C’est en 1987 que sortit le premier jeu d’infiltration au monde : mêlant action, aventure et réflexion à l'un des scénarios les plus poussés du moment, Metal Gear était né. Cela se passait sur MSX-2 et était développé par Konami.Ce n’est qu’en 1998 qu’une suite vit le jour sur PlayStation, puis sur PC. Toujours issue du même développeur, cette dernière estampillée d’un « Solid » permit à la série une reconnaissance du grand public, ainsi que la mise à nu d’un scénario toujours plus accrocheur, pour un soft au gameplay novateur et inégalé. C’est après un excellent second opus de la même famille (sous-titré pour l’occasion « Sons of Liberty ») sorti il y a plus de trois ans, que nous accueillons aujourd’hui Metal Gear Solid 3 : Snake Eater sur PlayStation 2, dans un grand test pour un jeu qui n’en mérite pas moins. Sortez armes, munitions, couteau de survie et tenues de camouflage, pour sombrer dans les méandres sinueux d’un des softs les plus immersifs du moment.
Un bon scénario est un élément des plus importants à la bonne conduite d’un jeu vidéo, et ce ne sont pas ceux des
Metal Gear Solid précédents qui nous auront déçus. Ici encore, le génialissime Hideo Kojima nous gratifie d’une trame scénaristique aux petits oignons, à savourer pleinement dans une ambiance militaro réaliste. En effet, le créateur phare de chez
Konami ne se contente pas de nous concocter un scénario croustillant de rebondissements, et possédant une intrigue unique dont vous ne saurez entrevoir les rouages… Non, il va plus loin et intègre parfaitement son récit dans les failles de notre histoire. Ainsi donc, le joueur se voit effectuer un retour dans le passé afin de retrouver les années soixante (ce troisième opus peut alors être considéré comme un prologue à la série), en pleine Guerre Froide : Est/Ouest. Le 16 octobre 1962, le monde se voit plongé dans la terreur, suite à une annonce soviétique de déploiement d’armes nucléaire sur les terres de Cuba... Ces dernières seront toutefois retirées du sol cubain moins de quinze jours plus tard par l’Union soviétique, après de lourdes négociations avec le haut Parlement américain. Cet évènement, connu de nos jours comme « La crise de Cuba », laisse tout de même planer un sérieux mystère quant à la nature exacte du pacte passé entre les deux grandes puissances de l’époque. Aux commandes de notre pad, nous apprenons qu’une condition secrète avait alors été émise par les émissaires russes ; et consistait au renvoi dans sa terre natale de Nikolaï Stepanovich Sokolov, un scientifique soviétique passé à l’Ouest quelques années auparavant. Le gouvernement américain accéda à cette requête et renvoya Sokolov dans sa mère patrie, semblant oublier que ce dernier était, à l’origine, le designer d’un projet militaire de destructions massives pour l’URSS… Et ce n’est qu’en août 1964, réalisant sur le tard la gravité de la situation, que la CIA décide d’opérer une mission d’extraction de Sokolov vers les Etats-Unis. Menée par le major
Zero, une toute nouvelle unité des forces spéciales nommée FOX couvre la mission. Le mode de fonctionnement de cette division d’élites est d’envoyer un agent en solo sur le terrain, possédant des informations rafraîchies via un support radio distant ; afin de supporter, seul, des objectifs en territoire ennemi. Le 24 octobre, un soldat est parachuté à l’aube, dans la périphérie des labos de recherches de Sokolov, situés au sud des installations soviétiques de Groznyj Grad. Le nom de code de cet homme est
Naked Snake… L’histoire est lancée, essayez donc de la rattraper.
« Dans la jungle, terrible jungle… »
Vous voici donc plongé au cœur d’une jungle pseudo nord-équatoriale, incarnant le tout premier
Snake, pilier de la mythique série. Livré à vous-même et aux caprices de la nature, les développeurs ont mis au point un
gameplay novateur et original, permettant une immersion totale dans ce
Metal Gear Solid 3 : Snake Eater. Parmi la liste des nouveautés, on découvre l’apparition d’une jauge de vigueur (située sous la barre de vie), indiquant votre énergie calorifique restante. Ainsi, si cette dernière descend au-dessous de ses 40 %, votre estomac se mettra à ronronner comme une bête, risquant de vous faire débusquer par l’ennemi à tout moment (par contre, si jamais la jauge atteint zéro, votre vitalité commencera à chuter). Afin d’éviter cette fringale, vous devrez donc partir à la recherche de nourriture pour vous rassasier, les restos se faisant plutôt rares dans la région. Il ne vous faudra que peu de temps avant de capturer vos premiers serpents, rats, scorpions, ou autres volatiles… Mais attention, ces derniers ainsi que d’autres denrées comme les champignons ou encore les fruits, ne sont pas tous comestibles, et n’auront pas forcément le même effet sur les papilles gustatives du
warrior que vous incarnez. Comprenez par là que chaque aliment ne donnera pas le même effet : une tarentule risquant de vous empoisonner tout en étant très peu nourrissante, tandis qu’un bon fruit ou une ration militaire chocolatée, seront sans effets nocifs et combleront allégrement votre faim. Cependant, la possibilité que votre nourriture soit avariée existe bel et bien. Dans ce cas, même si cette dernière peut restaurer votre jauge, vous risquez une indigestion.
