Le JDLI a rencontré Patrick Chachuat, Directeur général d’Activision France.
Quels ont été les temps forts pour Activision lors de l’E3 ?
Les principaux titres à paraître sur le second semestre y ont été présentés. Le stand était divisé cette année en plusieurs parties correspondant chacune à un univers spécifique mettant en scène des titres à forte identité. Je pense notamment à Quake 4, le prochain jeu d’action en vue subjective de id Software attendu pour fin août, à The Movies, un jeu dans la lignée des Sims mais dédié à l’univers du cinéma et signé Peter Molyneux, à Ultimate Spider-Man doté d’une charte graphique très surprenante puisque reprenant la présentation d’une véritable bande dessinée avec vignettes ! Un nouveau jeu Tony Hawk, dont le titre définitif n’a pas encore été communiqué y a été également présenté : il devrait marquer un vrai retour aux sources pour cette simulation de skateboard. La suite de True Crime, notre hit sorti fin 2003 était également là : l’action ne s’y déroulera plus cette fois à Los Angeles, mais dans une autre grande ville des Etats-Unis. Un autre titre marquant sera la prochaine production signée Neversoft, développeur de la série Tony Hawk : il s’agira d’un genre nouveau pour le studio, qui sera dévoilé en avant-première sur le salon autour duquel nous devrions préparer un événement en août en direction notamment de la Presse. Enfin, une place importante était consacrée sur le stand à à la marque Call of Duty, avec Call of Duty : The Big Red One sur consoles et Call Of Duty 2 sur PC.
Quels sont vos objectifs pour cette année ?
Nous projetons une progression de +50% de notre chiffre d’affaires sur 2005/2006 grâce à notre line up du second semestre qui sera présenté à l’E3. A plus court terme, nous avons de bons objectifs pour des jeux comme Star Wars Episode 3 attendu pour le 6 mai mais aussi pour l’adaptation multiplateforme de Madagascar, le prochain Dreamworks qui sera positionné « tout public » à sa sortie en juin. Nous avons lancé la semaine dernière la version Xbox de Doom 3 qui performe très fort en Angleterre et fonctionne aussi très bien en France où nous avons mis en place 35 000 pièces de la version standard et 13 000 de l’édition collector. En juillet, nous proposerons Les Quatre Fantastiques en même temps que le film. Comme l’année passée, nos principaux titres seront accompagnés de puissants soutiens marketing avec notamment de la communication en TV hertzienne. Après avoir multiplié par quatre nos budgets marketing sur 2004, nous allons cette année doubler nos investissements publicitaires. C’est une stratégie suivie à l’échelle mondiale ; rappelons qu’aux Etats-Unis, Activision est l’annonceur numéro deux en TV…juste derrière SONY !
Quelle va être la stratégie d’Activision sur les consoles « next gen » ?
Nous sommes présents dès la sortie d’une nouvelle console. On a pu le constater sur Nintendo DS avec la sortie day one de Spider-Man 2 et prochainement de Madagascar, l’adaptation du prochain long-métrage de Dreamworks. Au lancement à la rentrée de la PSP, nous commercialiserons Spider-Man 2, Tony Hawk’s Underground 2 remix et Untold Legends La Confrérie de la Lame plus deux autres titres d’ici la fin de l’année. Je pense que la PSP est actuellement la console que les joueurs attendent avec impatience : c’est un très bel objet, dont la cible correspond au public des jeux Activision. Sony fait preuve d’une vraie ouverture aux éditeurs tiers, davantage que la plateforme de Nintendo où il est bien difficile de concurrencer les productions internes : il suffit de consulter le top 5 des ventes pour s’en convaincre. L’E3 sera aussi pour nous l’occasion de présenter quatre jeux pour la Xbox 2 qui paraîtront en fin d’année en même temps que la console dont des versions dédiées de Quake 4, Tony Hawk et de Call of Duty 2. Il est trop tôt pour annoncer des titres sur PS 3 ou la prochaine Nintendo, mais Activision sera parmi les premiers éditeurs sur ces prochains supports !
Continuez-vous à privilégier les consoles dans votre line up ?
Nous sommes en ligne avec le marché, les consoles représentant la majorité de notre business. Sur l’année passée, le PC a constitué 26% de notre chiffre d’affaires contre 74% pour les consoles. Parmi celles-ci, la PlayStation 2 se détache naturellement avec 38% de notre chiffre, suivie par la Xbox avec 16%, le GameCube avec 8% et le Game Boy Advance avec 11%. Notez que sur 2004/2005, nous avons encore réalisé 1% de notre chiffre d’affaires sur la PS one avec des titres comme Spider-Man. La Xbox se positionne donc très bien mais c’est un support où les ventes marchent très fort pendant trois ou quatre semaines avant de chuter. La faute à un piratage fort répandu sur le support.
Quel bilan dressez-vous de l’année passée ?
