Au sujet du décret sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics, petit 2 (petit 1 ci-dessous, renommé)
En réalité, il faut bien l'avouer, les gaz d'échappement nous gênent, mais on lutte contre ce qu'on peut, alors on s'attaque aux fumeurs ; d'autant plus que fumeur ou pas, on conduit certainement, donc ça nous ferait plus chier qu'autre chose que les voitures soient interdites en centre-ville. Tout ça n'est pas bien compliqué : dès qu'on a un problème de santé, c'est à coup sûr le cigaretté croisé au coin de la rue tout à l'heure qui nous a refilé un truc le félon.
Il faudrait que ce fameux décret se voit modifié avec l'ajout d'une nouvelle disposition : tous les non-fumeurs tabacophobes qui ont emmerdé le monde en se plaignant de ne pas pouvoir aller dans les cafés seront obligés d'aller passer quatre heures par semaine dans ce lieu.
Ben ouais, maintenant que vous avez accès aux bars, vous êtes priés d'y aller s'il vous plaît. C'est le moindre des engagements que vous pourriez prendre maintenant que vous avez gagné votre petite guéguerre contre l'ennemi enfumeur ouais victoire on les a bien niqués et maintenant on s'attaque à quoi ?
Je crains par ailleurs des effets néfastes du décret : outre le fait que le nombre de morts du tabagisme passif comme actif ne baissera certainement pas des masses, j'ai peur de déflagrations psychologiques sur les fumeurs, qui risquent de déprimer devant leur café sans rien pour l'accompagner. Et ne parlons pas des bars qui risquent d'y perdre de la fréquentation - à ce propos, un café vient de fermer à Lille après avoir interdit la cigarette dans son enceinte en septembre dernier et perdu une bonne partie de sa clientèle.
Je reviens sur ce que je dis à propos de la déprime des fumeurs, parce qu'en ce moment les idées reçues pullulent, comme au sujet de la dépendance à laquelle semble-t-il, à en croire les médias, personne ne peut échapper dès la première latte tirée. Il faut en finir avec l'image courante du fumeur dépressif parce qu'il fume. Le problème est à prendre dans le sens inverse ; c'est-à-dire que les fumeurs fument pour échapper à la déprime plus qu'ils ne provoquent cette dernière par leur pratique — sauf pour ceux qui désirent ardemment arrêter et n'y parviennent pas. L'image du type terne, mal habillé, gris, puant et frustré sexuel à tel point qu'on le verrait sans problème aller se branlotter mollement l'oeil mi-clos dans une baraque à bites, et qui cumule tous ces caractères physiques du simple fait qu'il fume, ne correspond qu'à Michel Houellebecq.
Il arrive parfois, aussi étonnant soit-ce, que le fumeur soit une personne appréciant l'existence, ayant une vie sociale (bien souvent aidée par la cigarette du reste), amoureuse et sexuelle épanouie, cultivée et intelligente, appréciant les arts de la table, de l'écriture, de l'image, de l'ouïe et de la boisson, et qui par dessus tout ne pue pas nécessairement de la gueule à la suite de précaution prises pour éviter ce désagrément.
Le fumeur n'est pas non plus nécessairement un sale égoïste ; il lui arrive parfois de penser à ne pas cracher la fumée dans la figure de son interlocuteur — et on peut d'ailleurs ajouter à ce sujet que l'interlocuteur ne voit pas sa peau grisailler et ses poumons s'atrophier à la première rasade de fumée — , et même de ne pas fumer en compagnie de gens qui lui demandent gentiment de ne pas le faire — vous pouvez parler au fumeur, théoriquement il vous comprendra et ne sera pas contrariant, et de cette manière vous ne pourrez pas venir vous plaindre par la suite d'avoir été empoisonné à l'insu de votre plein gré par ce goujat.
Suite et fin de ça demain, puis éloge de la cigarette

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posted the 10/04/2006 at 10:33 PM by
franz
sa c'est assez énorme quand meme
Je crois que c'est la meilleure phrase de tout le blog. Sincèrement bravo.