Et c’est ici qu’arrive la grande nouveauté, assimilable à une difficulté supplémentaire : finis les « packs de survie miracles » qui nous rendent toute notre vie, ou les bandages qui arrêtent les hémorragies en deux secondes top chrono… Ici, en grand « Rambo » que vous êtes, vous devrez vous soigner seul, en fonction du symptôme dont vous souffrez (coupures, fractures, indigestions, empoisonnement, somnolence… Tout y passe). De ce fait, une blessure par balle doit se traiter chirurgicalement comme s’en suit (via les menus spécifiques prévus à cet effet). Ablation de la balle avec le couteau de survie, désinfection de la plaie, application d’un cicatrisant, pour finir par la pose du bandage. Qu’il est loin notre
Médikit d’antan ! Par ailleurs, l’interface proposant ces possibilités médicales est des plus réussies, et vous permettra même de décortiquer Snake dans un mode visuel à rayon X (aidant à situer les projectiles reçus dans le corps), tout simplement génial.
Cependant, cette jungle reflétant les méandres du temps : tantôt kaki, tantôt boueuse ou encore d’un blanc glacial, n’est pas ici pour aider votre progression si vous vous cantonnez à garder votre bonne vieille combinaison grise, qui s’avérera hors saison pour le coup. Kojima et sa team de développement ont donc mis à notre disposition un menu de camouflage des plus novateurs, permettant de revêtir différentes tenues de combat en fonction des tons environnants. La possibilité de masquer son visage par quelques peintures guerrières aux teintes changeantes, est aussi de mise et accroîtra de ce fait un peu plus votre capacité de furtivité (représentée par un pourcentage en haut de l’écran). Ce nouveau terrain de jeu est néanmoins propice à des pièges fourbes qu’il vous faudra contourner, mais aussi à de nombreuses facéties inédites à effectuer, comme grimper en haut d’un arbre pour sniper les sentinelles adjacentes, ou encore ramper dans les hautes herbes afin de vous fondre entièrement dans le décor. Vous êtes Snake, et l’on sent que le jeu a été développé pour que vous puissiez montrer toutes les faces de cet emblème qui, plus qu’un simple nom de code, vous colle à la peau…
Et ce n’est pas l’exploration du système de combat, bien plus développé que les précédents, qui nous ferait penser le contraire. Vous devrez maîtriser le
CQC, ou
Close Quarter Combat, sorte d’aïkido militaire résumé en un mouvement de base, puis développé selon vos envies. Ainsi, à partir d’une prise pour saisir l’ennemi, il vous sera possible de l’étrangler, l’égorger, le cuisiner pour récolter une info, le jeter à terre pour l’étourdir, ou encore, de s’en servir comme bouclier humain afin d’éradiquer ses comparses sans se soucier des dommages. Avec le nombre accru des possibilités avenantes, vous aurez donc la possibilité d’évoluer dans le jeu comme vous le souhaitez : discrètement en roi de la furtivité, ou barbarement, tel un soldat en mal d’hémoglobine ; le choix vous appartient.
Une mise en scène du feu de Dieu !
