Ridley Scott de poche !!!
La Mort a toujours été un élément important dans les jeux vidéo, mais ces dernières années, elle se cantonne à un rôle relativement secondaire. Ses ennemis mortels, la sauvegarde et la barre de santé qui se régénère, l'ont relégué au statut de comparse. Comme on ne la craint plus, elle n'est qu'un inconvénient mineur, un nid-de-poule sur la route lisse qui vous emmène jusqu'à la ligne d'arrivée.
Pourtant, certains développeurs refusent de laisser la Mort végéter et ronger son frein en coulisse. Ils lui donnent un rôle essentiel en la rendant à la fois terrifiante et éducatrice. Demon's Souls et les titres qui s'en rapprochent nous ramènent à une époque où les jeux n'avaient pas peur de tuer les joueurs. On mourrait ; on apprenait ; on faisait plus attention ; on s'améliorait.
Le meilleur évangéliste de cette mentalité rétro est indiscutablement WayForward, dont le récent Bloodrayne : Betrayal faisait bouillir les sangs avec sa difficulté impitoyable. Aliens : Infestation du même WayForward est légèrement plus facile, mais toujours impitoyable : quand on parvient à atteindre une pièce où l'on est en sécurité, on pousse un immense soupir. Quand le compteur de vie est si entamé qu'un seul coup de queue d'un Alien suffirait à le vider totalement et qu'il faut encore franchir une longue pièce au prix de multiples acrobaties pour se mettre en sécurité, la joie et le soulagement que l'on éprouve, quand on entend les portes métalliques se refermer derrière soi, confinent à l'euphorie.
Infestation s'inspire d'Alien 3 d'Acclaim et des premiers jeux Metroid (qui empruntait tout à Alien sauf son nom), mais il donne l'impression d'être un peu plus lent, principalement à cause des mouvements très calculés des personnages. Il ne vous faudra en effet pas longtemps pour comprendre pourquoi vous devez prendre votre temps. Un appui sur un bouton spécifique vous permet de courir, mais vous ne l'utiliserez que pour vous enfuir.
WayForward crée immédiatement une atmosphère pesante autour de l'USS Sulaco, dans lequel commence votre aventure. Les raclements métalliques et les sifflements s'accompagnent d'une musique synthétique menaçante et créent dans les premiers niveaux une tension lancinante, même si le procédé est le plus éculé qui soit. (je jouais dans le noir avec le son du casque poussé à fond et je me suis totalement laissé envoûter.)
Cela dit, les secousses ne tardent pas à être bien réelles. Les Aliens ne sont pas particulièrement effrayants en eux-mêmes - du moins nous sommes-nous habitués à leur apparence - mais le seul fait de savoir tous les dégâts dont ils sont capables fait grimper en flèche le rythme cardiaque à chaque fois que l'on pénètre dans une pièce. En plus des Aliens standard, il y a les bestioles grouillantes, qui vous collent au visage après s'être propulsées hors de leurs cocons ovoïdes, et celles qui éclatent la cage thoracique de leurs hôtes et poussent des cris horribles en fonçant sur vous à la vitesse de l'éclair. Si l'objectif était de créer la même intensité que la suite du film de James Cameron, WayForward peut considérer avoir atteint son but.
Vous commencez avec une équipe de marines composée de quatre membres, dont les personnalités sont esquissées par le biais de brefs dialogues, qui varient en fonction du personnage que l'on incarne. Mass Effect vous intéressait à la personnalité de vos coéquipiers grâce à des histoires étoffées et de longues conversations et, même si ce ne sont ici que des personnages caricaturaux en comparaison, leur mort vous affecte tout autant.
Il est facile de s'attacher à ceux que l'on parvient à conserver en vie pendant un certain temps et certains maniaques auront de la peine à concilier leur volonté de garder tout le monde en vie et la nécessité d'avancer. Vous voulez tous les sauver ? Dans ce cas, si l'un d'eux se fait descendre, il vous faudra effacer votre unique fichier de sauvegarde et tout recommencer à zéro.
