Tiens, je vais faire mon chroniqueur politique. Ou plutôt mon chroniqueur de la campagne présidentielle, ça demande moins d’efforts.
J’ai pris un certain plaisir à regarder les émissions J’ai une question à vous poser sur TF1, parce que les questions que les gens avaient à poser aux candidats étaient du genre bonnes. J’aime particulièrement les trucs du genre je suis luthier, la profession est en crise, alors que comptez-vous faire une fois élu ? La meilleure dans ce genre de cas c’est Royal, qui est toujours ravie qu’on lui parle de ses problèmes personnels ; elle trouve ça très bien.
(Remarquez que je n’ai pas mis de (e) à élu, ci-dessus. Les chroniqueurs ont pris l’habitude, maintenant qu’une femme a vraiment pris de l’importance dans une campagne, d’accorder tout au féminin pour bien signifier qu’ils pensent aussi à Royal. Personnellement ce n’est pas que je n’y pense pas. Mais je ne suis pas chroniqueur politique. Et je déteste accorder mes adjectifs avec ces satanées lettres entre parenthèses. Cela dit, nous seront bien d’accord pour dire qu’on s’en fout un peu.)
Allez, je vais me la jouer analyste de comptoir, mais, toujours en voyant ces émissions, je me demande sérieusement si on n’a pas des réminiscences nostalgiques de la monarchie, en France. Les questions sont toujours de l’ordre du « alors, vous faites quoi », « qu’allez-vous faire pour », « que prévoyez-vous de faire », etc. A tel point qu’au final l’impression qui m’envahit est que nous allons élire un roi qui tiendra tout d’une poigne ferme, prendra toutes les décisions qu’il faut, et que c’est ce que nous attendons de notre futur Président, quel que soit son sexe, masculin, féminin, ou autre. Le retour du roi, c’est peut-être notre fantasme caché — mais ça n’est pas pour ça qu’on élira Royal —, et d’ailleurs, même si ça n’est pas nouveau vu que le président de la cinquième république se présente plutôt comme un monarque républicain, ça concorde bien avec l’ambiance générale d’attente constante que l’Etat prenne tout en main, à commencer par nos propres comportements. Il faut qu’il nous dise de ne pas fumer, de ne pas boire, de bien conduire, et même, maintenant, comble de l’infantilisation, de ne pas grignoter entre les repas et de faire du sport. Mais je me le demande franchement : quand l’Etat me dira-t-il de me retenir de péter dans les ascenseurs ? Et quand me rappellera-t-il de dire bonjour à la boulangère ?
Enfin, on va élire un roi, certes, mais ceci en supposant le plus souvent qu’il sera incapable de tenir ses promesses. Tiens, d’ailleurs, à propos des promesses non-tenues, un type faisait remarquer un détail intéressant à la télé l’autre jour, dans je ne sais plus quelle émission. Il disait que lorsque Le Pen promettait un truc à la con, on le croyait tout à fait capable de le faire, et immédiatement on faisait confiance à la réussite de son programme ; tandis que si un candidat du genre Sarkozy ou Royal promettait un truc sympa, immédiatement on perdait notre confiance en lui. Je crois qu’effectivement on a tous cette tendance-là, corrélée avec le fait que nous ne votons jamais pour une chose mais contre toutes les autres.
Bref, ce billet n’a d’autre intérêt que de me réintroduire dans cette page d’infortune. J’ai été quelque peu absent cette semaine, — on s’en est d’ailleurs parfois inquiété et j’en suis touché —, pour de basses raisons de santé. Je ne pourrai pas dire comme Desproges qu’un crabe me broutait le poumon, non ; tout au plus pourrai-je dire qu’une moule s’était accrochée à mon sein, et qu’il a juste fallu l’en extraire.
L’hôpital était d’ailleurs une expérience intéressante, un voyage à l’étranger, dans un pays un peu glacial dont la langue est parfois incompréhensible et dont les mœurs semblent, à quelque occasion, violentes. Je m’y suis bien amusé même si la bouffe y est dégueulasse ; et puis, coincé dans cette piaule pendant à peine une journée, mais avec la chance de tout de même pouvoir marcher, j’ai mieux compris les souffrances de mon grand-père, qui a passé presque un an dans une chambre de ce genre sans pouvoir bouger — où à peine. Heureusement il n’y est pas mort.
Le seul vrai problème c’est que je n’ai plus le droit de fumer pendant deux semaines — rapport à la réussite de la cicatrisation. Contre toute attente ça ne me manque pas trop, même pas du tout en fait ; — j’irai même jusqu’à dire que je me porte très bien comme ça, c’est bien d’arrêter un peu, ça sera encore mieux quand je recommencerai. Enfin en les écoutant, tout de même, me dire que si je fume ma cicatrice sera loupée, je me dis merde, il y a trente ans les gens fumaient à peine réveillés de l’opération et ils ne s’en portaient pas si mal. Alors quoi ? Sommes-nous devenus des chouffes ? Ou bien me trompé-je et les époques précédentes étaient invivables ? Aujourd’hui il y a tellement de choses à faire pour conserver la santé qu’en pensant à ceux qui, il n’y a pas encore si longtemps, ne faisaient rien de tout ce qui nous est conseillé — oserai-je dire ordonné ? —, je me demande comment ils ont fait pour vivre si longtemps que je peux encore les croiser dans la rue, marchant comme des hommes.
Mais tout ça ne change rien au fait immuable que tant va la cruche à l’eau, qu’en la fin elle se brise.

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posted the 03/16/2007 at 11:37 PM by
franz