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Des premiers jeux vidéo aux véritables films interactifs d’aujourd’hui, la narration vidéoludique a su évoluer avec son média et le public. Parfois centrale, parfois secondaire, ce qui est sûr c’est qu’au fil des générations de consoles, nous avons pu la découvrir sous toutes ses formes : narration fermée ou qui s’adapte aux agissements du joueur, développée au travers de cinématiques ou de collectibles à ramasser (tels que les fameux livres !), les possibilités ne manquent pas. Dans cette multitude de cas existants, Tiny Echo s’inscrit dans la catégorie des jeux à la narration minimaliste, laissant libre cours à l’imagination du joueur et aux interprétations.
Un scénario qui se devine
Pas de dialogue, pas un mot, et pourtant
Tiny Echo parvient à nous raconter quelque chose. Le décor est planté par une scène d’ouverture, sous forme de travelling horizontal, nous présentant un monde de désolation. Un paysage dévasté, une terre asséchée, pas d’eau ni de feu pour répondre aux besoins primaires des quelques personnages présents ici, et qui semblent suffoquer. On distingue une mystérieuse fumée qui émane de chacun d’eux, prenant la forme de mains qui se dirigent vers un immense trou pour y déposer des lettres. Notre personnage, endormi à son bureau, se fera réveiller par la chute de ces lettres, qui finiront rangées dans sa sacoche. Dès lors, on comprend que nous sommes le facteur du coin, et que par conséquent notre mission consiste en la bonne distribution du courrier. Tâche qui va nous demander de parcourir tout ce petit monde souterrain, en résolvant diverses énigmes à la difficulté moyenne, le tout avec un gameplay
« point and click ».
Le courrier est arrivé
Facteur bien avant Sam Porter !
Un appel à l’imaginaire
Une fois lancée dans notre aventure, les questions qui nous viennent à l’esprit sont nombreuses : pourquoi faisons-nous tout cela ? Où sommes-nous ? Qui sont ces êtres à l’agonie à la surface, et ceux qui peuplent le monde souterrain ?
Il n’y aura pas de réponses explicites à ces questions, ce sera à chacun d’interpréter les choses et de les ressentir à sa manière. Cependant, au fil de notre voyage dans le jeu, certaines thématiques vont se laisser deviner. Par exemple, on peut y voir une relation entre le monde physique et le monde spirituel, on y décèle aussi un message écologiste soulignant l’importance de préserver notre environnement pour pouvoir y vivre, et on y perçoit une évidente mise en avant des inégalités via le contraste entre ceux qui vivent du bon ou du mauvais côté du monde… En fait, chacun y relèvera selon sa sensibilité, des sujets qui lui sont chers, et
l’imaginaire fera le reste pour tisser des liens entre ce qui se passe à l’écran et de possibles lectures.
Il se passe quoi ici ?
L’invitation à la rêverie de
Tiny Echo passe en grande partie par l’excellent travail réalisé sur sa direction artistique. Ce sont ces choix artistiques qui, en créant une forte immersion dans le monde créé par
Might and Delight, vont grandement stimuler notre imaginaire. Cela passe notamment par l’ambiance sonore, que ce soit l’OST signée
Mouth West qui se distingue par ses sonorités mystiques et organiques, mais également par la qualité des différents bruitages, notamment ceux liés aux bruits de la nature (vent, écoulement d’eau, crépitement d’un feu, etc.). Tout
cet ensemble sonore cohérent vient donner de la vie à ce monde, et c’est dans ce même sens qu’est appliqué le style graphique « dessin fait à la main ». Il fait lui aussi la part belle aux éléments de la nature, et met habilement l’accent sur les différentes scènes de vie des différents protagonistes. Le
chara design est quant à lui énigmatique, entre l’étrange et le mignon (à l’image du personnage principal), nous interrogeant sur le fonctionnement de la société et le rôle de chacun de ses acteurs.
Une ambiance extrêmement soignée
Une résonance actuelle
Si nous voulons pousser l’analyse plus loin (trop loin ?), nous pouvons penser que
Tiny Echo tente un parallèle avec notre propre monde. Comme souligné dans la partie précédente,
on y retrouve des thèmes très contemporains. A savoir celui des inégalités, avec le contraste entre les habitants d’en haut qui sont sans ressource et mourants, et ceux d’en bas qui ne semblent manquer de rien, sont en bonne santé et vivent dans un environnement sain. D’une autre part, on pense forcément à l’écologie quand on voit le travail réalisé sur la représentation de la nature. On peut imaginer à ce niveau que la situation à la surface a été causée par une catastrophe naturelle ou un ensemble de dégradations environnementales.
Ces éléments constitueraient donc un parallèle avec notre monde, et mettrait ainsi en avant des valeurs humanistes et de solidarité. Le joueur se placerait alors en porteur d’espoir, comme le personnage principal du jeu, un messager venant sensibiliser ses pairs face à l’urgence de la situation, où chaque distribution de lettre correspond à l’éveil d’une conscience.
Quelques mots qui peuvent tout changer ?
Sans être révolutionnaire, Tiny Echo nous offre 1h30 de dépaysement au cœur d’un monde crédible, où la narration est au service de l’imagination et de l’interprétation du joueur. Sans un texte et sans fioriture, c’est avec une direction artistique pertinente, que se construit la narration de Tiny Echo.