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-Tu m'as fichu une belle frousse, Klaus, dit Bleue, une fois qu'elle l'eut réanimé.
Klaus, tremblant dans ses couvertures, avala bruyament son croissant.
-Quelle idée, de fumer à jeûn depuis presque une semaine! Je crois que tu devrais penser à acheter à manger (pourquoi pas des pâtes?) plutôt que de la peinture ou de l'herbe.
Il lui lança un regard qui signifiait qu'elle n'avait décidément toujours pas changé depuis tout ce temps. Toujours à le traquer avec la fumette.
Il secoua les épaules, renifla, frissonna, puis but une gorgée de café fumant.
-Tu meures de faim, Klaus, t'en rends-tu compte? A ce rythme-là, tu vas finir par caner sur les trottoirs! Viens chez moi, tu seras nourri, loger, blan...
Elle s'interrompit. Tous les mots qui lui rapellait le blanc de l'hôpital lui pinçait le coeur. Elle ferma ses paupières, les lèvres tremblantes.
-Donc, si tu viens chez moi, tu seras beaucoup plus à l'aise qu'ici, surtout en hiver! Un réchaud ne te préservera pas du froid.
-Je suis bien, ici, murmura Klaus faiblement.
Ses joues pâles, ses yeux rougis et ses cheveux noirs en bataille l'étaient encore plus que d'habitude. Une veine partait de la racine de ses cheveux, traversait le milieu de son front pour rejoindre et irriguer finalement ses yeux.
-La peinture, c'est tout pour moi.
Il ramassa la toile qu'il avait à peine achevée mais qui demeurait sa favorite.
Bleue la contempla et ses yeux se remplirent à nouveau de larmes.
-C'est...C'était pour Lucien...balbutia-t-il.
Mais Bleue ne le regardait plus à présent. Son attention était entièrement portée au tableau. Le visage représenté était le sien, mais il était plus que son visage...Sous un angle, il était elle telle qu'un ami la voit; sous un autre, il était elle comme le miroir la reflète . Bleue se rendit compte que ce tableau était plus fidèle et moins menteur qu'un miroir. Il représentait son côté le plus sombre et le plus vicieux, presque démoniaque, autant qu'une partie de son esprit le plus angélique et le plus sain, mettant en valeur son intellect à travers l'éclat vivant de son regard. Klaus, en peignant les gens, les montrait sous leur véritable aspect. La peinture avait de multiples facettes selon les points de vues adoptés, exactement comme l'esprit de l'être humain. Il ne dessinait pas les visages, il dessinait l'âme. Bien que les portraits étaient très ressemblants, ce n'était absolument pas du réalisme. Klaus haissait le réalisme. Selon lui, Ernest Hermingway n'était «qu'une plaie dans la littérature».
C'était très irréel car impossible à discerner. Comment cet homme parvenait-il à fonder, à refouler les traits de caractères les plus profonds de l'être, ceux qu'on ne trouve que dans les abysses de l'âme?
Klaus était un post-romantique, autrement dit, un gothique. Un Baudelaire nihiliste, un sataniste amoureux de la mort. «La mort vaut mieux que la vie». C'était ça, Klaus.
Et il maniait son pinceau avec passion...
-Dans ce cas, si tu ne veux pas quitter tes toiles, je reste ici, annonça Bleue, les yeux toujours rivés sur son portrait.
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L'heure est aux ordis. Le ciel est teinté de couleurs pastels. Les collines rient. La musique vient d'en bas. Le bruit de la cuillère en bois sur la paroi métallique de la poële. Maman cuisine, je suis calme. Mes muscles sont détendus. Je flotte. J'ai des fourmilement dans tout mon corps, inhabitué à une paix si soudaine. Je me sens tellement bien...comme dans du liquide amniotique...
Mes yeux se ferment.
Je continue cependant à écrire cette histoire, dans un état second, dans mon état de perpétuelle amoureuse, perpétuelle passionnée. On écrit avec amour, sinon ce n'est que de l'écriture... Jean Cocteau a raison.
Noire tendresse.
Moi aussi, je crois que je suis une post-romantique...

Klaus c'est tellement lui, et même si ce n'est pas lui en réalité.. c'est super, j'adore ! Faut que tu mette la suite là !
tantantan trop de suspense, moi aussi j'attends la suite mdrrrr
CriZz jtm