« Tu es égoïste, tu ne penses pas aux autres.»
C’est la sentence irrévocable du moment, celle qui s’abat sur ma personne dès lors que je défends des idées qui me concernent et m’attaque à des choses dont j’estime qu’elles me portent préjudice. C’est une des lubies actuellement branlottées par les bien-pensants, gavés d’idées altruistes et généreuses mais oubliant de mettre ces dernières en œuvre.
Je préfère répondre par avance aux futures accusations de ce genre qui me seront assénées : oui, je suis égoïste. Je suis effectivement la première personne à laquelle je pense, après celles que j’aime le plus. Et, par ailleurs, je me fous également des autres : leur vie ne m’intéresse pas, pas plus que leurs problèmes ; seuls les miens méritent que je me batte.
Au reste, qui pourra dire qu’il n’est pas comme moi ?
Certainement pas celui qui vient m’ordonner de penser aux autres en me lançant mon égoïsme au visage ; parce que la phrase que celui-ci m’assène comme un jugement moral émanant du Très Saint Père ne sert qu’à dissimuler son propre égoïsme.
« Tu es égoïste, tu ne penses pas aux autres », c’est une autre manière, plus sournoise, moins avouée parce qu’effrayée de la vérité qu’elle dissimule, de dire « tu ne penses pas à moi », ce moi s’incluant dans les autres pour se donner la légitimité de la masse. La souffrance cumulée de plusieurs personnes est toujours plus prise en considération que les souffrances individuelles.
Si la personne me faisant cette morale n’appartenait pas aux autres, ceux à qui elle me demande gentiment de penser un peu plus, elle ne se préoccuperait évidemment pas plus d’eux que moi je ne le fais.
Ce que ces relativistes hypocrites cherchent, c’est la justification de leur propre égoïsme à travers la mise en avant de celui de l’autre : celui qui a le malheur de penser à lui avant de penser à eux, pauvres petits insatisfaits incapables de comprendre que tout être humain est avant tout un individu cherchant à réussir son existence.
Pourtant, j’y pense moi, à eux.
Tiens, je pense à eux à un tel point que je suis en train de leur consacrer un article.
Alors, qu’est-ce que vous me voulez encore ?
Ca y est, vous êtes au centre de mes préoccupations ! Je m’occupe de vous, les altruistes modernes, qui n’avez que les mots générosité et attention à la bouche quand vous n’avez, comme n’importe quel avatar de l’humanité occidentale contemporaine, moi y compris, que votre petite personne à l’esprit.
Celui d’entre-vous qui est convaincu d’être véritablement altruiste peut venir se manifester ici ; le fait même qu’il se signale, a fortiori sur un site de jeux vidéo, symbole même d’une société où la propriété matérielle est mise au centre de tout, signifie tout simplement qu’il n’est pas plus altruiste que mon cul : il le serait vraiment s’il faisait autre chose de son argent et de son temps.
Puisque j’en suis à revendiquer des caractères unanimement décriés et rejetés tout en étant pour chacun inclus dans chacun de nous avec sensiblement la même importance, je n’hésite pas à me rendre fier de mon individualisme. (Individualiste, terme souvent précédé de société, pour faire comprendre que l’égoïsme de chacun, appliqué à tous, mène à un égoïsme social.)
Personnellement, je suis intimement individualiste : je ne supporte pas le travail de groupe et les concessions que l’on doit faire lorsqu’il s’agit de s’accorder avec d’autres sur comment procéder dans une tâche que je voudrais être seul à exécuter. D’ailleurs je ne supporte que difficilement le groupe dans son ensemble ; bien souvent je déteste faire partie d’une masse de gens d’accord avec moi. Comme l’a dit Pierre Palmade, cité par Desproges — mais je vous vois déjà vous foutre de ma gueule et de la sienne — : « Quand quelqu’un partage mon opinion, j’ai l’impression de n’avoir plus qu’une demi-opinion ».
Eh bien voyez-vous, c’est une opinion que je partage entièrement.
J’ajouterai aussi que j’ai généralement l’impression, dans un groupe, que l’intelligence se divise proportionnellement au nombre de gens, ce qui signifie que dans l’idéal il est préférable de n’être pas plus de deux ou trois, et là encore je cite Desproges, qui l’a bien cherché à force de dire des trucs vrais.
Il suffit de voir les manifestations, quel que soit leur objet, pour se convaincre de ce qu’il avance. Que les manifestants manifestent pour des choses qui en valent manifestement la peine (le rétablissement de la peine de mort pour les manifestants par exemple) ou contre d’autres choses qui, manifestement, en valent tout autant Le Peine, il n’en reste pas moins qu’à chaque fois ils arborent un air crétin, pour ne pas dire tout simplement con.
Que ce soit carnavalesque ou processionnaire, ça revêt toujours un caractère passionné qui m’effraye presque autant que ça me fait rire — car comment ne pas ressentir cet indicible mélange d’horreur et d’amusement quand on voit défiler contre le CPE des gens déguisés en squelettes, levant bien au dessus de leur crâne des panneaux où s’affichent des jeux de mots très rigolos (Contrat Poubelle Embauche), et éructant des chants débilisés (Si t’aimes pas Sarko fait un p’tit saut, hop hop) ou ambigus pour cause de sono pourrave dans la vieille camionnette Peugeot — ainsi, Pas bon pour la jeunesse peut être entendu Papon pour la jeunesse, ce qui donne inévitablement envie d’ajouter, pour prendre part à la joie chantante, Goering pour la vieillesse.
Vous pourrez donc désormais venir me fustiger, me bombarder de remarques sur mon égoïsme et mon individualisme ; je n’en aurais cure. Mieux encore, je ne pourrai pas vous contredire. Je veux simplement vous avertir que le premier qui me dira que je ne pense pas aux autres s’identifiera immédiatement à mes yeux comme celui qui, de tous, pense le plus à lui, et à lui seul.
Comme je l’ai dit dans l’article précédent, vivre en société n’est pas ranger son égoïsme : c’est accepter que celui des autres soit aussi important que le sien.

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posted the 10/08/2006 at 10:10 PM by
franz
j'avais jms vu ca comme ca mais c'est vré ke ta pa tor (et ca yé 1/2 opinion lol), et de toute facon c'est linteret personnel ki cré le
"bien etre" collectif. par contre tu sé pr les manifestation beaucou de gen y von pr rigolé entre collegue, chanté, samusé et donc par rapport a leur réclamation il on lair pluto con con alor ke pa du tou. et sache ke TON niveau de vie serai moin bon san ses manifestation!
caio ++
Merci Padrino