Voici une petite interview d'une personne qui est longtemps restée dans l'ombre malgré une renommée des plus importantes durant l'ère des 32 bits. Kenji Eno ne dira surement rien à la génération actuelle, mais ceux qui ont connu la période Playstation/Saturn se remémoreront l'engin qui a quand même été capable de dire ses quatre vérités à un constructeur en plein milieu d'un salon lui étant consacré. L'ancien Big Boss de Warp (D, D2, Enemy Zero, Real Sound, ...), à la fois créateur de génie, et compositeur de musique, était aussi bien réputé pour ses jeux que pour sa tendance à ne pas mâcher ses mots (Sony doit encore s'en souvenir). Après une longue absence, l'homme est de retour avec son nouveau studio FYTO (From Yellow To Orange), et un jeu Wiiware : You, Me, and the Cubes.
Ceci est une traduction d'une interview du site www.cubed3.com, publiée le 23 septembre 2009.
Adam Riley (Cubed3): Depuis combien de temps travailles-tu pour FYTO ?
Kenji Eno, CEO de FYTO : Il s'agit en fait de la même compagnie que celle avec qui j'ai bossé ces quinze dernières années. La seule différence est que la société autrefois connue sous le nom de "WARP", se nomme maintenant FYTO, ce qui signifie "From Yellow to Orange", et a été "fondée" en 2001.
AR: En dehors de You, Me and the Cubes, tu as réalisé quelques jeux iPhone, comme le très populaire One Dot Enemies, est-ce exact ?
KE: En fait, si vous parlez du jeu Iphone le plus populaire, je dirais personnellement que Neutonica est le plus fameux. Cela dit, beaucoup de personnes aujourd'hui réclament après One Dot Enemies. Je ne sais pas trop pourquoi.
AR: Certaines personnes disent que c'est terriblement addictif, comme Tetris l'a été pour la Game Boy. Les gens pensent peut-être aussi qu'un tel jeu sur Iphone utilisant l'écran tactile, pourrait être parfait sur DS non ?
KE: Cela pourrait-être le cas ! Si Nintendo veut que ça arrive, alors ca arrivera.
AR: Pourquoi as-tu choisi de faire des jeux sur Iphone et est-ce que certains arriveront sur DS ?
KE: L'écran tactile est définitivement un objectif principal pour moi, il est si facile de créer des jeux simples. La DS est clairement une possibilité car elle dispose aussi de cette habilité. Cela-dit, actuellement je me concentre sur la Wii.
AR: Quand as-tu pensé à l'idée de You, Me and the Cubes ?
KE: Le concept original du jeu m'est venu il y a environ 2 ans. J'ai eu cette pensée en tête de personnes luttant pour rester au sommet d'un cube géant !
AR: Et donc pourquoi avoir amené se principe sur le Wiiware ?
KE: Quand j'ai réfléchi à ce jeu pour la première fois, je n'ai pas pensé particulièrement au Wiiware, juste à la Wii. Mais quand je me suis rendu compte que l'on pouvait le faire sur WiiWare, j'ai eu deux raisons de le faire au lieu d'un jeu en boite. L'une d'entre elles était que je pouvais du coup plus facilement créer des jeux simples. Il y a également le fait que les jeux sur WiiWare sont visibles plus longtemps par le public.
Par le passé, quand je faisais des jeux sur support physique, je trouvais dommage que 3 mois après leur sortie, les jeux ne soient plus visibles sur les étales pour finalement disparaître quelques mois plus tard et ne plus être achetés. Avec le WiiWare, 6 mois plus tard voir 1 an, il peut encore y avoir des gens pour les acheter – c'est pourquoi le WiiWare est idéal.
AR: Quelle a été la réaction au Japon par exemple ?
KE: Ce fut un jeu nouveau et unique, avant sa sortie au Japon j'ai pensé qu'il y aurai des gens qui adoreraient, et d'autres qui n'aimeraient pas beaucoup – bien plus que la division habituelle. Finalement, bien qu'il y ai eu des gens qui ont aimé, il n'y a pas réellement eu d'excès positifis ou négatifs. Je pense donc que quelque chose a été loupée. C'est déjà bien que les gens ne trouvent pas le jeu ennuyeux, bien qu'il n'y ai pas non plus une grande passion.
