« Internet m’aurait-il menti ? »
La question surgit soudainement dans mon esprit, tandis que je repose ma manette après avoir complété l’incroyable séquence d’introduction du jeu, les yeux encore pétillants de bonheur. Comment… Qu’est-ce que… Je ne comprends plus rien. Car rien, en effet, rien de ce que je viens de découvrir ne semble correspondre à l’opprobre qui a été jetée par la toile des réseaux sur le dernier-né de
Bioware. Allez, quelques citations fleuries, pas piquées des hannetons, comme ça, juste pour se rappeler :
« C’est pourri » ; « De la merde » ; « Bioware is dead » ; « I can’t believe this game exists » ; « EA will never learn » etc, etc…
Et là, tandis que je repense à tout ça, j’avoue que la moutarde m’en monterait presque au nez. Parce que je me rends bien compte que, par sens de l’honneur et du devoir, il va falloir que je m’improvise, techniquement, avocat du diable. Ou du pestiféré, c’est selon. Rappelons quand même deux détails importants, histoire de cadrer le débat :
1) Anthem étant un titre multi, on n’est pas dans du
fanboy-isme de comptoir, où je défendrais ma petite exclu chérie parce que je ne supporte pas qu’on attaque ma console adorée.
2) Je ne touche évidemment pas le moindre sou de la part d’EA – même si au final je me dis que j’aurais dû leur en demander, vu comment je me casse pour eux. Non mais, parce que, les enfants, soyons sérieux deux minutes :
il est temps de remettre l’église au centre du village.
Injustice for all
Or, si l’on parcourt attentivement les tests qui ont pu être publiés ici et là sur les sites spécialisés habituels, qu’est-ce qu’on y trouve ? Factuellement, que des choses vraies. Les reproches formulés à l’adresse d’
Anthem ne sortent en effet pas d’un trou noir, pas plus que de l’imagination des journalistes incriminés. C’est évident,
le jeu n’est pas parfait, et l’on essaiera de répondre à ces critiques point par point (on y reviendra plus tard). Seulement, en parlant de point, il y en a un qui me chagrine particulièrement : c’est que tous les tests, je dis bien
tous les tests font à un moment donné mention d’un petit détail en particulier, d’un
petit bout de rien du tout, sur quoi il est apparemment bon de passer rapidement. En effet, dans tous ces papiers, on peut lire des trucs comme :
« Bon, certes, les graphismes du jeu sont sensationnels et la gameplay est extraordinaire MAIS… » et là je dis :
STOP THE CLOCK.
Stop. The. Clock. Non mais on est où, là ? On teste quoi, exactement ? Non, parce qu’il me semblait qu’on parlait de
jeu vidéo, non ? C’est-à-dire un média qui se définit quand même en grande partie par sa capacité à dépeindre un monde crédible et son aptitude à nous laisser le contrôler. En soi :
les graphismes et
le gameplay. Donc, sans que ces deux critères ne constituent forcément l’alpha et l’oméga d’une réussite vidéoludique, ils en représentent indubitablement la charpente principale.
Ce sont les fondations du château. Donc, non, on ne passe pas comme ça, d’un revers de la main dédaigneux, sur une telle réussite, quand elle est effectivement au rendez-vous.
Et elle est au rendez-vous d’
Anthem. Sans aucun doute. N’en déplaise au trailer
méga-bullshot présenté lors du
reveal de l’E3 – à faire pâlir de jalousie celui de la bonne époque de
Killzone 2 – le monde qui s’offre à notre vue arrache absolument et totalement la rétine. Je mentionnais Killzone 2, mais finalement, c’est la même histoire, c’est-à-dire que ce trailer absolument mensonger dessert au final grandement le jeu qu’il était supposé présenter, alors que celui-ci finira de toute façon par être une pépite visuelle absolument dingue (je continue d’ailleurs de trouver qu’au bout du chemin, Killzone 2 avait fini par surpasser ce fameux trailer – avis totalement subjectif et purement personnel). Soyons réalistes :
Anthem ne peut être aussi beau que ce
trailer de révélation, par même sur Xbox One X. Peut-être que sur un PC de compétiteur, mais vraiment de compétiteur alors, en poussant tout à fond… Oui, peut-être. Mais pas sur consoles, pas avant la prochaine génération (sur laquelle le jeu pourrait bien poursuivre sa carrière, allez savoir). Mais si l’on revient à la réalité concrète, celle qui se présente à nous, là, sur notre bel écran tout neuf, il est une vérité qui nous saute immédiatement aux yeux : c’est qu’Anthem les déchire littéralement. Les yeux, je veux dire. Oui, il est beau à en crever. Et ça, c’est pas du bullshit (
Bullshot, bullshit, z’avez compris le… ? Bon, super on continue. )
Le trailer du mensonge.