Sur l’année fiscale 2004/2005 qui s’est terminée fin mars, Activision France a réalisé une excellente année pour nous puisque nous avons fait une progression de +37% par rapport à l’exercice précédent ! Nous évoluons entre 5% et 6% de parts de marché avec une forte prédominance des consoles. Sur l’année passée, nous avons multiplié par quatre nos budgets marketing, en privilégiant dès que possible une mise en avant en TV pour les principaux titres du catalogue.
Des titres se sont-ils particulièrement distingués ?
Les grands succès de 2004/2005, ce sont incontestablement Spider-Man 2, de loin la licence de super-héros la plus populaire en France, et notre franchise Call of Duty, qui doit en être à 120 000 exemplaires vendus en France pour la version PC plus son extension. Le passage sur consoles avec l’épisode Call of Duty Le Jour de Gloire, sorti en décembre 2004 a été une réussite puisque plus de 260 000 exemplaires du jeu ont été vendus, sachant que le titre a particulièrement bien performé en France. Sur PC, Doom 3 a bien marché avec près de 80 000 ventes, tout comme Rome Total War, écoulé à 60 000 exemplaires.
Quelle place occupe Activision France au sein de l’Europe ?
La France, c’est 18% du marché européen. Nous sommes le second marché derrière l’Angleterre… avec un écart qui ne cesse de se creuser : nos marchés sont très différents, L’Angleterre est un pays à très fort potentiel avec une proportion de gamers beaucoup plus importante que dans les autres territoires. C’est un marché également plus dynamique en ce qui concerne le prix des jeux et la réactivité du positionnement en fonction du marché… En revanche, nous sommes au coude à coude avec la filiale allemande. A l’échelle mondiale, Activision se positionne comme l’éditeur numéro deux. La France est un cas un peu particulier car nous sommes en quatrième position : nous devons faire face à la concurrence plus forte que sur les autres territoires des acteurs français comme Ubisoft, Vivendi, Atari… Rappelons qu’avec 35% du business, l’Europe est le second marché pour Activision.
Activision compte de nombreuses adaptations de films à son actif. Comment gérez-vous l’équilibre entre licences externes et franchises internes ?
Les principaux accords pour les adaptations de licences de films ont été mis en place avec Fox, Columbia et Dreamworks. Notre expérience dans le domaine nous incite à la prudence: il faut choisir des long-métrages qui donnent de la matière pour développer un jeu vidéo sur le thème, l’idéal restant une complémentarité entre les deux. Si nous avons connu de grands succès dans le domaine avec Spider-Man 2, des licences moins populaires en France ont honnêtement performé comme X-men tandis que d’autres ont été de vrais flops comme Minority Report ou les jeux Star Trek. Prudence donc car tous les bons films ne sont pas systématiquement porteurs en jeux vidéo, même si le nombre d’entrées en salles conditionne souvent les performances du jeu vidéo adapté. Nous sommes par exemple très confiants sur la licence Madagascar, qui a toutes les chances de faire aussi bien que les sept millions d’entrées de Shrek 2 en France. Nos ambitions sont plus réalistes sur un titre comme Les Quatre Fantastiques qui a un potentiel d’environ trois à quatre millions d’entrées cinéma en France cet été, ce qui est comparable à la licence X-Men. Nos objectifs de mise en place pour le jeu seront d’environ 100 000 pièces, sachant que nous allons adopter une communication spécifique pour la France autour des différents personnages pour faciliter l’identification, un problème que Marvel a rencontré dans l’Hexagone avec les X-Men. Ces partenariats avec Hollywood restent bien sûr l’un des axes de développement d’Activision mais la priorité est de développer nos franchises comme Call of Duty, True Crime ou Tony Hawk’s.
Comment les studios de développement sont-ils répartis ?
Le groupe compte aujourd’hui 14 studios en interne mais nous travaillons également fréquemment avec des structures externes : Lionhead pour The Movies ou Creative Assembly pour Rome Total War. La plupart de nos studios sont basés aux Etats-Unis et la dernière acquisition en date concerne Vicarious Visions qui vient de signer le portage Xbox de Doom 3. Disposer de plusieurs studios de développement permet d’exploiter les expertises de chaque structure. Prenons l’exemple de la version console de Call of Duty : afin qu’elle soit terminée à temps pour la fin de l’année et dans les meilleures conditions, il a été décidé de concentrer les efforts de plusieurs studios internes lors de la dernière phase de développement du projet. Au final, le jeu est bon mais je pense qu’il aurait pu être meilleur : Activision a beaucoup appris de cette expérience, qui nous a renforcé dans l’idée de ne sortir que des jeux parfaitement finalisés en optimisant la gestion des plannings et des ressources de développement.
Quel bilan dressez-vous de la distribution des jeux LucasArts ?
