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Pour entamer cette petite série d'interviews, c'est le fabricant de la
Xbox 360,
Microsoft, qui se prête à l'exercice sans pitié des questions/réponses. Bilan de la console, perspectives à venir, sans oublier l'inévitable auto-critique, le responsable marketing de
Xbox France,
David Dufour, a accepté de nous recevoir. Entretien, en trois parties.
Le bilan Xbox 360 par Microsoft
Quel bilan faites-vous de la Xbox 360 en France, sur les 12 derniers mois ?
David Dufour : Une année excellente, sous le signe de la transformation. Nous avions un double objectif : croître la base installée, et changer l'image de marque de la console. Tout en continuant à alimenter les gamers, notre marque de fabrique depuis le lancement de la Xbox 360, nous devions chercher une nouvelle audience avec Kinect.
Cet objectif de faire l'acquisition de nouveaux publics n'est-il pas, cependant, une façon de compenser vos difficultés à étendre la base installée, face notamment à la PS3 en France ?
Ça n'est pas forcément le cas. On peut continuer à travailler les gamers sur un cycle plus long, on le fera l'an prochain. Mais de façon plus globale, en ne visant que les gamers, on arrive fatalement à un pallier, et un déclin. Kinect nous permettra de faire ce qui n'avait jamais été fait auparavant dans l'industrie : créer une seconde "bosse" de croissance, dans un cycle qu'on sait très long - 8 à 10 ans. Mais on ne perd pas de vue les gamers ! Il faut juste se rendre compte que le mythe du gamer, qui vit en autarcie, a vécu. Ils ont aujourd'hui une famille. A l'intersection des deux mondes, il peut donc y avoir à la fois un gamer et des enfants. C'est un pari qui est gagné pour nous : 8 millions de Kinect "commercialisés" auprès des revendeurs dans le monde. C'est le démarrage le plus incroyable qui ait jamais été fait pour une "nouvelle console".
Mais la base installée française, elle, se situe dans quel ordre ?
L'année 2010 est supérieure à 2009 en termes de volumes. Au niveau mondial, c'est même la plus grosse année de la Xbox 360 avec 50 millions de consoles. Nous avons connu deux phases : un premier semestre difficile, consécutif à des fêtes de Noël compliquées, et un second semestre très très fort en termes de croissance, portée par le lancement du nouveau modèle Xbox 360. Mais aussi Fable, et Kinect. Nous parlons là d'une croissance de 36% sur la deuxième moitié de 2010, par rapport à 2009, quand nos deux concurrents, eux, baissent.
Et cette base installée française, donc ?
Nous avons dépassé, en décembre, les 2,2 millions de consoles vendues en France. Nous sommes en troisième position, certes, mais il faut regarder la dynamique par rapport à l'ancienne génération de consoles : la première Xbox a fait un peu moins d'un million de machines vendues en France. Nous sommes à la moitié du cycle, on peut donc largement dépasser ce chiffre. A nous de chatouiller la Wii, avec Kinect, quant à la PlayStation 3... autant la PS2 était hégémonique, avec 5,5 millions de base installée, autant elle est ici à 2,8 millions. Nous, nous sommes en progression par rapport à la précédente génération - pas eux. Au niveau mondial, par contre, la Xbox 360 est devant la PlayStation 3.
Pour la France, vous revendiquez donc une croissance par rapport à 2009 ?
Elle est de 13%, oui. Mais avec une fin d'année bien supérieure, donc.
Côté jeux enfin, quels sont les succès à retenir pour cette année 2010 ?
Je ne peux pas communiquer sur les volumes, certains appartiennent aux éditeurs tiers, mais la plus grosse vente c'est évidemment Call of Duty : Black Ops. Suit ensuite FIFA 11, puis Halo : Reach et Assassin's Creed, Red Dead Redemption, et Fable pas très loin. Et, ce qui est intéressant, c'est qu'on retrouve aussi Kinect Sports - plus de 100.000 pièces en France - et Dance Central qui a franchi le cap des 70.000 pièces. Un super succès. On a dépassé les 300.000 pièces de Kinect vendues en France (ndlr : l'interview a été réalisée le 21 janvier).
Je n'ai pas entendu Alan Wake, dans tout ça... c'est une déception ?
