Deux choses sont infinies, l’univers et la bêtise humaine mais pour l’univers je ne suis pas sûr disait Einstein, à qui je n’ai pas grand-chose à reprocher si ce n’est qu’avec cette phrase, soutenue par sa légitimité de grand scientifique un peu fol, il a fourni une citation parfaite à ceux qui aiment par-dessus tout déplorer cette fameuse bêtise humaine.

Le racisme ? C’est la faute à la bêtise humaine. Les attentats ? La bêtise humaine. La pédophilie ? La bêtise humaine. Les infanticides l’irrespect la délinquance les guerres la hausse du pain les crottes de chien ? Encore la bêtise humaine. Parfois c’est même la connerie humaine, lorsque l’on est très en colère contre l’homme et sa bêtise.

La bêtise humaine, c’est le concept qui permet à celui qui en fait usage de se faire passer petit 1 pour un homme lucide portant un regard désespéré sur ses contemporains, petit 2 pour celui qui a tout compris au fond du problème et petit 3 pour celui qui n’appartient pas à la partie abêtie de l’humanité.

La bêtise humaine c’est comme si l’homme avait commis sais-tu quel pêché originel et qu’il naissait foncièrement mauvais, presque déterminé génétiquement en ce sens. C’est le truc qui touche tout le monde sauf soi, c’est-à-dire que l’homme est bête par nature et parfois il devient en un éclair intelligent, le temps de faire une grande chose avant de se replonger jovialement dans sa médiocrité. La bêtise humaine c’est le joker qui donne l’impression à celui qui l’emploie qu’il n’en est pas atteint mais, en toute franchise, qui n’a jamais pointé du doigt la bêtise humaine ? Si l’on s’écoutait tous pontifier sur ce sujet, tout le monde serait bête tout en ne l’étant pas.

La bêtise humaine, c’est expliquer le mal par le mal, c’est démontrer que l’homme fait des conneries parce qu’il est con et puis c’est tout. Sauf que la bêtise humaine est un pléonasme, comme il est pléonastique de dire que l’erreur est humaine — car l’erreur n’est qu’humaine, il n’y a ni bêtise ni erreur naturelle ou divine. Quel est donc l’intérêt, il faudra qu’on m’explique, de considérer que l’homme fait des bêtises parce qu’il est atteint de bêtise ? Et surtout, de quelle avancée la recherche de solutions à nos problèmes profite-t-elle lorsqu’on estime tout simplement que s’il y a des guerres c’est la faute à la bêtise humaine ?

L’argument de la bêtise humaine me rappelle celui des écolos pessimistes, ceux qui affirment (et pour quelques uns ils le chantent, c’est encore pire) qu’ils préfèreraient que l’homme n’ait jamais existé plutôt qu’il détériore la Terre comme il l’a fait. Ici ce serait le paradis si nous n’étions pas venus, voilà ce qu’affirment certains alors que le paradis est avant tout un lieu de bonheur et que le bonheur est humain au même titre que la bêtise. Franchement je ne comprends pas ces gens, et je me demande pourquoi ils ne se sont pas encore fait sauter la cervelle pour s’accorder avec leurs idées une bonne fois pour toutes. Si leur idéal est une planète déshumanisée, qu’ils donnent l’exemple bon sang.

Enfin à part ça je suis allé voir Sicko, le dernier film de Michael Moore, eh bien c’était très chouette. Alors que Fahrenheit 9/11 était véritablement casse-couilles, Sicko est prenant, drôle et édifiant. Fatalement il donnera, chez nous, du grain à moudre aux antiaméricanistes primaires qui adorent dire que l’Américain moyen gobe toute la propagande que lui filent ses médias ( sauf que plus d’un Américain sur deux estime que les médias lui fournissent une information incomplète et inexacte, un peu comme nous), qu’il est réactionnaire (l’autre jour j’ai vu Woodstock, le docu sur ce gigantesque festival de rock de 1969 qui a attiré plus d’un million de personnes, essentiellement des jeunes évidemment, et la plupart des riverains interviewés disaient qu’ils s’inquiétaient que les festivaliers manquent de nourriture et qu’ils étaient prêts à en distribuer, qu’ils trouvaient ça très bien que les jeunes se réunissent comme ça pour festoyer et pour danser et que c’était aussi bien s’ils fumaient deux ou trois petits joints, et ça m’a beaucoup amusé lorsque j’ai pensé au bordel que nous faisons en France lorsqu’une rave party de 20 000 bougres veut se poser dans un champ) ou qu’il est juste symbolique de la bêtise humaine dont au sujet de laquelle je causais plus haut. Même si Sicko joue parfois sur la corde sensible et devient tire-larmes c’est un bon film et, contrairement à ce que disent les critiques, je ne crois pas que l’image qu’a Moore de la France soit idéaliste, en réalité je crois que c’est nous qui sommes trop critiques. En revanche quelque chose me fait un peu rire, c’est lorsque Moore explique dans des interviews que les Américains sont égoïstes alors que nous, Français, sommes solidaires puisqu’à titre d’exemple à la suite de la canicule de 2003 nous avons décidé d’offrir un jour de travail aux vieux, alors que dans Sicko, voulant montrer que nous sommes un peuple qui ne se laisse pas faire lorsqu’on lui impose un truc déplaisant, il diffuse des images d’une des manifestations que nous avons menées pour nous insurger contre cette fameuse journée de solidarité, enfin bref

tant va la cruche à l’eau qu’en la fin la bobinette choit.