À l'aube de l'an 2000, Detroit est, comme toujours dans ce genre d'histoire, en proie au crime et à la corruption. Pour pallier cette terrible situation, les services de police inventent une nouvelle arme infaillible : Robocop, mi-homme, mi-robot, policier électronique de chair et d'acier, qui a pour mission de sauvegarder la tranquillité de la ville. Mais comme souvent, ce cyborg a aussi une âme.
Utilisée à tort ou à raison, mais surtout n'importe comment, la notion de film-culte prend pourtant tout son sens avec Robocop, peut être l’œuvre populaire la plus définitive de ces vingt dernières années. Pas la peine de retourner le film dans tous les sens et d'en traquer la moindre signification cachée : Robocop n'est pas un film cérébral, c'est du pur concentré de plaisir épidermique, de la jouissance pure. Initialement voulue comme une œuvre politiquement engagée par les deux scénaristes Michael Miner et Edward Neumeier, l'histoire de Murphy, dévorée et digérée par l'ogre hollandais Paul Verhoeven, devient à l'écran la visualisation du fantasme de générations entières de cinéphiles. Ce fantasme qui donna leur chance à tant de cinéastes finalement décevants, qui entretient depuis toujours notre amour du cinéma : voir un jour une série B assumée et transcendée par le génie à l'état pur. Quelque chose comme Robocop, cette banale affaire de robot vengeur qui rappelle à chaque plan, à chaque réplique, que les grands cinéastes peuvent aussi être de grands faiseurs. Cameron l'avait annoncé avec Terminator et Verhoeven l'a confirmé en gagnant des cimes que ni lui ni personne d'autre n'a plus atteintes depuis.
Le Paulo, quand y veut, y peut être très très fort. Hormis les brûlots scandaleux de sa période hollandaise, Verhoeven avait déjà signé un top absolu, une film d'une méchanceté et d'un réalisme pour ainsi dire jamais vus, La Chair et le Sang, le médiéval-spaghetti ultime. Un film où le Mal à l'état pur (Rutger Hauer) est magnifié à longueur de scène, où l'héroïsme est ridiculisé, où les plus sales et les plus pourris gagnent ! Un putain de bon film ! Et voilà que notre bonhomme fait exactement pareil avec la S.F. Presque sans prévenir. Dans Robocop, plus les méchants sont ignobles, plus ils explosent les limites de la morale, plus ils fascinent : Clarence Bodicker, le roquet des pavés puants, la bête à tuer des puissants, n'est ni plus ni moins que l'un des dix méchants les plus mémorables de tous les temps ! C'est comme ça ! Mais Dick Jones (Ronny Cox) n'a rien à lui envier, pourriture tirée à quatre épingles et ultra-arriviste éliminant sans pitié tous les collègues qui se dressent sur son chemin. En gros, Verhoeven range dans la même poubelle les exploiteurs et les crapules de tous poils, quel que soit leur classe sociale. Il vise juste et dégomme toutes ses cibles, industriels, flics, golden boys, truands...
Combien de films fonctionnent à 100%, réussissent tout ce qu'ils essayent, même les idées les plus casses-gueules ? A vue de nez, seul Phantom Of The Paradise peut se targuer d'une telle qualité. Mort et résurrection en vision subjective (!!!), robot nourri à la bouffe pour bébé, explosion d'un cadre moyen en plein conseil d'administration, métaphore christique via une boîte de conserve, hop! un plan ! Paf ! Une idée géniale ! Mais comment ils ont fait ?! Ronny Cox, Kurtwood Smith, Miguel Ferrer y ont trouvé de loin leurs meilleurs rôles. Si Nancy Allen n'avait pas tourné pour De Palma ni Weller joué dans Le Festin Nu, le même verdict s'appliquerait qu'à eux. Et question mise en scène, c'est tellement du millimétré, du géométrique qu'on peut facilement évoquer Verhoeven comme le Hitchcock de la série B, oui monsieur !
Critique de Denis Brusseaux, Dvdrama
J'ai mis cette critique pour la simple et bonne raison que je suis parfaitement d'accord avec celle-ci, rare sont les films qui fonctionnent aussi efficacement tout le long et de surcroît, étant d'une grande ambiguité comme toujours chez Paul Verhoeven. Ce dernier a aussi réalisé des petites perles comme Total Recall ou le sensationnel Starship Troopers. A noter qu'il y aura deux suites à ce monument du divertissement, dont l'une n'a pas à rougir face à son grand frère (Robocop 2, réaliser par Irvin Keshner - L'empire contre-attaque, c'est lui) et l'autre qui peut aller bien au fond d'une poubelle (Robocop vole dans le 3, d'une façon ... enfin bref achetez le si vous voulez rire, ou que vous faites la collection des navets).