La distribution des produits LucasArts pour toute l’Europe par Activision a été annoncée officiellement au cours de l’E3 2003. Depuis, notre collaboration se passe très bien et nous avons effectué de bons scores dernièrement sur des titres comme Star Wars Battlefront, KOTOR 2 ou encore Mercenaries. La distribution des jeux LucasArts représente aujourd’hui 16% de notre chiffre d’affaires en France. L’actualité est forte pour l’éditeur puisque sortent simultanément dans quelques semaines Star Wars Episode 3, le film et les jeux vidéo. Ce sera indiscutablement l’un des événements de cette année. La stratégie de LucasArts, qui a consisté à réduire le nombre de sorties mais à se focaliser sur des titres à fort potentiel est la bonne. Autre bonne initiative : privilégier les jeux basés sur la licence Star Wars et opter pour l’originalité pour les titres hors-licence comme Mercenaries.
Spider-Man, Doom, les licences Dreamworks : comment travaillez-vous simultanément des catalogues et marques aussi variés ?
Notre service marketing, dirigé par Bernard Sizey, compte trois chefs de produits se partageant les différents titres et univers du catalogue Activision. La diversité de notre catalogue induit en effet de communiquer vers des publics différents et donc plusieurs types de médias. Notre pôle RP, dirigé par Diane de Domecy, accueillera prochainement une troisième personne afin de répartir au mieux la communication autour des produits.
De quelle latitude la filiale française dispose-t-elle sur le plan du marketing ?
La politique marketing d’Activision, c’est d’adopter une démarche globale avec des applications locales. Nous déterminons en France le potentiel de chaque titre sur notre marché, via notamment des benchmarks effectués sur des jeux d’un même genre en interne ou parus chez la concurrence. Les budgets sont ensuite validés par l’Europe. Pour le choix des canaux de communication, l’ensemble des filiales d’Activision exploite Starcom, notre outil commun de « media management ». Encore une fois, nous focalisons depuis quelques mois notre communication en TV.
Quels rapports entretenez-vous avec la distribution ?
Nous travaillons en direct avec le plus d’enseignes possible. Notre équipe commerciale, dirigée par Antoine Seux, comprend deux responsables comptes clés, un chef des ventes et cinq représentants « terrain ». Nous passons également par quelques grossistes pour toucher les retailers de taille plus modeste. Micromania représente une part conséquente de nos ventes, avec des volumes impressionnants effectués dès les premières semaines de lancement d’un titre. C’est aussi un partenaire très réactif avec lequel il est aisé de monter des opérations. Il serait temps d’ailleurs que certaines enseignes de la grande distribution se désinhibe au sujet du jeu vidéo : on a la sensation que la GD nous accorde moins d’importance qu’il y a quelques années. La mise en avant en linéaire demeure problématique, contrairement à ce qui peut se faire autour du DVD vidéo ou de la musique. La vraie difficulté pour mettre au point des opérations efficaces avec la grande distribution réside dans le fait que nous travaillons uniquement avec les centrales, et non avec les chefs de rayons. C’est avec eux qu’il faudrait développer le dialogue et les interactions car c’est par eux que passe le dialogue avec les consommateurs finaux.
Activision est l’un des plus anciens éditeurs de jeux. Quel regard portez-vous sur l’avenir de l’industrie ?
Je ne suis pas inquiet pour l’avenir du jeu vidéo ! En revanche, la question est de savoir combien d’acteurs resteront en place d’ici quelques années. Je travaille depuis 25 ans dans cette industrie et j’ai toujours entendu parler du phénomène de concentration… qui est inévitable. Je pense que le gap entre l’éditeur numéro un et les autres est trop important aujourd’hui et que des alliances seront inévitables, que ce soit de gré ou de force ! Si l’on se remémore les éditeurs qui n’ont pas survécu ces dernières années, c’est avant tout parce qu’ils n’ont pas voulu s’allier. Il est aujourd’hui inconcevable de connaître un flop sur un titre dont le développement a coûté dix millions de dollars, ne serait-ce que vis-à-vis de la réaction du Nasdaq très sensible à la moindre contre-performance. L’impact sur l’ensemble des acteurs du marché de l’annonce récente de profit warning d’un éditeur leader est à ce sens très révélateur.
Comment appréhendez-vous la prochaine génération de machines ?
Comme une évolution naturelle. Nous sommes sur un marché cyclique qui accueille une évolution technologique tous les cinq ans et nous savons que les investissements évoluent en conséquence. Il fallait compter trois millions de dollars pour développer un jeu PS one, on est passé à sept pour un projet sur PlayStation 2 et l’on sera à 15 pour un titre sur PS 3 ou Xbox 2. En plus des moyens financiers, le challenge va être du côté des compétences puisqu’il faudra des créatifs assez imaginatifs pour proposer de nouvelles approches du jeu vidéo. C’est ce qui permettra d’élargir notre public, qui reste malheureusement encore trop majoritairement masculin.
Source
http://jeuxpo.com