Pourquoi Casimir est-il allé sur l'île au trésor ?
Episode 1
Episode 2
Episode 3
Episode 4
Episode 5
Après un générique d’environ cinq minutes, au cours duquel on put voir chacun des protagonistes de l’histoire se tourner vers la caméra en souriant, affublé de son nom (Casimir, Casimirette, le Pendule), un résumé apparut à l’écran, retranscrit ici tel que diffusé :
Si vous avez manqué le début : A la recherche d’un trésor caché sur une île mystérieuse, Casimir trouve un pendule un peu étrange qui lui explique qu’il ne le mènera au trésor que s’il passe au préalable deux épreuves. Mais lesquelles ? Telle est la question à laquelle ce cinquième épisode répondra, mais pas seulement.
Casimir emmena le pendule dans la cuisine pour discuter un peu, manger des biscottes, et arroser sa plante verte.
Casimir : « Tu m’expliques que tu ne me mèneras au trésor que si je passe au préalable deux épreuves. Mais lesquelles ? Telle est la question à laquelle j’aimerais que cet épisode 5 réponde. »
Le pendule : « C’est une foutue bonne question. En toute sincérité, je ne saurais trop te dire quelles épreuves tu devras passer. La seule chose que tu puisses faire est celle-ci : à l’aide d’un fil, fais-de moi un collier que tu passeras autour du cou ; et à partir de là, je te donnerai le même conseil qu’à Pocahontas : « écoute ton cœur ».
Casimir ne put dissimuler sa déception ; les deux épreuves qu’il avait attendu de subir, et qu’il avait bien compté réussir quelle qu’eût été leur difficulté, semblaient soudainement s’éloigner pour n’être plus qu’un vague point de chute dans l’horizon du désespoir et des âmes brisées, soupir intense et larmoyant du poète au pied du chêne d’où tombent les glands sur sa tête pleurant dans ses mains aux lignes usées par la plume.
Toutefois, et quoique cela lui en coutât, il s’exécuta. Il noua autour de son cou la ficelle qui tenait le pendule et, son fidèle compagnon contre la poitrine, il entreprit, comme cela lui avait été préconisé, d’écouter son cœur. Mais comment faire ? se demanda-t-il. Il se mit à marcher, et machinalement ouvrit un tiroir. Dans le bric-à-brac qui s’offrit à ses yeux, son regard fut attiré par un objet en particulier : un stéthoscope.
Et soudain, la mémoire, les images, les souvenirs, lui revinrent à l’esprit : « Cet objet, c’est un stéthoscope mon petit, ça sert à écouter les cœurs, tu vois ? Regarde, je vais te montrer en écoutant ton cœur. »
Images qui s’entrechoquent, homme réconfortant et souriant, pansement sur un index meurtri. Un film passé au mixer : vision fugace d’un canard de bain englouti voracement par la baignoire ; de sa main orange plongeant vers le jouet pour le rattraper ; de son index happé à son tour par les flots savoneux, d’un pincement intense d’un cri suraigu de douleur ; de sa maman paniquée, autant par les hurlements que par son mari impuissant, qui accoure Ooh mon pauvre petit Casimir que t’est-il arrivé ? Maman est là ne t’inquiète pas, je vais t’emmener chez le docteur, voilà, voilà, calme-toi… Réconfort de l’épaule maternelle, larmes coulant le long du dos rond de la génitrice, menton tremblant et dents serrant la lèvre inférieure.
Et puis il y eut la voiture, Citroën des années 50, pétaradante mais rassurante ; un sparadrap sur le doigt, Casimir, sur le siège arrière, contemplait les lampadaires et sentait le rai de leur douce lumière électrique caressant sa peau — lumière jaune puis obscurité puis lumière jaune — ; et sa maman, toujours pas niquée, à la conduite douce et aérienne, l’emmenait chez un type nommé le docteur, et le docteur savait encore mieux que maman ce qu’il fallait faire. En sortant de la voiture, Casimir regarda vers les étoiles ; — certaines étaient filantes et dansaient entre elles comme les vieux à un concert d’André Rieu.
Le docteur était un homme charmant, et, bien qu’il dût travailler tardivement pour le petit Casimir, il lui parla avec la plus grande des gentillesses. C’est après avoir réconforté le jeune blessé qu’il sortit son stéthoscope et qu’il dit, face au regard interrogateur de son jeune patient : « Cet objet, c’est un stéthoscope mon petit, ça sert à écouter les cœurs, tu vois ? Regarde, je vais te montrer en écoutant ton cœur. »
Fugacité des images mais vivacité de la mémoire ; tous ces souvenirs avaient un sens.
Alors Casimir, le Pendule autour du cou, les yeux brillants, et le stéthoscope serré par ses mains vibrantes, comprit que pour écouter son cœur il lui fallait ce stéthoscope.
Et aussitôt le reste remonta à la surface : Casimir fasciné par le stéthoscope, le docteur lui proposant d’écouter lui-même son cœur ; l’enfant portant les deux embouts aux minuscules trous lui servant d’oreilles, et les battements rapides, comme une petite locomotive lancée à pleine vapeur, de son cœur ; et le sentiment soudain d’être soigné, de s’être retrouvé ; et le docteur lui disant, par-dessus le son des pulsations, « tu peux le garder si tu veux, ce sera notre petit secret » ; et à ce moment le sautillement joyeux du cœur qui se répercute dans tout le stéthoscope.
Paralysé par ces souvenirs qu’il croyait avoir enfouis à jamais, Casimir resta là, suant, tremblant, pendant quelques minutes. Puis le Pendule décida qu’il fallait mettre fin aux niaiseries, et lança à Casimir que s’il voulait son trésor, son gloubi-boulga, il fallait qu’il se magne d’écouter son cœur.
Casimir reprit ses esprits. En quelques secondes tout s’était bouleversé ; du désespoir le plus lamartinien il était passé à l’euphorie la plus footballistique, et les épreuves qui un instant plus tôt lui semblaient inaccessibles, devinrent à l’instant palpables. Il porta l’objet à ses trous auditifs et posa le petit plateau d’argent sur sa poitrine.
Il se concentra pour écouter son cœur. Mais il n’entendit que des battements. Pourtant ces derniers, passées quelques secondes, s’effacèrent, et Casimir entendit alors, venant de ses entrailles, la phrase suivante :
« Bravo, tu as surmonté les deux épreuves qui t’étaient fixées, et de manière brillantes. »
Ne restait plus alors qu’à afficher à l’écran les mots
A SUIVRE