Pourquoi Casimir est-il allé sur l'île au Trésor ?
Episode 2
Casimir Casimir n’a jamais eu une santé défaillante, et s’est toujours bien porté — malgré son poids. C’est bien évidemment le gloubiboulga, sa nourriture fétiche, très nutritionnelle, qui a mis son petit corps chétif à l’abri des dangers etc. En effet, le gloubiboulga renferme non seulement des molécules Alcasei Defensis Pourritus, qui renforcent nos défenses naturelles, mais aussi du Bifidus Actif, qui permet de se sentir bien à l’intérieur pour que ça se voie à l’extérieur. Et sur Casimir, ça se voyait vraiment bien à l’extérieur que sa santé était nickelle. En plus il ne fumait pas, ce qui lui a épargné beaucoup de choses — cancers, mort, dépenses inutiles, stress, apparence délabrée, et j’en passe.
D’une certaine manière, le gloubiboulga constituait le trésor de Casimir. Il aimait s’en remplir la panse, allongé dans l’herbe normande, dans une bouse de vache, et voir sur son ventre ronflant la tête de sa dulcinée Casimirette faire l’ascenseur. En levant la tête, il regardait les étoiles filantes traverser le ciel, se disait que c’était beau, et se plaisait à imaginer que chaque étoile était un bol de gloubiboulga attendant d’être englouti par sa large et puissante bouche. C’était le temps de l’innocence. C’était le temps du bonheur.
Mais il fallait qu’un jour ce temps s’achevât, et il ne pouvait s’achever autrement que dans la douleur. Danone arriva sur le marché, avec ses yaourts Bio, et ses Actimels, et toutes ses saloperies, et assez rapidement les Français se désintéressèrent du gloubiboulga pour manger une merde bien plus séduisante. Ceci signa l’arrêt de mort de la nourriture préférée de Casimir, qui se refusa à la remplacer par des yaourts — il fonda d’ailleurs assez rapidement le CAD (Comité Anti Danone), aujourd’hui dirigé par plus personne. Le 1er février 1954, Casimir lança un appel, sur la radio française, au retour aux bonnes valeurs culinaires. Il fut hélas très peu entendu : un connard notoire se faisant appeler l’abbé Pierre avait profité que cet hiver fût un peu frisquet pour lancer — le même jour, crénom ! — un appel, demandant carrément aux gens d’aider les pauvres pour éviter que ces derniers ne meurent de faim et de froid (a-t-on déjà vu demande plus illusoire et intolérante ? cet hiver aurait dû être une bénédiction ! Si personne n’avait suivi cet appel, des dizaines de milliers de clochards seraient morts, et la pauvreté aurait bien plus reculé).
Désespéré par cet échec, Casimir s’enferma plusieurs mois durant dans sa résidence Normande, avec sa femme. Un soir qu’ils étaient allongés dans l’herbe, et que comme à l’accoutumée ils regardaient les étoiles filantes, Casimir eut une idée. Il s’adressa à Casimirette, dont la tête reposait sur son ventre, avant de se rendre compte, en touchant un truc humide et chaud, que c’était une vache. Il trouva sa femme à quelques mètres de là, broutant de l’herbe à quatre pattes — preuve s’il en est que pour les Casimir la vie devenait dure.
Casimir prit sa femme dans ses bras et lui exposa, les yeux dans les yeux, son idée. La veille, dans son grenier, en fouillant dans la vieille malle de feu son père, il avait découvert plusieurs choses intéressantes — très intéressantes même.
Il était d’abord tombé, dit-il à sa Casimirette interrogatrice, sur un pied à coulisse gratte-prostate. Si le concept lui avait semblé flou dans les premières secondes d’appréhension de l’engin, il s’était rapidement rendu compte, en l’utilisant comme le mode d’emploi l’indiquait, que ses vertus gratte-prostate étaient bien réelles, et ne pouvaient être déniées ou minimisées. Les démangeaisons de prostate étaient un problème bien connu de la famille Casimir ; se transmettant de père en fils elles avaient parfois causé des soucis aux ancêtres de Casimir. Ainsi son grand-père était-il mort au combat, lors de la terrible guerre qui avait opposé les Casimir aux Alf, en tentant de se gratter la prostate avec sa baïonnette — laissant ainsi livrés à eux-mêmes sa femme, ses enfants, et l’amant – pédophile – de sa femme. La famille Casimir se souviendrait à jamais de cet épisode comme le drame le plus douloureux qu’elle ait eu à surmonter.
Dans la malle de son père, il avait également trouvé un éthilotest et un teushitotest, tous deux utilisés. Son paternel avait été pas mal porté sur la bouteille, et il avait certainement, un soir qu’il avait abusé de l’alcool de gloubiboulga, utilisé l’éthilotest pour vérifier qu’il lui était bien déconseillé, dans son état, de conduire. Au vu du résultat affiché par le ballon, Casimir comprit que son père s’était mis dans un sale état ce soir-là, et avait du même coup du recourir au teushitotest que sa famille se léguait à chaque génération. Ce dernier permettait de savoir si l’on était trop bourré pour se rendre jusqu’à son lit ou pas. En voyant le résultat, Casimir comprit que son père n’avait pas dormi dans sa couche cette nuit-là.
Casimir avait pensé, à ce moment, avoir trouvé tout ce qui se trouvait dans la malle.
Mais en fouillant plus profondément, expliqua-t-il à Casimirette, il avait mis la main sur un minuscule morceau de papier toilette Lotus ultra doux et ultra résistant parfumé à la vanille, celui-là même que sa famille utilisait depuis des siècles — et grâce auquel les Casimir s’étaient forgé une solide réputation dans le pays, à telle enseigne qu’on se pressait de toutes les villes et de toutes les campagnes pour toucher leur cul si propre. Ils en firent d’ailleurs un business florissant, facturant la caresse à 50 Francs (soit l’équivalent d’environ 100 Gloubis tout de même) et le baiser à 100 Francs. Une boutique s’ouvrit par la suite, — pas loin de leur maison normande—, qui vendait des paires de fesses de Casimir en plastique aromatisées vanille, et dont le succès fut tel que le pape lui-même en commanda une dizaine d’exemplaires. Leur affaire avait si bien tourné que Casimir avait pu vivre jusqu’alors sur les seuls bénéfices faits par l’entreprise familiale, qui avait périclité en même temps que le gloubiboulga, dans les années 50.
Sur ce morceau de PQ Lotus ultra doux résistant vanillé, Casimir avait pu lire cette phrase mystérieuse, certainement écrite par son père :
« Gloubi en boulga, le trésor de l’île sera découvert par le possesseur de mon éthilotest, de mon teushitotest et de mon pied à coulisse gratte-prostate, à la seule condition qu’il perce également le mystère ancestral de l’œuf et de la poule et qu’il aime regarder les étoiles filantes de Normandie. »
Alors, dit-il fermement à sa femme, il avait compris. Il s’était souvenu que son père avait déclaré, au cours d’un repas arrosé, en se grattant la prostate avec un éthilotest et en soufflant dans un pied à coulisse, que la famille Casimir jamais ne manquerait de Gloubiboulga, car une quantité suffisante de cette précieuse mixture avait été cachée par ses soins sur un île mystérieuse — une quantité « suffisamment suffisante », avait-il précisé, « pour nourrir mille générations de Casimirs ».
L’espoir était revenu dans le couple Casimir.

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posted the 01/28/2007 at 10:26 PM by
franz