Nature et découvertes
L’introduction du jeu, qui sert aussi de tutoriel, nous met donc une petite claque comme on aime en recevoir à ce niveau. Le décor est d’une nature cataclysmique, les éléments se déchaînent autour de nous avec autant de grâce que de beauté, et pour couronner le tout : notre perso respire la classe par tous les rouages de son armure. C’est juste fou. On s’amuse à le diriger, on se déplace. Mais quel bonheur. Juste de se déplacer, mais quel bonheur. Le sentiment de puissance qui se dégage du
Javelin, le réalisme de ses animations, la force du moindre de ses sauts, tout est fou. Allez, ne nous mentons pas. Reconnaissons l’inspiration, puisqu’on est à la limite du plagiat. On y est, c’est bien lui :
IRON MAN, The Game.
« Je suis un Avenger, nom de… !! Je… » Bon, ok, calmons-nous deux secondes.
On me dit dans l’oreillette qu’il existait déjà un jeu Tony Stark, avant 
La suite du jeu continue tranquillement : on nous propose de choisir un visage (on se demande pourquoi, d’ailleurs, puisqu’on ne le verra jamais), puis d’arpenter une mission d’exploration qui fait office de
second tutoriel, histoire de bien saisir tous les mécanismes en jeu. On devra aussi rapidement se choisir un
Javelin (en gros, les armures de Tony Stark), parmi les quatre types disponibles. Le choix est assez crucial, car tous se jouent très différemment, et il faudra monter en niveau avant de pouvoir débloquer les autres (respectivement aux niveaux 8, 16 et 24). D’ailleurs, après moult hésitations, moi qui étais à l’origine persuadé que j’allais consacrer ma carrière à jouer les ninjas, je me retrouve à conserver le commando qu’on nous propose de base. Mais il faut me comprendre, aussi : à ce moment-là de ma partie, j’ai pris un tel plaisir à le contrôler que j’en veux davantage. Je décide donc de découvrir plus tard les autres classes. Grosso modo, d’ailleurs, on a donc le choix au niveau de celles-ci entre :
Iron Man (aka
le Commando) ;
Grey Fox de MGS1(que l’on nomme aussi
l’Intercepteur) ; une sorte de
mage en armure – le seul à avoir une cape et qui récupère donc +10 en capital classe (le bien nommé
Tempête) ; et pour finir le
Hulk Buster (guess what ? On l’appelle
le Colosse). Quatre façons de jouer très différentes, aux gameplays qui se complètent (le teamplay est un bonheur) mais qui se suffisent aussi à eux-mêmes (on peut soloter avec chaque classe, sans problème).
Parlons d’ailleurs un peu de ça : l’aspect online obligatoire. Oui, forcément, payer un jeu plein pot pour ne pouvoir jouer ensuite qu’en ligne, avec abonnement constructeur requis (Xbox Live Gold ou PS +),
ça fait un peu cher la barrière d’entrée. Mais à tous ceux qui s’insurgent en proclamant que le jeu se devait de proposer une option solo ET offline, permettons-nous cinq secondes de préciser qu’ils sont tout simplement à côté de la plaque.
Tout le jeu est pensé multijoueur. C’est une expérience multijoueur, qui vous propose systématiquement d’être accompagné lors de la moindre de vos sorties (le matchmaking est d’ailleurs très efficace – on trouve des joueurs en quelques instants). Et s’il est effectivement possible de jouer solo, lorsque l’on active l’option « privée » au moment de sortir en mission, le jeu se fait un plaisir de nous rappeler qu’il serait préférable de jouer à plusieurs. Précisons au passage que pour moi qui n’ai découvert le jeu qu’après son lancement, et donc après les différents correctifs appliqués depuis, je n’ai pas rencontré le moindre soucis de connexion. C’est quand même important de le noter.
Monster Anthem World
Contextualisons un peu notre expérience : je n’ai jamais joué à
Destiny – même si je trouve que ça a l’air très chouette. Je ne sais pas ce que c’est qu’un
« shooter / looter ». Même si je comprends évidemment l’anglais et réussis à capter ce que ça doit bien vouloir dire. Mais je ne connais pas ce genre. Tout ce que je vois, par contre, c’est que la structure de ce jeu (et donc des shooter / looter en général ?) est en tous points similaire à celle d’un autre jeu que j’adore au plus haut point et sur lequel j’ai des centaines d’heures au compteur, à savoir :
Monster Hunter. Bah oui, ça parait fou, et j’en suis le premier surpris, mais le jeu est en fait vraiment pensé de la même manière.
