de choses. Pourquoi s’attarder sur la mort d’un enfant ou d’une femme enceinte alors qu’on ne stipule pas que parmi les victimes se trouvait également un cadre de 45 ans ou une vieille de 77 ? De toute évidence, il s’agit de faire pleurer dans les chaumières, histoire que les familles regroupées devant la téloche chialent dans leur purée et que leurs membres se regardent, la vue brouillée par les larmes, en réalisant la chance qu’ils ont de rester unis.
Pourtant, à ma connaissance un enfant ne vaut pas plus qu’un vieux. Ca serait même le contraire. L’enfant c’est une somme de possibilités dont aucune n’est accomplie ou proche de l’être. L’enfant sait marcher, parler et parfois écrire mais rien de plus. Ses autres capacités n’inspirent pas la fierté : il est égocentrique, cruel, hargneux, mange mal et est souvent malpoli. Alors que le vieux… je vous concède que parfois c’est pareil pour le vieux mais tout de même, lui au moins a aggloméré des expériences, de la mémoire, il a quelque chose à transmettre, lui. Le gosse, pour sa part, ne vaut strictement rien jusqu’à 25 ans, âge à partir duquel il peut commencer à rapporter de l’argent à la société au lieu de continuer à lui en coûter. Certes, on reconnaîtra que le vieux non plus ne rapporte rien à la société et que durant 25 ans il la ponctionne pour payer sa retraite. Mais le vieux a du vécu, et ça lui donne tout de même une valeur minimale. Malgré cela, on continue d’appuyer fortement sur la mort des enfants alors qu’on n’évoque jamais celle des vieux sauf s’ils ont bien souffert (car le bonheur de montrer de la souffrance ignore l’âge). La femme enceinte permet d’ailleurs de faire coup double, puisque dans sa mort elle entraîne son enfant. C’est pour ça qu’on aime quand elle meurt.
Le truc le plus excitant pour un journaliste reste un drame international avec une poignée de Français dedans. Un crash d’avion au Pérou, ça n’est terrible que si se trouvait dans l’appareil Adrien Plumion, respectable VRP qui s’en allait porter la bonne parole des entreprises françaises dans le monde entier. Généralement, lorsque quatre Français meurent dans un accident de ce genre, on a droit au JT du lendemain à quatre petits portraits glorifiant chacun d’entre eux avec à l’appui des témoignages de ses voisins, ah on l’aimait tellement, des photos de sa famille, des images d’archive et des trucs dans ce genre, histoire que même si le type était raciste ou pédophile sa mort dramatique soit célébrée dans tout le pays. Il va de soi que je ne m’attarderai pas sur le cas de la Française enceinte qui meurt dans un crash d’avion avec son autre enfant de 9 ans, parce que j’avoue que moi-même rien qu’à cette idée je bande terriblement.
Je suis tout de même étonné de l’évidence avec laquelle on hiérarchise, dans nos médias, les victimes, en pleurant toutes nos larmes sur deux Français tandis qu’avec eux ont pu mourir 56 Péruviens. Et pourtant je le comprends : c’est vrai que les Péruviens, à titre personnel je m’en fous. Et à la limite, un crash d’avion au Pérou avec dix compatriotes dedans, je m’en fiche aussi. Mais annoncez-moi un crash d’avion au Pérou avec un nancéien, un seulement, et inévitablement je m’y intéresserai. Ca me fait un peu honte mais il faut bien que je le reconnaisse.
Je me souviens avoir été un peu dérangé par le compte que nous avons fait des victimes françaises dans les attentats du 11 septembre 2001, comme si cette démarche ne visait qu’à nous faire se sentir concernés par cet événement, et comme si nous ne pouvions pas faire preuve d’une totale empathie à l’égard des morts s’il n’y en avait pas au moins un français dans le lot.
Enfin tout ceci importe peu, au regard d’autres choses, par exemple le fait que des tennismen français aient reconnu qu’on avait voulu les payer pour qu’ils perdent, ce qui est tout de même un comble, vu qu’ils perdent même quand on ne veut pas les payer. Remarquez, je comprendrais qu’on veuille les payer lorsqu’ils perdent avec un score supérieur à 6-2 / 6-0 : il est si rare qu’ils atteignent ce niveau qu’ils mériteraient d’être récompensés lorsqu’ils y parviennent.
Mais comme d’habitude, il n’y a qu’à tirer sur la chevillette pour faire choir la bobinette.
Ah, j'oubliais une dernière chose. Si Roto me lit, j'aimerais qu'il réponde à ma question puisqu'à chaque fois que je la lui pose sur son
admirable blog il l'efface. Donc Roto, ton blog est intitulé Nouvelle Résistance Française. C'est bien mais il me semble toujours utile, afin de lutter efficacement contre son ennemi, de le connaître un peu. Contre qui doit-on donc résister ? Et pourquoi ? Malheureusement, si tes articles sont très informatifs en matière de délinquance et de faits divers, ils sont peu explicites sur les raisons de la nouvelle résistance française et ses moyens d'action.