AR: Pourquoi as-tu pensé que certaines personnes haïraient ce jeu ? Cela viendrait d'une certaine frustration ?
KE: Je vais vous donner un exemple : imagines qu'il y ait un groupe de filles et un garçon qu'elles adorent, tout ce qui le touche est bien; elles l'aiment toutes. A l'inverse, s'il y avait un garçon qui avait quelque chose de très différend du premier, quelqu'un pourrait dire qu'elle aime ce point chez lui, elle pourrait se marier, ou quelque chose dans le genre (ndt : du grand Kenji Eno, bon courage pour comprendre). Je pense que les jeux provoquent ce même sentiment, comme s'il y avait quelque chose, un point spécial qui attire.
Je veux créer le genre de jeux dont le marketing le destinera à la bonne personne. Je ne veux pas d'un jeu que tout le monde aimera bêtement, mais plutôt un titre qui, présenté aux bonnes personnes, provoquera une irrésistible envie de l'acheter. Quelque chose de focalisé sur des joueurs particuliers.
AR: Que penses-tu du style des jeux Skip Ltd. ?
KE: Ah, oui.
AR: Penses-tu que vos jeux soient familiers?
KE: Non. Les gens de Skip sont des amis. Mais il y a deux principales différences, Vraiment. Premièrement, le sentiment que le joueur va avoir est nouveau. Dans le jeu, le niveau de technologie et l'intelligence artificielle déployés sont énormes et c'est au travers de cette technologie que le joueur découvrira ce nouveau feeling. Peut-être que les jeux simples dans le passé ont pu êtres joués sans ce feeling, sans un sentiment de responsabilité envers le jeu, ou quelque chose. Mais ce que j'essaye de créer est un jeu où le joueur ressentira toujours une responsabilité au travers de la technologie en place.
AR: Ce n'est donc pas aussi simple que les jeux Art Style ?
KE: C'est très simple, mais un nouveau style de simplicité. Cela restera simple pour le joueur, mais derrièe ça se trouve le coeur de la technologie.
AR: Tu dis que tu est ami avec Skip, c'est ça ?
KE: Oui.
AR: As-tu travaillé avec eux auparavent ?
KE: Connaissez-vous le createur de jeu Nishi?
AR: Kenichi Nishi, oui.
KE: Il a quitté Skip.
AR: Oui, pour Route24.
KE: Ah, effectivement c'est ça, vous connaissez bien la situation ! Nous sommes très bons amis et j'ai travaillé avec lui sur un jeu pour Iphone, Newtonica – Ce fut une collaboration entre lui et moi. Cependant, ce n'est arrivé qu'une fois.
AR: Travailleras-tu avec lui de nouveau ?
KE: Oui, oui, oui ! J'aimerais vraiment retravailler avec lui parce que c'est un sacré gars !
AR: Oui, il est très amical.
KE: Et intelligent ! Il très chaleureux.
Mike Mason (Cubed3) : Prépares-tu d'autres projets pour la Wii ?
KE: Hmm...iPhone ou Wii...*long silence* Probablement sur Wii! *rires*
MM: Donc as-tu des plans pour la Wii ?
KE: Hmm ! Il n'y a pas d'idées spécifiques à ce stade, mais j'aimerais parler avec Nintendo Japon car je vois qu'ils se sont engagés avec NCL (NDT : Norwegian Cruise Line, merci à Kebsama pour avoir trouvé ce que c'était), nous pourrions apporter de bonnes idées pour la Wii.
AR: Pour la Wii ou le WiiWare ?
KE: Pour la Wii.
MM: Penses-tu à faire revenir D parmis les survival horror ?
KE: Ahhh...*long silence*
AR: Qui a les droits de la série ?
KE: Bien qu'il y ai eu un "D2" dans la série, c'était une sorte de jeu complètement différend car je n'aime pas revenir en arrière et faire des suites de quoi que ce soit. Je préfère aller de l'avant et faire des jeux complètement nouveaux.
AR: Mais ne penses-tu pas qu'il y aurait un avantage à utiliser un nom populaire comme "D" ?
KE: Mais la vie est courte !