Rérérences aux films
Des soldats pouvant potentiellement remplacer les membres de votre équipe sont disséminées dans les niveaux labyrinthesques, mais leur nombre n'est pas infini et, pour rejoindre certains d'entre eux, il faut traverser des couloirs et des espaces restreints infestés d'Aliens. Les améliorations pour les armes, fréquemment planquées dans des recoins éloignés de la carte, encouragent aussi à explorer complètement l'environnement. Repérez une écoutille qui ne demande qu'à être explosée par une grenade, et quelques minutes plus tard, vous pourrez éventuellement bénéficier d'un lance-flammes plus puissant.
Wayforward comprend que la récompense doit aller de pair avec le risque, car ce genre de promenade exploratrice vous éloigne à la fois de votre destination et des points de sauvegarde. La régénération des ennemis, chose si souvent irritante, fait partie des éléments essentiels de la conception d'Infestation : une façon de rappeler que quel que soit l'endroit l'on est, on ne peut pas se permettre de se reposer sur ses lauriers.
L'efficacité de cette conception se reflète dans la réutilisation parcimonieuse de certains éléments : des visites répétées du Sulaco avec de nouveaux outils ouvrent à chaque fois un peu plus ce labyrinthe complexe. Même si certains décors donnent l'impression d'être toujours un peu les mêmes, le soin apporté aux détails est remarquable.
L'amour et le respect pour le patrimoine d'Alien se manifestent au travers de nombreuses références - le « space Jockey » de Giger apparaît en arrière-plan, de même que le vaisseau extraterrestre abandonné sur LV-426. Si vous battez le second boss, vous débloquerez un excellent mini jeu basé sur l'exercice d'adresse au couteau de Bishop. Il y a également un combat entre une reine et un marine aux commandes d'un exosquelette robotisé. Tout cela prend vie grâce à de splendides petits personnages : c'est le genre de jeu auquel ressemblaient tous les jeux 16 bits dans l'imagerie idéalisée de notre mémoire, et WayForward s'y entend pour faire vibrer la corde de notre nostalgie.
Il y a quelques concessions à l'accessibilité, comme les fusées de détresse avec lesquels vous pouvez marquer des endroits importants, des boîtes de munitions, des kits de premiers secours, ou des survivants qui ne pourront rejoindre votre équipe que lorsque l'un de ses membres sera abattu. On retrouve aussi des éléments de survival/horreur dans le design, à savoir la rareté des munitions et l'ajout d'un compteur d'énergie, ce qui conduit souvent à des batailles désespérées où l'on repousse les Aliens avec un pistolet de faible puissance en espérant avoir assez d'énergie pour piquer un sprint jusqu'à un endroit sûr. Il est même possible de souder des portes pour empêcher des Aliens de vous poursuivre à travers le vaisseau, ce qui donne lieu à des moments intenses, lorsqu'on balaye frénétiquement du pouce l'écran sensitif afin de bloquer une issue avant que l'adversaire ne s'y engouffre.
Les rencontres avec les ennemis humains sont moins convaincantes et cassent le rythme avec des séquences monotones et répétitives. Il faut se mettre à l'abri derrière des caisses en attendant que les aliens se lèvent pour les descendre à l'aveugle. Il faut répéter l'opération au moins deux fois avant qu'ils ne s'écroulent et il faut généralement passer deux ou trois fois par cette même séquence dans une même pièce - c'est un procédé éculé qui rend encore plus énervant le retour en arrière et la régénération. Il y a aussi un exemple frappant d'une façon de sauvegarder particulièrement médiocre en début de jeu.
Quoi qu'il en soit, les fans des films de Scott et Cameron seront ravis de la recréation en miniature de cet univers emblématique, et ceux qui bavent d'envie à la pensée d'un 2D Metroid (il faut bien voir la vérité en face : il est peu probable que Nintendo nous en donne un dans un avenir proche) seront tout aussi satisfaits. En continuant à donner beaucoup de travail à la Mort, il semble que WayForward ait trouvé un moyen pour préserver un peu plus longtemps la DS des ravages de sa faux.
8/10
posted the 10/03/2011 at 08:42 AM by
dedoc
ps: la 3ième image avec le véhicule est une vidéo de gameplay.