(Cf. article précédent pour la partie I)
Nous sommes prêts à occuper nos soirées à insulter copieusement ceux qui ne pensent pas comme nous et à porter notre bonne parole sur le web tout entier, nous enfonçant sans cesse plus dans l’auto-caricature, et, la mauvaise foi aidant, dans le ridicule. Au lieu d’admettre simplement les qualités d’une console que nous avons décidé que nous n’aimions pas, nous préférons la descendre envers et contre tout. Nous pensons en effet que concéder une qualité à l’adversaire est la porte ouverte à toutes les fenêtres : cela pourrait convaincre les gens avec qui nous débattons d’acheter cette console, et faire par conséquent augmenter ses ventes de manière explosive.
Nous n’avons pas de Dieu, nous trouvons la religion conne, avec tous ses rituels et toute cette perte de temps pour une chose qui n’existe même pas ou qui n’en mérite pas tant ; en revanche nous pouvons, au lieu de passer une heure à la messe par semaine, passer deux heures par jour à étaler à la face du monde le culte que nous vouons à un Dieu sans nom. Nous sommes capables de partir en croisade sur la planète cybernétique pour porter la parole que nous estimons être la bonne et l’imposer sans discussion à ceux qui ne pensent pas comme nous ; nous pouvons consacrer des effort immenses à la conversion des profanes à notre religion, que nous refuserons toujours d’appeler une religion.
Nous sommes des petits cons imbus d’eux-mêmes, persuadés que notre parole est importante pour le monde ; en réalité, il s’avère que nos débats stériles ne changeront jamais rien, et que, loin de convaincre nos interlocuteurs, nous prouvons, par notre acharnement à prouver la supériorité de la marque que nous adulons et l’infériorité des autres, que ces supposées supériorité et infériorité n’existent pas — car si elles existaient, elles apparaîtraient d’elles-mêmes et n’auraient pas à être prouvées.
Nous sommes un petit spécimen représentatif de ce dont l’humain est capable en matière d’imbécillité, mais fort heureusement inoffensif à son échelle. Nous n’en sommes pas à commettre des génocides, ni même à les organiser ; nous nous contentons de perdre notre temps à gesticuler, à palabrer, persuadés que notre parole influencera la planète entière alors qu’elle n’intéresse ni ne convainc personne.
Nous ne sommes que des petits nazes en quête d’une identité derrière laquelle nous ranger et en quête d’une reconnaissance par les autres de la raison que nous pensons posséder.
Nous sommes des petits merdeux à qui leur lubie passera tôt ou tard et qui pourront alors, en regardant ce qu’ils étaient auparavant, se dire ‘’qu’est-ce que j’étais con putain’’.
Ardents défenseurs de différentes marques, opposés par des clivages insolubles, nous sommes en réalité beaucoup plus proches les uns des autres que ce que nous pensons : nous partageons la même immaturité, et la même soif d’être cons ; en ceci nous sommes si semblables.
C'est cette similitude qui nous unit dans la divergence, et qui fait l'essentiel de notre bonheur, comme de notre malheur.

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posted the 09/06/2006 at 10:25 PM by
franz