Une déception... (il réfléchit). En termes de qualité de produit, non. C'est un jeu canon dont on parlera encore longtemps, et qui a peut-être été sous-estimé. On a beaucoup parlé d'un jeu sortant chez le concurrent (Heavy Rain, ndlr), mais d'un point de vue gameplay c'est une réussite. Commercialement maintenant, Alan Wake a vendu plus de 50.000 pièces, donc ça n'est pas une déception, j'aurais aimé davantage...
... mais un blockbuster, en général, ne fait pas que 50.000 pièces en France.
Mais on ne l'a pas positionné comme tel. En termes d'investissement marketing, on était à des années-lumière de ce que peuvent faire Halo : Reach ou Call of Duty. C'est un marché où la presse nous reproche de manquer d'audace, mais quand on regarde les consommateurs, ils sont souvent hyper-conservateurs : les jeux coûtent chers aujourd'hui, ils se reportent sur les franchises connues. Mais quand ça sort des sentiers battus, quand la presse et les forums nous demandent d'innover, eh bien une fois dans les linéaires il n'y a plus personne. C'est dommage, car au final la demande en jeux gamer devient conservatrice et assez prévisible pour pas mal d'éditeurs, qui prennent de moins en moins de risques.
Et côté dématérialisé, la croissance s'est-elle maintenue sur 2010 ?
On est sur une phase de croissance permanente sur le Xbox Live. Notre base d'abonnés et de transaction augmente sur un rythme supérieur à celui de la console, c'est-à-dire qu'on continue à attirer du monde sur ces services. Je ne peux pas parler de chiffre d'affaires, mais quand on a 30 millions d'abonnés au Live, et plus de la moitié en membres payants, je vous laisse faire le calcul vous-même... Sur les micro-transactions, on a également développé le panel de services avec la vidéo à la demande, le système Zune Pass, l'intégration de Canal+, etc. Sans parler des jeux : quand on vend un Call of Duty : Black Ops à plusieurs millions, la sortie d'une extension est forcément un évènement.
Au sein de votre offre, quels sont les modèles de Xbox 360 les plus populaires aujourd'hui ?
Les trois mois de la fin d'année adressent un public plus large et familial : c'est là que sont générés les plus gros volumes. Et les neuf premiers mois de l'année sont rythmés par des achats "gamer". Les modèles hauts-de-gamme comme la 250 gigas sont très forts tout au long de l'année, alors que la 4Go pousse fort sur les trois derniers mois de l'année.
Kinect et le PlayStation Move en France
Qui sont les acheteurs de Kinect ?
50% d'entre eux ont pris la caméra seule, mais ce qui m'intéresse, c'est qu'on a l'autre moitié des clients qui ont pris le bundle avec la console. Ce sont donc clairement des gens qui ont pris la Xbox 360 pour avoir Kinect. D'ailleurs, quand on regarde les indicateurs de marque, on s'aperçoit que la notoriété de Kinect est presque supérieure à celle de la marque Xbox 360 sur certains points. C'était notre objectif marketing.
Quand on consulte les meilleures ventes de jeux en France, on s'aperçoit que sur les titres multisupports, la PlayStation 3 supplante quasi-systématiquement la Xbox 360 en volumes écoulés. Kinect est-il votre "facteur différenciant" sur les jeux, face à ce phénomène ?
Il y a plusieurs facteurs pour expliquer les décalages de ventes de jeux sur PS3 et Xbox 360. Le premier, c'est l'écart de base installée de 600.000 consoles. Ensuite, il y a un effet de base installée active : les possesseurs de machines passent à autre chose, ce qui est un autre élément selon moi. Le troisième élément, enfin, c'est le piratage. La Xbox 360 est victime du piratage, malgré nos efforts permanents avec les campagnes de bannissement, les mises à jour... La PS3, jusqu'à très récemment, n'avait pas été "crackée".
Kinect peut-il inverser la tendance, malgré le succès annoncé par Sony du PlayStation Move ?
Vous savez, on peut calculer de manière subtile les ventes du Move. On peut l'acquérir par diverses façons : le starter pack sans console, le Move seul si on possède déjà une caméra et une console, et un bundle avec la console, la caméra, et le Move...
Nous partons du principe que pour calculer la base installée de ce périphérique, il faut uniquement compter les bundles, ainsi que les starters packs : on ne prend pas en compte les ventes de Move séparément, car une partie des gens achètent un deuxième contrôleur juste pour jouer à deux, alors que pour Kinect, c'est une seule caméra pour un foyer entier. Quand on additionne les ventes de Move + caméra, on arrive sur des chiffres 30% inférieurs à ceux de Kinect. Sony a sa propre manière de calculer, ils arrivent grosso modo aux mêmes chiffres que nous selon leurs calculs. Et nous sommes sortis bien plus tard qu'eux (novembre pour Kinect, septembre pour le Move, ndlr). Et puis regardez les ventes de jeux : le taux d'attache de Kinect est supérieur à celui du Move.
