Le Carrefour de l'animation, organisé par le Forum des Images, s'est tenu le week-end dernier à la Cité des sciences et de l'industrie. Sa quatrième édition était au confluent des mondes de l'animation et du jeu vidéo.
Michel Ancel est l'un des rares créateurs français à avoir acquis une stature internationale dans un secteur où dominent largement les Etats-Unis et le Japon. Ce grand gaillard de 34 ans dirige le studio montpelliérain d'Ubisoft. Entré voici 18 ans, il y a notamment donné naissance à Rayman, héros sans membres du jeu de plateforme éponyme.
Je ne veux pas spécialement que mon nom figure sur un jeu mais c'est dommage car c'est potentiellement, pour Ubisoft en tout cas, une marque qui se crée et qui pourrait être utilisée.
CHEVALIER DES ARTS ET LETTRES
C'est la reconnaissance d'une forme d'art dans le jeu vidéo . Pour le jeu vidéo c'est plutôt positif, surtout si s'ensuivent des actions qui en favorisent le développement en France.
Soucieux de ne pas se répéter, même si un Rayman 4 est en chantier depuis octobre et doit sortir en fin d'année, Ancel est également le père du très beau Beyond Good and Evil, sorti en 2003 mais dont la performance commerciale s'est révélée décevante.
La qualité du jeu lui a toutefois valu l'estime du cinéaste néo-zélandais Peter Jackson, qui lui a confié le développement de King Kong, jeu sorti à la fin de l'année dernière en même temps que l'adaptation par Jackson du long métrage de 1933 de Merian Cooper et Ernst Schoedsack.
King Kong, le jeu, fut une production lourde, dotée d'un budget qui a atteint les 20 millions d'euros, réparti pour moitié entre la création proprement dite et le marketing.
J'ai le sentiment qu'il y a un problème inexorable dans le coût qu'un jeu peut représenter pour être mis sur le marché , dit Ancel à propos de l'envolée des budgets des jeux vidéo.
Les prix des jeu vidéo, surtout en France, sont notoirement élevés et Ancel juge que le joueur devrait avoir la possibilité réelle de pouvoir tester le jeu avant de s'engager dans un achat.
La découverte à 60 euros (prix d'un jeu pour console), c'est 'hard (...) Il y a un format de diffusion à trouver qui permettrait d'éviter ces coûts énormes, c'est une industrie qui se cherche des modèles et l'une des clés est la qualité et l'innovation, tout le monde est d'accord là-dessus.
Malgré ce consensus, le jeu vidéo comme d'autres formes de création, tend déjà à répéter les formules qui marchent commercialement, d'où le phénomène des suites directement inspiré du cinéma.
C'est peut-être un problème d'équilibre, de stabilité à la fois au niveau du modèle économique et vis-à-vis des développeurs, juge Ancel qui évoque une phase de transition où l'on passe
d'un système artisanal à un système industriel, et donc le système artisanal commence à subir les diktats de l'industrie.
S'il estime que les investisseurs doivent prendre des risques mesurés, il remarque également que pour ce qui concerne les auteurs, que
ce n'est pas parce que la technologie évolue que l'on a de meilleures idées.
La conception d'un jeu vidéo doit faire face à un problème technique qui lui est propre, à savoir la multiplication des supports sur lesquels il peut être adapté : consoles de salon, consoles portables, PC, téléphones mobiles.
La multiplication des interfaces est un problème et on s'aperçoit qu'il est préférable de se concentrer sur une seule interface, dit Ancel. L'interface, par lequel il désigne d'une manière générale les supports ou périphériques de jeu, privilégiée actuellement est celle des consoles, là encore
pour une histoire de marché.
La technologie évoluant très vite,
on ne sait pas comment on va jouer dans cinq ans mais on sait très bien que ça passera par une simplification des interfaces.
Un problème sur lequel se penchent aussi bien des groupes tel qu'Apple Computer, Microsoft, Nintendo, Sony que des universités, observe Ancel.
Pour finir, Michel Ancel, au lendemain de la présentation de la manette Revolution :
Je me sens juste comme un enfant avec un nouveau jouet, ouvrant la porte à des millions de possibilités. Plus qu'une amélioration, cette façon de jouer est en train de créer une nouvelle dimension. C'est simple, quand Nintendo a dévoilé son hardware, tous les membres de l'équipe ont commencé à avoir des idées dingues. Ca ouvre leurs esprits. Le fait d'ajouter des mouvements 3D comme façon de communiquer avec le jeu est juste la parfaite sorte d'innovation qui peut apporter de nouveaux jeux aux nouveaux joueurs. Pour moi, il peut apporter aux consoles ce que la souris a apporté aux PC à une époque. C'est un pointeur 3D avec des informations sur la rotation ! Maintenant, vous allez pouvoir déplacer des objets virtuels, faire des signes de reconnaissance. C'est plus près de ce que l'on fait dans le monde réel, et c'est pourquoi cela va devenir un objet de masse. Je pense que les gens seront dingues avec cette habilité à interagir aussi simplement avec des mondes virtuels. J'en suis juste dingue !
Sources : Libération et nintenblog.fr