La trame générale de l’histoire a déjà été évoquée plus haut, et ce serait criminel d’en dévoiler plus, faisant de ce test un
spoiler plus qu’autre chose. Néanmoins, comprenez ceci : si les scénarios des précédents
Metal Gear étaient des bijoux d’inventivité amenés majestueusement jusqu’à leur fin ; celui de ce
Snake Eater pourrait alors être comparé à la lame en acier trempé d’un katana, plus tranchant que le diamant, pourfendant ses prédécesseurs dans l’axe du temps. En effet, chaque bribe de l’histoire semble avoir été pensée de manière à former un immense puzzle dont vous ne posséderiez pas l’original. Et comme dans les opus précédents, ces pièces vous seront fournies au compte-goutte et pas dans leur totalité, vous donnant toujours l’impression de gravir une colline qui cachait une montagne… C’est grisant. Mais ce rendu presque parfait n’est pas arrivé là tout seul. Il est amené, entre autres, par des personnages charismatiques ayant leur propre psychologie : on vogue, de la perfection faite femme avec
The Boss, jusqu’à un Colonel Volgin plus imposant et terrifiant que tous ses comparses, tout en passant par un Ocelot méticuleux aux faux airs d’un « Jack Sparrow » (référence au film « Pirates des Caraïbes »), et à un
Naked Snake fumant le cigare, qui nous est encore inconnu. Cette pléiade de protagonistes, joue son rôle à merveille dans des graphismes somptueux et accompagnés de thèmes musicaux enchanteurs. Le tout, mis en scène de manière orchestrale mais rarement prévisible, passe telle une rafale d’AK 47 dans votre salon, et laissera à jamais son empreinte dans vos souvenirs de joueur.
Et la technique dans tout ça ?
Malheur à ceux qui pensaient que ce test était terminé. En effet, la partie réalisation n’ayant que très peu été évoquée, elle sera donc développée plus amplement ici. Au premier abord, il faudrait être aveugle pour ne pas se rendre compte que le jeu est une pure réussite d’un point de vue graphique. Les développeurs ont ainsi abattu un travail de titan, repoussant la PlayStation 2 dans ses derniers retranchements. La jungle y est représentée dans ses moindres détails, et chaque brin d’herbe ou autres parties constituant sa faune et sa flore, sont animés et rendus à la perfection. Le vent souffle, les papillons virevoltent, le couché de soleil illumine les feuilles mortes tombant dans cette végétation qui plie sous vos pas, tandis qu’un serpent se sauve de peur d’être le prochain à plier… C’est tout bonnement superbe, et c’est aussi ça
Metal Gear Solid 3 : Snake Eater. Un petit bémol peu néanmoins être soulevé quant à une modélisation des personnages pas toujours au top selon les angles de vues, et à un léger aliasing omniprésent, mais là, je chipote. La démarche de Snake lorsqu’il est commandé par le joueur, n’est pas des plus naturelles non plus, mais on peut y entrevoir une trop grande habitude au
CQC (comprenez ici que la démarche de Snake aurait été sciemment programmée de manière peu orthodoxe).
Côté son,
Konami nous a gâté. Tout d’abord avec la présence de Harry Gregson-Williams comme compositeur, et une utilisation de la technologie Dolby Pro Logic II permettant une immersion totale largement méritée, grâce à des bruitages et des thèmes musicaux somptueux (notamment celui de l’introduction :
« Snake Eater »). L’environnement sonore, de cette jungle emplie de vie, se retrouve donc en parfaite harmonie avec le rendu visuel, ce qui n’apporte que plus de réalisme au soft. Ainsi, portez une attention particulière aux zones dans lesquelles vous mettez les pieds, marcher dans l’eau boueuse se retrouvant être plus bruyant que ramper dans les broussailles. Une mention spéciale doit aussi être attribuée aux doublages américains se révélant être, une nouvelle fois, de très bonne facture. Enfin, le
gameplay, très enrichi pour cet opus, ne sera pas à la porté de tout le monde dès les premières minutes de jeu, et il vous faudra bien un petit temps avant de contrôler correctement une partie des manipulations du
CQC. Dans tous les cas, la durée de vie variant entre douze et vingt-quatre heures avant l’échéance finale (en fonction du type de joueur, chevronné ou novice, et en comptant plus de 3h de
cutscene), vous avez le droit de prendre votre de temps… Et c’est un conseil, prenez-le : savourez !
En définitive, ce
Metal Gear Solid 3 : Snake Eater est à la hauteur de nos espérances, et ne déçoit pas le joueur ne serait ce qu’une seconde, grâce à une mise en scène ultra efficace et des innovations à tour de bras. Certes, le nombre conséquent de cinématiques pourra malheureusement gâcher le plaisir de certains, qui finiront par s’interroger sur leur rôle véritable dans cette histoire. Mais qu’ils se rassurent, ici, vous n’êtes pas spectateur, mais bel et bien joueur. Et en tant que tel, toute personne en possession de la console de Sony se doit de réserver une place de marque dans sa ludothèque, pour ce titre qui le mérite amplement.