C'est-à-dire ?
Nous sommes à un jeu pour le moment. J'ajoute que les cycles de vente de jeux sont un peu plus longs que d'ordinaire : on se rapproche un peu de ce qui se passe avec les jeux Wii. Sur des jeux plus familiaux, les ventes atteignent leur niveau optimal parfois six, douze mois après leur sortie. Il n'y a donc pas d'urgence...
... d'où un planning Kinect encore un peu flou sur 2011 ?
Il n'y a pas pléthore de titres sur ce semestre, c'est vrai. Je crois qu'il y en a une dizaine jusque juin. Kawashima fonctionne plutôt bien, et c'est une belle licence. Michael Jackson sera intéressant, j'attends de voir les contrôles à la caméra. Child of Eden également, chez Ubisoft. C'est le premier jeu à pouvoir intéresser les gamers. Et puis d'autres, pas encore tout à fait annoncés. On a donc là une période assez calme, avec néanmoins des jeux qu'on sait intéressants, et il faudra attendre septembre pour voir débarquer des jeux plus nombreux et variés.
Estimez-vous avoir gagné la guerre du "buzz" sur la fin d'année, par rapport au PlayStation Move ?
Quand je regarde l'évolution de mes indicateurs de marque par rapport à ceux du Move, oui. Dans les derniers jours avant Noël, Kinect est ressorti comme l'un des produits les plus "chauds", c'est vrai que ce n'était pas le cas du produit concurrent. Il y a eu une espèce d'amplification, quand le buzz prend, chaque jour qui passe est meilleur que le précédent.
Vous avez déjà un objectif pour l'année sur Kinect ?
Aller le plus loin possible (rires).
Je m'en doute, mais encore ?
Il faut savoir que Kinect accompagnera la Xbox 360 jusqu'à la fin de son cycle. On a deux plates-formes, deux types de jouabilité, mais je suis certain qu'on arrivera à des passerelles avec jeux purement gamers, qu'on retrouvera un jour sur Kinect. Quand les développeurs maîtriseront le produit, et c'est dans leur intérêt vu nos ventes, on va les voir débouler ces jeux-là. De la même manière, quand un gamer, au sein de son foyer, présentera Forza à ses enfants, ceux-ci voudront l'essayer. Tout comme il voudra jouer à Dance Central avec sa copine. Nous sommes les seuls à réunir les deux univers.
Nintendo est, depuis le début, très grand public, et capitalise sur les mêmes genres de jeux et ses marques fortes. Sony, lui, a joué le jeu "physique" avec un accessoire moins innovant que Kinect, mais avec des styles de jeux encore très marqués "gamers". Ils s'enferment sur leur positionnement. Nous avons fait ce grand écart, aussi bien dans les jeux que dans le marketing.
Tendances et avenir
En tant qu'observateur de marché, quelles sont les tendances qui vous ont frappé ces 12 derniers mois ?
L'élément majeur de 2010 sera à mon sens le gameplay physique, avec la sortie du Move et surtout Kinect. En France, on a pu tester les éléments de captation du corps, mais aux Etats-Unis ils ont la reconnaissance vocale. J'ai testé, ça file des frissons quand on parle à son écran...
D'ailleurs, quand est-elle prévue chez nous, cette fonctionnalité ?
La voix va arriver au printemps, entre avril et juin. Mais j'apprécie aussi tout ce qu'on peut faire avec une caméra... comme le chat vidéo, ce genre de choses. Mais il faut voir aussi de quelle manière la technologie a été prise en main par des petits génies, pour contrôler des robots, d'autres jeux. On sent qu'on a marqué une étape importante, c'est rare qu'une technologie soit autant reprise ou dérivée dans les semaines qui ont suivi sa sortie.
Et en 2011, que peut-on espérer voir émerger ?