AR: Cela fait combien d'années que "D" à eu sa renommée ? Peut-être 10 ans?
KE: Non, plutôt 14, c'était aux alentours de 1995 pour la version d'origine et 1996 pour les versions Saturn et Playstation. C'est si vieux !
AR: Et bien ... les gens qui y ont joué sont plus vieux ... et les vieux jouent sur Wii !
KE: Ah, oui, oui, c'est vrai ! Oui, c'est le marketing de Nintendo ! *rires*
AR: Donc ... peut-être D sur Wii...
KE: Oui, oui, hmm... *rires*
AR: Est-ce votre decision ou est-ce que quelqu'un d'autre a les droits ?
KE: Il n'y a aucun problème concernant les droits si je veux le faire. Mais si je suis revenu dans l'undustrie, c'est pour faire quelque chose de nouveau.
AR: C'est compréhensible, bien sur. Penses-tu que You, Me and the Cubes pourrait être réalisé sur DS, voir iPhone?
KE: Nintendo et moi avons les droits du jeu, donc une version Iphone est hors de question ! Sur DS, je pense que ce serait possible en changeant un peu le style. Utiliser le même concept de cubes mais faire un jeu légèrement différend serait possible. Le jeu actuel a été fait pour utiliser la Wiimote, donc faire un portage simple ne fonctionnerait pas.
AR: Ah, tu vois, mon idée serait de contrôler les cubes avec les boutons lattéraux ...
KE: Ouais *signes de tête positifs*
AR: ... et utiliser le stylet pour ...
KE: ...les jeter ? Oui, oui c'est vrai. Seulement, si je dois développer quelque chose sur DS je voudrais que ce soit spécialement fait pour elle et qui ne pourrait être fait ailleurs. J'ai quelques idées, mais je ne sais pas si elle seront mises à contribution un jour ...
AR: Tu aimerais donc faire quelque chose qui utilise les deux écrans ...
KE: Oui ...
AR: ... l'écran tactile ...
KE: Oui ...
AR: ... et le micro ?
KE: Non ...*rires* Je ne vais pas vraiment parler de mes idées, mais ce que je trouve intéressant avec la DS, plus que le double écran et le tactile, c'est son ouverture/fermeture. Donc, par exemple, imagine un enfant disposant d'un oeuf qu'il veut faire incuber; il pourrait l'avoir dans un jeu DS et essayer de le regarder rapidement et le refermer après. Quelques chose qui lui permette de faire attention !
AR: Ou peut-être pour une utilité dans un jeu d'horreur !
KE: *rires* Oui, oui, l'horreur !
AR: *il fait celui qui regarde dans la DS en l'ouvrant rapidement la DS et pousse un cri*
KE: *rires* Il y a tellement de jeux qui n'ont pas pensé à cette idée. Un autre exemple pourrait être les nouilles instantanées que l'on trouve au Japon et que vous devez maintenir fermées un certain temps pour qu'elles soient prêtes. Vous pourriez essayer de maintenir les 2 minutes vous-même, jeter un coup d'oeil et donc voir si c'est près. Cela pourrait donner un "Oh non, trop tard je les ai ratées" et que ce soit très moche à voir ! Une sorte d'idée de timing serait sympa ...
AR: Donc ... vas-tu développer un jeu DS alors ?
KE: Oui, si Nintendo veut que j'en fasse ! *rires*
AR: Je suis sur qu'ils le voudront ! *rires*
KE: Dans les années 90 j'étais à la fois développeur et éditeur. Maintenant, je suis juste développeur et créateur tant que je n'aurai pas trouvé un éditeur, comme Nintendo.
MM: Est-ce la Wii qui vous a séduit pour travailler avec Nintendo?
KE: C'est tout d'abord la Wiimote qui m'a attiré, comme je l'ai mentionné dans la présentation (NDT : du jeu). Dans le passé il y avait l'ajout de boutons en passant de la Nes à la Super Nintendo, puis l'ajout des sticks analogiques, mais pour moi la plus grande évolution est bien la Wiimote – c'est ce qui m'a vraiment attiré vers la Wii.
MM: As-tu déjà voulu utiliser les autres périphériques Wii, comme la Balance Board ou le Wii Motion Plus ?
