Il y a une émission qui m’amuse beaucoup, c’est Point Route, vous savez ce programme de deux minutes sur France 2, le plus souvent présenté par Valérie Maurice qui nous fait en quelque sorte la météo des routes, sur l’A4 deux kilomètres de bouchons vers Perpignan, prenez plutôt la déviation numéro 3, par contre Bison Futé annonce une journée verte demain sur toutes les routes de France. Ce qui me fait rire dans Point Route, ce n’est pas tant le fait que l’on s’adresse à nous comme si on regardait l’émission tout en conduisant (si vous êtes sur la route de Marseille vous êtes bloqué dans cinq kilomètres de bouchons, nous dit-on par exemple, et prenez votre mal en patience pourrait-on ajouter), non, c’est plutôt le fait que les accidents de circulation ne soient vus que sous l’angle de la gêne qu’ils vont nous causer dans notre parcours pour la plage. Par exemple, on apprend que deux voitures se sont percutées sur la Nationale 8 mais on se fout totalement de savoir si tout le monde s’en sort bien ou s’il y a quinze morts, le problème n’est absolument pas là puisque l’essentiel, dans cette affaire-là, c’est que nous, pauvres vacanciers, nous risquons d’arriver au camping avec quinze minutes de retard. A la limite Valérie Maurice pourrait presque dire, tant qu’à voir les choses de cette manière, deux connards se sont percutés sur la N8 et ont mis un bordel monstre dans tout le trafic, à cause de ces incapables vous aurez quinze minutes de retard mais soyez rassuré car de toute façon ils sont morts, l’affront est donc déjà lavé même si l’évacuation des deux cadavres prend forcément plus de temps, à la limite il serait d’ailleurs plus juste et surtout plus rapide, eu égard à la gravité de leur comportement, de les laisser dans la carcasse de leurs voitures et de les envoyer à la casse avec.
Tiens, pendant qu’on parle de voitures, je signale que je suis en train d’essayer de passer le code, enfin ça va faire un an que j’y suis. Cette information n’a en soi aucun intérêt, même Elise Lucet n’en parlerait pasdans le 13 heures de France 2 — qui, tout bien réfléchi, ne vaut finalement pas beaucoup mieux que celui d’en face — mais elle me permet d’introduire un cri du cœur au creux du kir, un cri du cœur que j’adresse prioritairement aux GIC et aux GIG, ils se reconnaîtront. Je suis assez scandalisé, lors des séances de code, par les questions qui portent sur les emplacements pour handicapés, enfin les grands invalides civils ou grands invalides de guerre pour les appeler par leur nom scientifique officiel (en latin : grandus invalidus civilem ou grandum invalidae bellum). Par exemple on a une photo d’une place de parking réservé aux GIC ou GIG, avec le PL du mec en FR sur FB (le petit logo du mec en fauteuil roulant sur fond bleu). La question est la suivante :
Je peux faire un arrêt sur cette place, oui réponse A, non réponse B, stationner sur cette place, oui réponse C, non réponse D. Evidemment il est attendu que nous répondions B et D, non aux deux puisque nous sommes des gens civilisés et respectueux des autres, même inférieurs. Mais là quelque chose m’interpelle, car le candidat handicapé, lui, devrait, eu égard à sa situation, répondre A et C, oui partout, et pourtant à aucun moment n’est prise en compte cette possibilité. Ce qui signifie qu’il n’a, face à cette question, pas d’autre choix que de répondre que non, il ne peut pas s’arrêter sur une place qui lui est réservée, et que non, il ne peut pas non plus y stationner. C’est juste, permettez-moi, un déni de sa situation et une nouvelle fois l’imposition violente d’une vision majoritaire (je dis une nouvelle fois parce que je connais un autre cas de figure, c’est celui de la dictature des droitiers pour qui tout l’environnement a été conçu, ils n’imaginent pas comme c’est embêtant parfois d’être gaucher, devoir croiser les bras, devoir se retourner, ne pas voir certaines choses, ne pas parvenir à découper une feuille de papier et la plier involontairement avec des ciseaux à la con, enfin je pense que je consacrerai un article complet à cette lourde injustice). C’est-à-dire que sous couvert de montrer que le code de la route respecte tout le monde, l’apprentissage du code lui-même se fait au détriment de ceux que le code se vante de respecter. Quel scandale tout de même. C’est pourquoi si un handicapé me lit et qu’il passe le code, je lui dis ami ! Ne te laisse donc pas faire, résiste ! A l’avenir réponds par la vérité, réponds oui partout et explique-t-en ensuite avec les responsables de l’examen qui n’auront d’autre choix que de céder à tes arguments sous peine de passer pour des gros connards intolérants. Voilà ce que je voulais dire aux GIC et aux GIG de passage sur cette page en espérant que la réalité ne soit pas, par exemple, que les GIC et les GIG ont des séances de code réservées avec des questions particulières et des examens adaptés parce que, sans doute, ce serait pousser le mépris bien plus loin encore.
Mais le code j’aime quand même bien, vraiment je trouve ça très rigolo. Ce que j’aime le plus c’est qu’on visite la France, c’est un voyage très envoûtant, on est baladé une heure durant dans toutes les régions, par tous les temps, toutes les saisons et toutes les heures. On voit un village de l’Isère la nuit, on voit une belle montagne sous la pluie, on voit une magnifique bande d’arrêt d’urgence (celle de l’autoroute vers Montpellier est vraiment magnifique) ou un joli lever de soleil sur le péage vers Strasbourg. Des fois il y a de très jolies photos, vraiment, parfois j’oublie presque de répondre tant je suis fasciné.
Fasciné comme la cruche le fut par l’eau, et elle le fut tant et voulut tant y aller qu’en la fin elle se brisa.

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posted the 07/08/2007 at 09:16 PM by
franz