Jugez plutôt : on arpente un village pour perfectionner son matériel et enclencher des quêtes, on se retrouve ensuite à parcourir les même maps qu’on apprend à connaître par cœur, avec des missions qui font avancer la progression du jeu et d’autres davantage considérées comme annexes, sortes de contrats uniquement destinés à nous aider à améliorer notre personnage – amélioration qui passe essentiellement par l’équipement récolté et crafté. On peut évidemment jouer seul ou à plusieurs, mais le jeu à plusieurs constitue le cœur de l’expérience dès que les choses deviennent un peu sérieuses. J’ai même eu la surprise de découvrir, une fois le niveau 6 atteint, une sorte de lobby où l’on se promène en Javelin (et pas en FPS comme à
Fort Tarsis) pour amorcer rapidement les quêtes en ligne et trouver des partenaires de jeu en quelques secondes. Soit l’exact équivalent de la taverne en ligne de Monster Hunter.
Et donc, comme pour Monster Hunter, ma méthode est simple : j’essaie personnellement de
jouer d’abord en solo, pour apprendre à bien manipuler mon perso et appréhender toutes les mécaniques de jeu sans avoir peur d’être un boulet pour mon équipe. Et franchement, c’est super jouissif. On sent en effet dès le début que si les missions sont bien abordables en solo, elles demanderont quand même d’être très mobile et de savoir se déplacer (qui a dit « fuir » ?) pour prendre les ennemis à revers, repartir vite à couvert régénérer son bouclier, attendre que son ulti’ se recharge pour le balancer dans la tronche du chef de groupe qui s’approche… Un bonheur. On transpire, on s’inquiète, mais on y arrive. Et c’est super kiffant. Pour le moment, je joue les missions scénarisées comme ça, tout seul, pour être bien dans l’intrigue. Et ça se passe bien, ma foi.
Mais quand même, faut bien arrêter de faire l’asocial trente secondes et voir ce que ça donne accompagné, cette histoire. Me voilà donc à chercher
des amigos pour m’aider à remplir un bête contrat sans incidence scénaristique. En quelques instants, voilà des camarades de jeu qui me rejoignent. Leurs Javelins sont d’ores et déjà ultra-stylés (alors que le jeu vient de sortir !) et on se lance en équipe.
Et c’est tout de suite la méga fête. Le moindre pack d’ennemis se fait démonter dans une orgie de lumières et d’explosions. On s’y perd, même, faut bien l’avouer. Mais c’est une question d’habitude. A ce niveau, pour mon petit contrat de rien du tout, nul doute que la tactique n’avait pas lieu d’être. Juste le déchaînement de puissance (et quel déchaînement !). On verra plus tard pour les forteresses haut level que j’imagine un peu plus sournoises à aborder, équipe ou pas (d’ailleurs non, il
faudra une équipe).
Bravely Default
Vous me direz : bon, et les défauts, alors ? Eh bien, comme on l’a écrit un peu plus haut, le jeu ne peut évidemment être considéré comme parfait. Mais qui peut prétendre à une telle qualification, en ce bas monde ? Ce que nous voulons dire par là, c’est qu’il est des reproches qu’il faut aussi savoir entendre. Alors, que lui reproche-t-on, exactement, à ce jeu ?
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La répétitivité des missions et leur manque d’intérêt :
C’est pas faux, comme dirait l’autre. Les missions se suivent et se ressemblent. En gros, débusquer des ennemis et les dézinguer, vague après vague. C’est la base. Mais il me semble que c’est le genre du jeu qui veut ça. Donc là, clairement on a deux camps : si vous surkiffez le gameplay du jeu (vous aurez compris que c’est mon cas), pas de problème en soi, puisque c’est toujours un bonheur de dézinguer avec style dans une armure Stark Incorporated. Mais si vous êtes un peu en dehors du délire, alors oui, ça peut être ennuyeux à la longue.
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Le manque de contenu :
Ça, c’est faux. Clairement faux. Là, faut pas déconner. Le jeu regorge de trucs à faire, Day One, et tout l’argument du fameux « jeu vide
parce que à service » est à la fois caduque et mensonger.
Anthem propose déjà des milliers de choses à faire, de missions à compléter, de trucs à débloquer et upgrader. Y’en a pour des dizaines et des dizaines d’heures de jeu avant de toucher au but (lvl 30 et perfectionner tous ses Javelins). A la limite, si manque de contenu il y a, c’est du contenu HL et sans forfanterie aucune, faut-il encore rappeler que
le jeu vient tout juste de sortir ? Si des joueurs sont capables d’enchaîner quatre jours de jeu à raison de vingt heures par jour, grand bien leur fasse. Mais se plaindre qu’un jeu ne soit pas adapté à ce type de consommation, c’est tout simplement raisonner de manière fallacieuse. Le contenu HL arrive – la feuille de route a d’ores et déjà été détaillée (voir notre article précédent). Laissons le temps aux joueurs lambda de devenir, justement, HL, et aux développeurs de peaufiner leurs contenus.
