Amis geeks, amis scientifiques, amis scientigeeks !
Après moult tergiversations dûes au stress du premier post (c’est l’angoisse de la page blanche version 2.0), je suis tombé sur Phylo, et je me suis dit que c’était trop beau pour être vrai, tellement c’est dans notre coeur de cible, comme on dit chez ceux qui gagnent des sous.
Phylo, kézako ? A la base, si j’ai tout bien suivi, c’est un projet de l’université McGill, au Canada, qui utilise des données de l’Université de Santa Cruz, en Californie. L’idée directrice c’est d’utiliser les capacités d’organisation « innées » du cerveau humain (je mets inné entre guillemets, parce que si vous observez bien l’image ci-dessus, je me suis quand même méchamment vautré niveau score) (disons donc inné, ouais, mais pas pour tout le monde quoi).
La plupart des études en biologie évolutive, que ce soit en recherche fondamentale ou appliquée, reposent sur l’alignement de séquences d’ADN entre espèces. Pour faire vite, simple et sale, on prend deux séquences d’ADN provenant de deux espèces différentes, plus ou moins proches, et on essaye de les faire concorder le plus possible (les A en face des A, les T en face des T, bref, passons).
Le problème ici, c’est que pour aligner des séquences, y a deux méthodes : on peut utiliser un algorithme qui nous retournera rapidement un résultat potable (i.e. qui n’est pas forcément le meilleur, le « bon »), ou un algorithme qui nous retourne le meilleur alignement possible, mais qui prend un temps fou. Y a un trade-off, quoi.
Les petits malins de McGill ont essayé de contourner le trade-off, ces fripons. Ils sont pour cela partis du constat que les humains étaient naturellement (par rapport à l’escargot lambda, s’entend) doués pour réorganiser des arrangements géométriques, surtout par rapport à un modèle, et que bien souvent le résultat d’un alignement effectué par un humain était en fait le résultat optimal. Les développeurs de Phylo ont donc décidé d’utiliser ce don : ils sont allées chercher un énorme paquet de séquences dans des génomes aussi divers que variés, et ont fait un jeu à partir de ça.
Dans Phylo, chaque nucléotide d’une séquence d’ADN est remplacé par un carré de couleur, et une séquence ressemble donc au jeu de cubes d’un gamin pas très doué. Dans une partie, on vous balance d’abord deux, puis trois, quatre, etc. séries de carré comme ça, et votre but est alors de les aligner les unes respectivement aux autres afin d’obtenir un maximum de similitudes entre deux séries. Votre score est alors comptabilisé, vous pouvez même le comparer aux résultats des (rares, nous y reviendrons) autres joueurs, et le résultat de votre alignement est enregistré par le serveur pour servir aux chercheurs. A partir de là, j’imagine que ces derniers doivent effectuer une comparaison de tous les alignements obtenus par les joueurs pour deux séquences données afin d’en déduire l’alignement optimal, mais ce ne sont que supputations (dites donc, restez polis) de ma part.
En bref, Alex Kawrykow et Gary Roumanis (les développeurs) ont conçu un jeu censé à la fois amuser l’internaute et servir la recherche. Cool, non ? Le petit souci là-dedans, c’est qu’en fait de jeu, bah Phylo, c’est pas si fun que ça. Ca va bien 5 minutes, c’est un petit puzzle-game assez sympa, mais sans vraiment de variété (ça c’est assez logique cela dit, avec 4 nucléotides et des séquences prédéfinies c’est pas facile de faire du Frozen Bubble), sans but véritable, et finalement sans challenge (ça c’est juste moi qui le rajoute parce que je sui vexé comme un pou du fait de mon score minable). Le truc qui pourrait le sauver c’est qu’il est normalement possible de comparer son score à ceux de la communauté. Sauf que la communauté, en fait, ben c’est pas grand-monde, d’où un manque de challenge là encore.
Mais enfin, ne boudons pas notre plaisir, ça reste un jeu qui sert la science (et c’est sa joie) (reprise honteuse du titre de l’article, oui oui), et ça c’est bien. En plus si toi, jeune thésard qui me lis peut-être, tu te fais gauler en train d’y jouer au labo, tu pourras toujours prétendre être en fait tout à fait actif scientifiquement (et ça complètera agréablement l’excuse bidon que tu as sur ta tasse à café).
J’allais oublier la petite cerise sur le gâteau : les séquences utilisées dans Phylo n’ont pas été prises au hasard. Chez l’Homme, elles correspondent à des zones du génome étroitement corrélées à des désordres génétiques divers (chez les autres espèces, ce sont les zones supposées homologues à celles de l’Homme). Donc non seulement vous travaillez pour la science, mais aussi un peu pour sauver des vies (zêtes un peu le Superman du web, quoi). Et (petite touche de glaçage sur la cerise sur le gâteau) (faut toujours que les pâtissiers en rajoutent) vous pouvez même choisir le type de maladie auquel seront associées les séquences que vous allez manipuler. Magnifique, non ?
Sur ce, à bientôt !
Source:
Scientigeek