KE: Peut-être que je pourrais faire un jeu compliqué avec le Wii Motion Plus, cette technologie le permettrait.
Thomas Bowskill (Nintendo Life) : Trouves-tu que la Wii a respecté les espérances des premières présentations, quand tu as imaginé comment l'utiliser?
KE: Il y avait peut-être des impressions à la fois positives et négatives. Un aspect qui m'a plu fut lorsque l'on a pensé à la difficulté de créer un tel "pad", j'ai senti que c'était plutôt bien !
Au vu du marketing initial que Nintendo a présenté, certaines personnes ont du surestimer ce que la wiimote pouvait réellement faire. Pour eux, peut-être que cela ne correspond pas aux attentes. Mais c'est juste pour eux, alors que personnellement j'ai su dès le début à quoi m'attendre. Je n'ai donc pas le même problème.
TB: Trouves-tu difficile le marketing et la vente de jeux sur le service Wiiware ?
KE: Marketer un jeu online et un jeu en boite est totalement différend. Avec un jeu physique tu n'auras réellement que 2 ou 3 semaines pour vendre ton jeu par le biais de publicités, comme la TV ou les panneaux d'affichage (NDT : au Japon les pubs de jeux se font aussi sur sur des panneaux géants, comme ceux que l'on a pour annoncer le Carrefour du coin). Par contre, et comme je l'ai mentionné plus haut, les jeux online sont là pour une plus grande durée et donc le marketing est différend.
AR: Ok, une dernière question – Les gens disent que votre série "D" était un excellent survival horror. Mais que penses-tu de Resident Evil 5 maintenant qu'il est devenu plus "action" que "survival" ? Est-tu déçu du changement de direction maintenant que Shinji Mikami est parti ?
KE: Effectivement, comme tu l'as mentionné, le jeu est parti sur un côté plus action. Bien sur, la raison vient avant tout des changements du marché, donc je comprend pourquoi c'est arrivé. Mais j'aurais vraiment voulu avoir un jeu aussi effrayant que les premiers ou le sentiment de peur reste en moi. Aujourd'hui, les gens qui y jouent perdent ce sentiment de frayeur, oubliant à quel point ces jeux l'ont été, ou le sont encore.
Je me rappelle du film Alien – le premier était si effrayant, je l'ai adoré ! Seulement le second était plus orienté action, et tout le monde l'a préféré. Moi j'aime le premier !
TB: Est-ce que la Wii te donne de meilleures possibilités en terme d'immersion pour un jeu d'horreur avec ses retours et ses contrôles ?
KE: Si tu pouvais attacher la Wiimote à ta tête tu pourrais avoir encore plus d'interactions, comme acquiescer pour faire oui ou secouer la tête pour faire non ! *rires* Il n'y aurait aucun problème à ne pas savoir avec qui tu parles, on pourrait faire un jeu effrayant.
AR: As-tu vu The Grudge sur Wii? Tu y utilises la Wiimote pour diriger la lampe torche.
KE: Ah...*pause*...ah, oui, oui, oui.
AR: Ca fonctionne super bien et c'est très effrayant ...
KE: Ah oui, mais mon idée de "dire Oui ou Non" est siiiii effrayante, tout spécialement quand on parle avec une femme qui demande "Où étais-tu la nuit dernière ?!" Ca fait teeeeellement peur ! *rires* Maintenant c'est CA l'horreur !
MM: Que penses-tu du Vitality Sensor ?
KE: Ah oui, ce serait vraiment génial pour les jeux d'horreur !
AR: Bien sur, si tu es trop relax, il y aurait plus de fantômes pour te sauter dessus ... et quand tu fais ta crise cardiaque, les fantômes prennent la fuite !
Voilà c'est la fin de l'interview. Vous aurez remarqué certains délires à la limite du compréhensible que l'homme se tape. Inutile de se sentir bête car on ne comprend pas, Kenji Eno a toujours été comme ça. Il a des délire que personne ne peut suivre, et c'est ce qui en fait un créateur unique.
Pour ma part ce que je retiens en plus de son sens de l'humour, c'est que l'on ne reverra plus Laura snif.
L'interview en anglais se trouve
ICI, n'hésitez pas à aller la voir pour les photos et autres.