C'est une année passionnante. Là où l'on pensait être dans un creux de cycle, on va avoir des choses nouvelles avec la 3DS et sans doute la PSP 2 (ndlr : l'interview a été réalisée le 21 janvier, quelques jours avant l'annonce de la NGP). La portable va se réinventer, mais son champ concurrentiel aura lui aussi changé dans l'intervalle. C'est aussi un point de 2010 à retenir : le jeu vidéo a toujours été un peu mis à l'écart, dans l'univers du divertissement, et d'un coup tout le monde s'y est mis. On a vu des téléphones mettre le jeu vidéo au coeur de leur stratégie de communication. On a vu des fournisseurs d'accès Internet présenter une box avec du jeu vidéo, et on communique dessus comme un produit d'appel... Le jeu vidéo est donc enfin devenu un centre de préoccupation majeur du divertissement. On peut jouer partout aujourd'hui, et sur n'importe quoi.
Et on ne peut pas y voir, chez Microsoft, une menace ? Le grand public étant aujourd'hui sollicité par toute une constellation de plates-formes... ?
Certainement. Et il va falloir en tenir compte dans les prochaines années. Aux constructeurs de console d'être innovants et de montrer l'intérêt de ce type de machines par rapport aux autres. Mais il faut aussi voir la convergence que ce phénomène permet : on verra bientôt la possibilité qu'un jeu Xbox Live Arcade soit jouable sur son PC ou son smartphone, qu'on puisse commencer un jeu sur une plate-forme et le continuer sur une autre...
On fait référence au cloud gaming ici. L'avenir du jeu vidéo sera-t-il un jour dans la dématérialisation totale ?
(il réfléchit) La dématérialisation va continuer son développement. Après, chez Microsoft, on a une approche atypique sur Xbox 360 : proposer un service en ligne tout en maintenant la présence dans les magasins...
... vous venez tout de même de dématérialiser la manette avec Kinect !
Oui, même si on garde un capteur physique avec la caméra. On continuera à faire des boîtes, vendre des cartes avec points, et on associe toujours la distribution physique. On a toujours été loyaux avec eux, en faisant en sorte de garder le même prix pour les versions physiques et numériques. Énormément de consommateurs préfèrent acheter en magasins, préfèrent le contact.
Des souhaits pour la marque Xbox en 2011 ?
Continuer à montrer qu'on peut faire ce grand écart entre gamer et grand public. On a construit les fondations, mais je souhaite que les jeux Kinect représentent une maîtrise de la technologie, et des titres plus variés. Mais je veux montrer notre intérêt auprès des gamers, j'attends avec impatience Gears of War 3 et Forza 4. D'ailleurs, c'est étonnant, Forza Motorsport 3 reste pour certains spécialistes et magazines la référence du monde automobile (rires) ! C'est plutôt une belle promo pour Forza 4. On espère que les puristes se montreront sans concession avec ce jeu, même s'ils veulent, semble-t-il, intégrer des fonctions Kinect.
Et pour conclure, la question qui fâche : l'auto-critique. Où avez-vous échoué, ou qu'avez-vous raté, sur les 12 derniers mois avec la Xbox ?
Si on avait pu fabriquer plus de Kinect sur la fin d'année, je pense qu'on en aurait vendu davantage (rires) !
Ça n'est pas vraiment un point négatif, ça !
Si si, c'est un point d'amélioration de la chaîne logistique ! Mais plus sérieusement, il n'y a pas de point compliqué à gérer... (il réfléchit). C'est sûr qu'on aurait aimé être plus serein pour le lancement de Kinect, qui s'est fait dans l'urgence, comme toutes les plates-formes. On a maintenant le temps de travailler, j'espère simplement qu'on nous donnera un peu de visibilité en amont... c'est un point d'amélioration, ça (il sourit).
Encore un peu trop dans le noir sur 2011 chez Xbox ?
Non, mais c'est vrai qu'on a pris l'habitude d'aller très vite entre l'annonce d'un produit et sa sortie, de manière générale. La presse nous le reproche aussi, donc j'espère qu'on nous donnera plus de temps, un peu moins d'urgence, qu'on soit en mesure de partager davantage sur l'intérêt d'une technologie comme Kinect.

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posted the 02/13/2011 at 05:38 PM by
funkenstein
Une déception... (il réfléchit)
ca m'a rappelé l'année passé, lorsqu'il râlait avec la question des bobox en panne
en tout cas l'interview est très sympa et drôle pour l'instant
Celui là maitrise plus son sujet et est bien plus décontracté
Rien de nouveaux quoi
sinon 50 K pour alan Wake je trouve ca plutot bien pour une new IP
vivement l'interview des deux autres que l'on se marre un peu
Si on avait pu fabriquer plus de Kinect sur la fin d'année, je pense qu'on en aurait vendu davantage (rires) !