Le voyage dans la lune, 1902, Georges Méliès, France, Noir et Blanc, Muet.
Dates de sortie : 1er septembre 1902 (France) - 4 octobre 1902 (Etats-Unis)
Acteurs :Georges Méliès (le professeur Barbenfouillis), Victor André, Henri Delannoy (le pilote de la fusée), Bleuette Bernon (la femme de la Lune), Brunnet (astronome), Jeanne d'Alcy, Depierre, Farjaut (astronome), Kelm (astronome).
Lors d'un colloque d'astronomie, le professeur Barbenfouillis crée l'événement en faisant part à l'assemblée de son projet de voyage dans la Lune. Il organise ensuite la visite à ses confrères de l'atelier où l'obus spatial est en chantier. Il sera propulsé en direction de la Lune au moyen d'un canon géant.
Le lancement réussit. Les six astronautes embarqués découvrent l'environnement lunaire et assistent à un coucher de terre. Faits prisonniers par les Sélénites, population autochtone de la Lune, ils parviennent cependant à s'échapper. L'un des poursuivants reste accroché au fuselage de l'obus qui a repris le chemin de la Terre. De retour, les savants sont accueillis en héros et exposent triomphalement leur capture.
Le Voyage dans la Lune marque une étape dans l'histoire du cinéma. Il arrive six ans après la projection des frères Lumière du 28 décembre 1895 au Salon indien du Grand Café officialisant la naissance du cinéma. Depuis La Sortie de l'usine Lumière à Lyon, premier film des deux inventeurs, un certain nombre de fictions ont été produites notamment par Pathé qui entame déjà à cette époque sa formidable ascension. Le film n'est pas la première fiction en date, il ne révolutionne pas non plus la narration cinématographique. Ce sont l'emploi des techniques existantes et des trucages d'une façon qui est propre au réalisateur, à des fins purement artistiques qui vont donner à cette œuvre une stature historique.
Dans sa forme narrative, cette production n'est en effet guère novatrice. La narration est linéaire, enchaînant des plans fixes. Le cadrage embrasse invariablement toute la scène. L'œuvre se présente sous la forme d'une succession de tableaux vivants, un style primitif et courant dans les débuts du cinéma qui perdurera encore longtemps, avant que des réalisateurs tels D.W. Griffith ou Eisenstein apportent notamment sur ce point une impulsion décisive dans le langage cinématographique en variant les angles de vue dans une même scène.
Il ne revient pas au réalisateur Georges Méliès (1861-1938 ), issu du spectacle vivant, et donc à qui cette narration proche du théâtre convient parfaitement, de révolutionner le langage cinématographique. Pour autant, son œuvre n'est pas dénuée d'intérêt. Son orginalité porte sur d'autres aspects. En 1902, Georges Méliès a déjà réalisé de nombreux films. L'essentiel de sa production jusque là tourne autour d'actualités reconstituées, relatant des faits divers ou des affaires célèbres (comme l'affaire Dreyfus). Avec Le Voyage dans la Lune, il inaugure un nouveau genre : la féerie. Pour cette période du cinéma, c'est ainsi qu'on dénomme ce que l'on appellera plus tard le fantastique ou la science fiction. Ce sera dès lors son domaine de prédilection, dans lequel il va s'illustrer au moins encore pour dix ans.
Les contemporains de Méliès n'avaient pas, à proprement parler, de démarche artistique. Le cinéma était une activité déjà rentable mais elle était encore pour l'heure qu'une attraction foraine. Aussi, les films à trucs employaient des effets, des mouvements de caméra, mais seulement pour eux-mêmes et non à des fins artistiques. Les scénarii n'étaient, quant à eux, guère développés. Méliès est le premier à emprunter une voie personnelle et ce faisant à adopter une démarche artistique.
