(Note : j'ai modifié la fin du texte précédent, Une Soirée.)
Laissez-moi entamer ce billet par un regret à l’amertume à peine dissimulée, un de ces regrets que l’on emmène dans sa tombe ou dans son urne sur le balcon de sa fille aînée : il est en effet attristant que les associations antitabac refusent de fumer le calumet de la paix avec nous, fumeurs, qui n’attendons que ça. Elles préfèrent coller le patch de la guerre à l’autodestruction, et c’est tout à fait gênant, dans la mesure où il n’échappera à personne qu’étant donné les tarifs des traitements aidant à arrêter le fumage, en particulier celui des patchs, que l’on fait passer pour indispensables dans cette démarche, certaines entreprises pharmaceutiques ont autant intérêt à ce que les 13 millions de fumeurs français arrêtent que l’industrie du tabac à les faire poursuivre.
Bref, comme vous le constaterez, et moi-même je ne cache pas ma déception face à ce constat, je ne sors pas des réflexions qui font le marathon autour de mon esprit, depuis quelques semaines, sur le difficile sujet des lois antitabac.
Puisque j’en suis à parler pour dire ce qui me passe par la tête, je vous signale que — mais ça fait déjà un moment — la réédition de Gyakuten Saiban II sur DS (Phoenix Wright 2, bande de pourris occidentaux) est parue au Japon, pour l’équivalent de vingt de nos petits euros. Donc si vous allez commander cette merveille sur Play-Asia, en sachant qu’elle propose une traduction anglaise, vous l’avez pour, frais de port inclus, une trentaine d’euros, ce qui fait toujours une dizaine de moins que les quarante auxquels le jeu nous sera inévitablement proposé, étant donné que chez nous c’est un inédit, et puis la cinquième roue du carrosse blabla tout ça, enfin vous tenez ces discours assez régulièrement pour savoir de quoi je parle.
Continuons dans les conseils d’ordre culturel, avec un CD que j’écoute au moment d’écrire ces lignes à la vacuité aussi affolante que le comportement de personnes prêtes à se faire passer pour vos amies pour mieux adopter derrière un comportement d’ennemies. C’est un magnifique album, triste à mourir, beau à pleurer, un frisson de quarante minutes, et c’est signé Antony & The Johnsons, et ça s’appelle I am a bird now, et ça porte en soi des merveilles nommées Hope there’s someone, You are my sister, What can I do, Fistful of Love (featuring Lou Reed).
C’est le romantisme froid et mélancolique d’un homme qui se voit et se veut femme, et dont la référence majeure s’appelle Candy Darling, figure légendaire des travestis new-yorkais, morte à la fin des années 60 d’un cancer, objet de deux des plus belles chansons de Lou Reed, Candy Says («I’m gonna watch the bluebirds fly over my shoulder / What do you think I’d see, if I could walk away from me ? ») et Walk on the Wild Side (« Candy came from Miami F.L.A, hitchacked the way cross the U.S.A / Shaved his legs and then he was a she »).
C’est d’ailleurs Candy qui orne la magnifique photo de la pochette de l’album, posant sur son lit de mort.
Hier je suis revenu sur les lieux où je vivais quand je mesurais moins d'un mètre vingt. C'est fou ce qu'ils se sont réduits. Certes l'immeuble de vingt étages où je vivais, au quinzième, ne me semble pas moins haut. Mais il y a un petit muret, et je me suis souvenu de l'époque où il me fallait mes deux mains pour me hisser dessus et jouer les funambules, et je n'ai eu qu'à lever mon pied et le poser dessus pour faire de même. Le plafond du parking souterrain, qui jadis me semblait inaccessible, était assez bas pour que je puisse l'atteindre de la main.
Au fond du parking il y a une porte, cette porte mène sur un couloir, qui amène sur un escalier, qui ramène au rez-de-chaussée de l'immeuble, près de la loge du concierge dont la femme me gardait souvent après l'école et chez qui je mangeais des madeleines de Commercy en regardant des conneries à la télé, genre Hélène et les garçons.
