J’avais dit que je ferais un compte-rendu de ma journée aux Eurockéennes mais finalement, voyez-vous, je mets ça de côté. La première raison c’est que ça va bientôt faire un mois que ce festival s’est tenu et que cette distance temporelle risque d’amoindrir l’intérêt d’une telle entreprise. La seconde raison c’est qu’en réalité je ne retiens pas grand-chose de ce dimanche 1er juillet. Pourtant ça n’avait rien de nul, loin de là, c’était même super. L’ambiance était chouette comme tout — j’étais avec des gens que j’aime beaucoup voire tout court pour ma chère et tendre — et d’ailleurs c’est presque pour son atmosphère plutôt que pour les artistes que ce genre d’événement est intéressant. Enfin il faut bien reconnaître que la chose la plus importante pour une bonne ambiance festivalière, ce sont les artistes, ça je le concède. Mais pour être franc je n’ai pas fait très attention à ceux que j’ai vus jouer ce jour-là, à vrai dire il n’y en a que trois sur lesquels je me suis vraiment attardé, TV on the Radio, Tryo et Arcade Fire.
En dehors de ça j’ai zappé entre plusieurs trucs un peu insignifiants, d’abord un groupe de pop suédoise pas bien originale, je crois qu’il y avait lover dans le nom du groupe mais je ne pourrais même pas l’affirmer, et puis ensuite un groupe de metal hurlant nommé Hatebreed qui excellait dans la mauvaiseté et parvenait à accumuler tous les clichés que les détracteurs de metal entretiennent — parfois à tort — contre ce genre musical, un chanteur chauve qui beugle crânement, des guitaristes graves qui font tou-tou-tou-tou-tou, et un résultat boueux.
Il y avait aussi le nouveau groupe de Damon Albarn (le type de Blur et Gorillaz), the Good, The Bad & The Queen. Albarn, c’est un type pour lequel j’ai du respect, souvent il m’est arrivé d’apprécier sa musique et j’attendais pas mal de ce projet pour lequel il avait réunis le bassiste des Clash, le guitariste des Verve et le batteur Tony Allen, qui paraît-il est très respecté. Finalement c’était plutôt mou et assez loin des revendications d’Albarn, qui prétend toujours fait du neuf. Peut-être que lui n’avait jamais rien joué qui ressemblât à ça mais dans l’absolu les chansons n’avaient rien de très original et, comble de malheur, elles étaient soporifiques. Bon.
On a filé voir Tv On The Radio, dont j’attendais vraiment beaucoup parce que les deux albums que je connais de ce groupe m’ont vraiment botté, leur musique est vraiment très intéressante. Mais le son était mauvais et les subtilités qui peuplent habituellement leurs chansons m’échappaient complètement.
Enfin tout de même quoi, Staring At The Sun est une excellente chanson.
Et puis nous sommes allés voir Tryo. C’est un groupe pour lequel j’ai de la sympathie, je trouve qu’ils ont pas mal de bons côtés même si l’abondance de hé man dans leurs morceaux m’énerve parfois un peu, tout comme leur pose écolo-libertaire. Mais en concert c’est autre chose, c’est une tout autre chose. C’est qu’ils m’ont fait sautiller ces nazes, vraiment leur musique en live est très entraînante et très amusante, en plus au milieu d’une foule hilare fumant pour moitié des joints durant tout le concert il y a vraiment de quoi prendre son pied — en faisant fi de leurs attaques faciles contre Bush ou de leurs arguments un peu faiblards pour la légalisation du cannabis. Et puis ils ont repris All You Need Is Love, et ils l’ont bien reprise.