Cette féerie baroque donne dans le registre comique. Dans un premier tableau, les scientifiques sont affublés de chapeaux pointus et de robes étoilées qui évoquent les personnages de Nostradamus ou de Merlin l'Enchanteur. La caution scientifique est simplement balayée faisant place à une fantaisie débridée. Sur la rampe de lancement, des jeunes filles chichement vêtues dansent et, en fanfare, allument la mèche du canon qui va propulser la fusée dans l'œil de la Lune. Quant à l'arrivée sur la Lune, c'est une débauche de découvertes, toutes plus extravagantes les unes que les autres jusqu'à l'entrée en lice des Selenites, habitants de la Lune que les scientifiques combattent plutôt efficacement grâce à leur... parapluie.
Le caractère outrancier des décors et des ressorts du scénario sert aussi une forme de satire de la science conquérante. On songe au Médecin malgré lui avec ses savants incompétents qui se drapent de la dignité de leur profession. Les scientifiques sont des vieux messieurs farfelus, approximatifs (le schéma de l'expérience proposée, dessiné au tableau par le chef de l'expédition, est des plus dépouillés), orgueilleux et volontiers belliqueux. La dernière scène met singulièrement à mal l'arrogance scientifique représentée par une statue qui, pour illustrer l'aventure des pionniers, est constitutée d'un personnage grotesque écrasant littéralement l'astre lunaire sous son pied.
Georges Méliès fait aussi preuve d'une très bonne maîtrise du scénario et de la technique de l'époque. Le choix des tableaux et leur composition renseignent suffisamment le spectateur, à telle enseigne qu'aucun intertitre n'a été nécessaire. Le récit demeure à tout moment compréhensible. Les trucages sont pour la première fois employés à dessein artistique. Certains sont issus de l'expérience théâtrale (perspectives forcées, trappe ...) ; d'autres sont purement cinématographiques : la surimpression durant le rêve des astronautes, la disparition subite des Selennites pendant les scènes de combat (le truc avait été découvert accidentellement par Méliès et utilisé dans un précédent film, L'Escamotage d'un dame au théâtre Robert Houdin).
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L'art muet franchit un cap et ouvre de nouvelles perspectives à la production cinématographique de ce début de siècle. Le Voyage dans la Lune a été projeté dans le monde entier avec un égal succès. Il fut même abondamment plagié. Néanmoins, c'est encore le réalisateur lui-même qui s'y illustra le mieux jusqu'à ce que le genre féérique qu'il a créé tombe en désuétude. En effet, l'œuvre est étroitement liée à la personnalité de l'auteur illusioniste d'expérience. Les contemporains de Méliès ne possédaient pas la formation ni la compétence qui leur auraient permis d'enrichir voire d'égaler ses films sur ce terrain.
En +
Le film a été commencé en mai 1902. Il fut mis en vente en aout pour un prix de revient de 10 000F. Il aura un succès extraordinaire tant en France, qu'aux Etats-Unis ou il sera largement copié par les Lubin et Edison.
Le public de l'époque apprécia particulièrement l'épisode burlesque de l'obus planté dans l'œil de la lune.
Le réalisateur
Georges Mélies (1861-1938 ) est le précurseur de la science-fiction au cinéma. Directeur du Théatre Robert-Houdin, il a l'occasion d'expérimenter un certain nombre de trucages. Avec l'avènement du cinéma, il perçoit très vite, la puissance et les énormes possibilités de l'image, il conçoit, dans ses propres studios à Montreuil, de petits courts métrages ou la fantaisie et l'imaginaire se mêlent au grand étonnement des spectateurs.
Il adapta des oeuvres de Jules Verne comme 20 000 lieues sous les mers devenu 200 000 lieues sous les mers ou le cauchemar d'un pécheur , avec son imaginaire propre, se donnant beaucoup de libertés par rapport à l'œuvre originale.
Il est surtout, sans conteste, l'inventeur du trucage cinématographique, et annonce déjà les effets spéciaux modernes : expositions multiples, animations, transformations comme dans Le voyage impossible , modèles réduits donnant l'apparence du réel, substitutions ou disparitions après arrêt de la caméra dans Le Voyage dans la Lune .
Il reçut les hommages de Georges Franju qui lui consacra un court métrage en 1952 : Le Grand Méliès , ainsi que celui de Christophe Averty qui réalisa Méliès, le magicien de Montreuil-sous-bois (1964)
Sources : Wikipédia ; SF Story