Tout en haut, était griffoné un «zéro, point d'exclamation», agrémenté d'un violent «H.S!» en rouge.
Bleue et Klaus éclataient de rire. Ils parcouraient la jeunesse de cet homme, dont l' absence en ce monde les rendaient plus malheureux que jamais.
-Mazi a dut adoré la comparaison avec l'astre inutile, remarqua Klaus.
Bleue sourit comme une bulle éclate au soleil. Elle renaissait en même temps que Lucien.
-Il faut avouer que Baudelaire était bien choisi, non?
Il acquiesça.
-La femme stérile... Il me semble que c'est ça la vrai suite du poème.
-J'oubliais que Mazi était stérile. C'est son mari, le fameux prof de SVT qui nous l'avait fait remarqué, tu te souviens? On restait des heures dans sa salle de classe, tous les trois. Il a finit par nous raconter sa vie.
-Mmh. Stérile comme la mère de Socrate, la Mazi.
-C'est pour ça qu'il en parle au début de la rédac?
Klaus secoua la tête.
-Sais pas. Peut-être. Il a toujours été plein de mystères. La rédac parait pourrie à première vue, mais je suis sûr qu'elle en dit long.
Bleue, qui ne considérait pas tellement la rédaction comme «pourrie» ne répondit rien. Un silence plein de doutes s'installa entre eux. Toutes choses extérieures leur importait peu, à présent. Ils se consolaient mutuellement. Ils parlaient du passé comme pour «réveiller» Lucien, le ramener à la vie. Au fond, si eux étaient vivants, Lucien n'était pas tout à fait mort, non? Nous ne mourrons pas tant que ceux qui nous ont aimé se souviennent de nous. L'oubli de ceux-ci est notre véritable perte.
-Les Romains, disait souvent Mme Michel, ont l'esprit tourné vers la postérité. Ils voyaient déjà le futur, ils leur semblait capital de préserver une marque d'eux sur Terre . Leur mégalomanie allait surpasser le Temps lui-même, lui qui pourtant avait annihilé Athènes et tant d'autres brillantes civilisations avant et après elle... Il est certain qu'ils ont plutôt bien réussi, n'est-ce pas?
Sur quoi la bouche des élèves demeurait béante.
-Mais, madame, ne croyez-vous pas que c'était inutile? ne pouvait s'empêcher de demander Lucien. Je suis persuadé que tout le monde laisse une marque. Tout le monde, madame, même si on n'est pas un génie comme Einstein, ni un révolutionnaire d'exeption, du style Lénine ou Che Guevara, ni un grand artiste comme Kurt Cobain, ou...ou, je sais pas, moi, Pierre-Paul Rubens, Gustav Klimt, Van Gogh...
La prof sourit, bienveillante (le don de passer du chanteur d'un groupe de rock à un célèbre peintre baroque, Lucien en était l'unique détenteur.)
-C'est vrai. Chaque être humain, si infime soit-il, laisse sa trace dans l'Histoire.
Nous ne périrons jamais plus.
Raccrochés à cette espoir, Bleue avait des photos.
Klaus un tableau.
Leur objectif s'apellait le Louvre.
Immortaliser leur Lucien.
Crever dans l'oubli, eux peut-être, mais pas lui.
Vous aussi, quand quelqu'un que vous aimiez mourra, n'oubliez pas de lui rendre hommage, ne serai-ce qu'en pensant à lui, ou en lui faisant des enfants, afin que les traits de son visage ou de son esprit soient conservés dans sa descendance.
Le monde entier est un prolétaire, sans aucune distinction de classes: son unique possession reste sa descendance et, peut-être, sa pierre tombale.

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posted the 03/19/2006 at 02:19 PM by
asukaaa
Il a une chevelure blonde à la Kurt Cobain et il lit Bernard Werber.
Il pleure, il pense et il rit.
Il joue de la guitare et découvre la subtilité des choses en écoutant Jeff Buckley.
Après, je ne sais pas.