La semaine dernière je suis allé voir Indigènes. Ce fut une expérience inoubliable, mais pas tant en raison de la qualité du film que du contexte dans lequel je l'ai vu.
Bon, Indigènes en ce moment c'est le film coqueluche de tout le monde, parce qu'il permet à des tonnes de gens de passer la télé en disant « il était temps qu'on en parle » comme si c'était leur combat quotidien, alors qu'eux-mêmes n'en n'ont jamais parlé. Pour cette raison je le sentais mal ; quand on parle trop d'un truc dans les médias ça m'exaspère bien souvent plus qu'autre chose, et ça me pousse au boycott. Néanmoins je ne voyais aucune raison de penser que le film serait mauvais ; par conséquent je suis allé le voir avec ma chère et tendre.
Elle avait une offre pour aller au Kinépolis, deux places achetées = une gratuite et un pop-corn baby, un truc super pour attirer les nouveaux clients.
Le Kinépolis, c'est à l'évidence toute une philosophie du cinéma. On arrive devant le truc, un gros édifice parallélépipédique dont le parking équivaut à un terrain de foot. Là, l'essentiel des gens que l'on peut croiser ont l'air de sortir directement d'un bled pourri un 14 juillet ; ça ressemble en gros au look beauf campagnard de certain(e)s adolescent(e)s les jours de fête au fin fond de la Lorraine.
On rentre dans le complexe cinématographique proprement dit, après être passé devant un Bowling aseptisé, vide de toute fumée, où des gens semblent s'emmerder en attendant on ne sait quoi, peut-être leur film, peut-être de tomber sur une nana venue spécialement pour se faire draguer, peut-être Dieu.
Au Kinépolis, cinéphile, tu ne risques pas le contact humain : l'essentiel des caisses pour acheter ses places sont en fait des distributeurs où l'on paye par carte bancaire. Heureusement, une caisse désuète dans cette ambiance Philip K. Dick trône au premier étage ; tu la trouveras même si le gigantisme à l'américaine de l'ensemble laisse à s'interroger sur ce qui est passé par la tête des concepteurs du bâtiment, qui ont certainement décidé de multiplier toutes les dimensions raisonnablement exigées par cinq, pour en mettre plein la vue. En achetant donc deux places avec le petit coupon de promotion, tu en as une gratuite, ce qui revient au final à acheter deux places normale au petit cinéma d'art & d'essai du centre-ville.
Tu veux profiter intégralement de ta promo, et tu files, après qu'on a déchiré ton ticket, si luxueux que sa conception doit coûter 15 % de la place, dans la boutique de bonbecs du lieu, qui vend également des DVD, des disques, et qui propose aussi de jouer à des jeux vidéo, et d'acheter des livres, et qui doit faire la taille d'un supermarché de quartier. Là tu t'offres le pop-corn promis, et prends conscience que la stratégie commerciale de ce cinéma est du genre « achetez deux pop-corn, on vous offre une place », manière de faire passer le cinéma lui-même au second-plan et l'appétit consommateur du pigeon au premier plan. Ton pop-corn est au format baby, mais tu en as déjà assez pour deux personnes. Ca ne doit pas être le cas de tout le monde, puisqu'on a pu voir deux mecs sortir du magasin, et chacun d'eux semblait porter une baffle, sauf que c'était un pop-corn. Pour bien prendre conscience de leur ridicule, il faut comprendre que leur tête disparaissait derrière un carton affichant sobrement un « Pop-Corn » à la police psyché et aux couleur multiples, si haut et si rempli de friandises que ces dernières n'étaient pas loin de se répandre sur leu crâne.
Tu te diriges ensuite vers ta salle dans un couloir qui joue des tours à ta vision : il semble de taille raisonnable de prime abord, mais en réalité plus tu approches de la porte de ta salle, plus le couloir semble grand et la porte éloignée, comme une distorsion de l'espace et des distances.
La salle proprement dite est évidemment gigantesque, avec un écran de la taille de la façade d'un immeuble de deux étages, à tel point qu'une fois assis il faut tourner la tête pour aller d'une bordure à l'autre de l'écran, et des fauteuils énormes munis d'emplacements à gobelets et d'accoudoirs doubles, ce qui met fin aux divertissantes batailles d'accoudoir auxquelles ont pouvait parfois se livrer avec son voisin au temps jadis, ou bien à la technique dite de la drague par l'accoudoir, qui consiste comme chacun sait à poser doucement sa main sur celle du voisin(e) qui n'a évidemment pas laissé la sienne traîner innocemment à cet endroit où seul un bras peut cohabiter avec lui-même.
On s'installe confortablement, parce que le confort est au centre de toutes les préoccupations du Kinépolis. On peut voir des petites nanas de 13-14 ans, habillées comme des petites pouffes, se déplacer à côté des rangées en dandinant leur petites fesses même pas finies.
(Demain, la critique du film proprement dite)

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publié le 13/10/2006 à 22:20 par
franz
Et en plus je trouve ça drôle. (ce blog, pas mon com).