Mais enfin, tout cela réuni ne pouvait pas arriver à la cheville d’Arcade Fire, non vraiment ça n’était pas imaginable. A 23 heures les huit Canadiens devaient faire leur entrée sur la grande scène et, pour être franc, s’ils ne s’étaient pas trouvés là ce soir je ne serais pas venu aux Eurockéennes. Je ne sais pas si c’était une question de placement, je crois qu’en réalité c’est juste lié aux festivals en général — car l’année dernière le problème avait été le même pour Radiohead à Rock en Seine — mais le son était un peu mauvais, légèrement saturé. Disons qu’Arcade Fire, comme Radiohead d’ailleurs, je pense qu’il vaut mieux dans la mesure du possible les voir lors de concerts uniques, à l’Olympia par exemple. Enfin dans l’immédiat pourquoi ne pas les voir aux Eurocks ? Je vais être clair : ce fut un très beau concert. J’étais malade au milieu mais tout de même, c’était super. D’ailleurs après avoir eu mon petit malaise c’était encore plus génial, du bonheur complet, je pleurais à moitié et je me sentais léger et frais comme tout, en plus il pleuvait et il ventait et vu qu'Arcade Fire c'est peu ou prou une tempête, tout ça s'accordait à merveille. N’ayant que deux albums à leur actif leur setlist ne pouvait pas être très étonnante, et ils ont fait moitié-moitié entre les deux CD. Pour ma part j’aurais bien jeté une oreille à Neon Bible, leur dernière production, avant le concert, sauf que je n’avais pas assez d’argent pour l’acheter. Et du coup, mauvais son oblige, j’ai eu du mal à apprécier les chansons de Neon Bible à part No Cars Go qui, même loupée, ne peut être que somptueuse. Par contre les morceaux que je connaissais déjà par cœur, comme par exemple Rebellion (Lies) — que Bayrou utilisait dans ses meetings pendant la présidentielle, peut-être pour renforcer l’image subversive qu’il voulait se donner — ou In The Backseat, ces morceaux-là m’ont carrément perforé.
Ca ne m’empêche pas de vous mettre un extrait du concert, No Cars Go justement.
Une fois revenu à la maison j’ai craqué, j’ai téléchargé Neon Bible, c’était plus fort que moi. Je l’achèterai bientôt de toute façon, il me faut la boîte et le vrai disque et puis je veux contribuer à la réussite financière d’Arcade Fire. En attendant je m’étais promis de ne l’écouter qu’une fois, juste pour me donner un avant-goût, et en fait je ne suis pas assez précis parce que la première idée était de n’écouter que No Cars Go, comme si j’avais acheté un single. Mais assez vite tout l’album y est passé, peut-être bien quatre fois en deux jours.
Enfin comprenez-moi : Neon Bible c’est de la drogue, et c’en est de la bonne. Mon Dieu que ce disque est beau, mon Dieu qu’il est parfait, c’est un aboutissement de toutes les idées géniales du précédent ( The Funeral). Forcément c’est Arcade Fire tel qu’on l’attend, on pourra même leur reprocher de ne pas s’être beaucoup renouvelés mais pas moi : pour ma part je les remercie de n’avoir pas changé grand-chose et d’avoir creusé ce qui était déjà magnifique avant. Il sera temps d’évoluer pour le prochain album, car dans l’immédiat voilà gravé l’un des meilleurs disques que j’aie jamais entendus. Je lis beaucoup que s’il est très bon, cet opus est trop prévisible et un peu inférieur au premier. Ne croyez pas les boniments ! Neon Bible écrase The Funeral, il est d’une puissance infinie ce truc, tout est parfait, tout est léché et pourtant si spontané, si direct, jamais prétentieux ni grandiloquent et pourtant si ambitieux et décomplexé, il y a des chœurs, des violons, des accordéons, des trucs partout dans tous les sens mais jamais cela n’est lourd ni indigeste, partout c’est la même pureté et la même beauté.
Tant vais-je à Neon Bible, qu’en la fin il m’empoisonne.
Et tant ai-je tenté de ne pas rendre compte des Eurockéennes, qu’en la fin je l’ai fait tout de même.