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On a perdu Bioware : Ça dépend ce que vous entendez par
Bioware. Si pour vous, Bioware c’est faire des choix au sein d’une intrigue forcément interactive, alors oui, on a perdu Bioware. Mais personnellement, je comprends la force du studio comme une volonté de raconter essentiellement des histoires, d’imaginer des mondes, quel qu’en soit le support. Et il s’agit ici simplement d’une autre façon de raconter une histoire. Ce genre de jeu (monde ouvert, missions successives à faire en équipe, etc.) se prête d’autant plus à une narration privilégiant le fond sur la forme, et donc essentiellement centrée sur le développement du background, sur l’installation d’un
lore à proprement parler. Et là, c’est tout bon. L’univers décrit est ici extrêmement détaillé en termes de mythologie, d’Histoire avec un grand H. On ne compte plus le nombre d’extraits d’encyclopédie, de notes, de pages arrachées de tel ou tel journal de bord. Mais faut prendre le temps de lire tout ça, aussi. Remarquez, c’est peut-être moi qui suis en tort : j’avais déjà écouté toutes les cassettes dans MGSV. Mais c’est en tous cas pour moi ce qui fait qu’un travail d’écriture est réussi : quand on sent qu’il y a, justement, une écriture en dehors des limites de l’aventure proposée.
Fort Tarsis incarne à ce titre la touche originale et personnelle que Bioware essaie d’apporter au genre du shooter.
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Justement, Fort Tarsis, c’est tout pourri !! : Aïe. Difficile d’argumenter, là. Je me rappelle avoir lu un test qui scandait inlassablement, tout au long de son papier, qu’il s’agissait là de « la pire idée d’Anthem ». Et c’est clair que là, ça peut diviser. Parce qu’on a, en gros, un extraordinaire jeu d’action à la troisième personne qui se retrouve tout le temps coupé par une sorte de FPT
(First Person Talker), dans lequel on arpente trois pauvres petites ruelles (ça s’ouvre un peu au bout d’un moment, mais c’est pas non plus les Champs Elysées) pour aller discuter avec des NPCs toujours figés à la même place, comme au bon vieux temps des RPGs de la Super Nintendo. Mais c’est Bioware, on a l’habitude. On retrouve donc toutes leurs petites
scories habituelles, comme ces mouvements de mains improbables, cette pantomime de présentateur télé destinée à rendre les conversations plus « réalistes » alors qu’elle donne justement un feeling complètement
out of nowhere au moindre échange de paroles. On peut tout-à-fait s’insurger devant le fait que le studio ne semble pas réussir à évoluer sur ce plan-là (et même pas besoin de prendre
Red Dead Redemption 2 pour exemple, rappelons que le tout premier
Shenmue présentait déjà des NPCs qui suivaient un vrai planning tout au long de leurs journées). Maintenant, rappelons qu’il ne s’agit là que d’un « jeu dans le jeu », d’un
simple hub un tant soit peu amélioré. Et mine de rien, déambuler dans
Fort Tarsis, ça permet quand même de se ménager des pauses dans toute cette frénésie d’explosions et de machine-gun. Mais oui, ça casse sacrément le rythme, donc faut aimer. Moi j’aime bien, je trouve que ça participe grandement au charme atypique du jeu. Mais y’en a qui détestent. Et on ne peut pas le leur reprocher : les conversations sont longues, et bien que dépeignant des personnages intéressants (grâce à un doublage français extrêmement réussi), on n’est pas non plus dans du Shakespeare. Pour résumer : la note d’intention est super louable, mais c’est sacrément maladroit dans l’exécution.
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The Division 2 sort le 15 mars ! Anthem is dead ! Pas faux. La concurrence s’annonce rude. Non, en fait soyons réalistes : elle s’apprête à décrocher une méga mandale au titre de Bioware. Mais là, j’ai envie de dire, c’est une question de goûts. Par exemple : si j’ai bien conscience du consensus qui se répand autour du titre d’Ubisoft, il n’en reste pas moins qu’en ce qui me concerne, il ne m’intéresse pas le moins du monde. Pourquoi ? Parce qu’incarner des soldats des forces spéciales et prendre d’assaut des terroristes, ça m’ennuie profondément. Je préfère me prendre pour un Gundamn miniature, me laisser pousser le bouc de Tony Stark et m’envoler dans mon Javelin fétiche. Pure question d’accointance, de feeling. Chacun se placera où il veut dans ce duel, mais à mon sens, ça n’en est justement pas un.