Cet immeuble est le cadre d'un cauchemar que je fais régulièrement.
Je suis au collège avec ma classe, j'habite à 70 kilomètres de cet immeuble, et pourtant j'y suis avec tous mes camarades et mes institutrices, un voyage de classe semble y avoir été organisé. Nous prenons l'ascenseur, montons au vingtième, prenons l'escalier qui mène au toit. A mi-hauteur, un petit corridor se dérobe sur la gauche, et je m'y sens irrésistiblement attiré. J'abandonne le reste de la classe, qui continue de gravir l'escalier, et m'engage dans cet étroit couloir dont les murs blancs se décrépissent un peu et qui sent le renfermé. Une multitude de portes s'y succèdent de chaque côté, si rapprochées qu'elles ne peuvent donner accès qu'à des placards. J'ai peur, la froidure m'envahit de la tête aux pieds ; mon corps sait où il va mais refuse de me le dire. Des intersections se présentent à moi, mènent à des sosies du couloir dans lequel je marche ; je prends à gauche, vois des portes défiler, puis à droite, encore des portes toutes identiques, puis à nouveau à droite, et je me trouve alors dans un petit passage reliant deux corridors parallèles.
Immédiatement une porte, face à moi, similaire aux autres, copie encadrée de copies, m'attrape d'un bras invisible. Elle plonge sa main de fer dans ma poitrine, agrippe mon cœur qui se débat et se cogne contre les doigts de métal. Je m'approche d'elle ; mes pieds s'y dirigent contre mon gré ; mes mains, bien qu'encore éloignées de quelques mètres de la clenche, se tendent pour l'actionner. Une froideur mortuaire s'exfiltre par l'embrasure du dessous ; aucun rai de lumière n'éclaire le sol ; pourtant un être se trouve derrière, je le sais. Je vais découvrir, la certitude m'en est acquise, la pire chose qu'il me soit donnée de voir, pas un simple cadavre, pas le moindre monstre, mais une idée qui pourra peut-être me tuer sur le coup, un fantôme, une image, une vérité, trop forte pour que je puisse supporter le contact avec elle, et si elle ne me tue pas, trop dure pour que je ne sois pas marqué à vie par cette rencontre, pour que mes yeux ne se révulsent définitivement jusqu'à ma mort, ne fassent comprendre à toute personne croisant mon regard que j'ai vu l'horreur dans son expression la plus absolue.
C'est évidemment au moment d'empoigner la clenche de cette porte maudite que je me réveille.
J'ai revécu cette situation plusieurs fois, la plupart du temps dans ce même immeuble, dans le couloir du parking ou à l'étage séparant le rez-de-chaussée du premier, où se trouvent les caves. D'autres fois la porte m'est apparue n'importe-où, sur le côté d'un château que je visitais avec ma classe au lycée, dans la maison de campagne où je passe mes vacances. Je n'ai jamais pu l'ouvrir, ni même peut-être su ; je ne sais pas ce que cette porte cache et je ne peux même pas l'imaginer, je sens que c'est trop grand pour moi.
Un jour, c'est certain, peut-être à la mort d'un proche, et je pense que ce sera ma grand-mère, j'ouvrirai cette porte.
Et alors ma vie changera. Ou pas.
posted the 11/14/2006 at 11:06 PM by
franz
En tout cas z'on l'air gai tes cauchemars.A mon avis, tu n'arriveras pas à ouvrir la porte dans ton rêve (ou cauchemard) si tu ne sais pas à quoi elle correspond dans ton subconscient. Une fois que tu sauras ce qui est derrière, tu le verras. Et tu arrèteras le cauchemard.
(si ça se trouve, le truc horrible qui se trouve derrière c'est un mec d'une asso anti tabac, fait gaffe !)