Quand la jeune fille fut temporairement apaisée, Klaus sortit, par la porte encore ouverte. Il leva les yeux au ciel. La brise nocturne le carressait. Il avait une expression de résignation dans les yeux, un peu comme s'il pensait par l'intermédiaire des yeux. Il pensait: «La vie, c'est vraiment pourri, mais que veux-tu! Je suis toujours là, je suis blasé, écoeuré, j'ai envie de dégueuler sur tout ce qui bouge, mais je ne mourrai pas, j'ai pas envie, c'est peut-être encore plus pourri là-haut ou là-bas, nan, je reste ici...»
Il se dit que le moment était parfait: chagrin résigné, nuit noire, solitude, étoiles d'acier, regard glacial... Conditions idéales. Oui, il allait ressortir sa bonne vieille herbe bleue, son paradis artificiel, il allait faire une escale là-haut, là où rien n'est plus moche, rien n'est plus beau, mais où les ennuis n'existent pas, là où la vie est une brume, floue et douteuse comme un rêve. Il alluma la petite flamme, qui facilla faiblement dans l'obscurité. L'odeur enivrante, dégagée par la légère fumée argentée, lui fit tourner la tête. Il se sentait tellement bien! Rien n'avait changé, pourtant, le monde demeurait aussi pourri, des gens en truandaient toujours d'autre, Bush était président, vous viviez encore dans les ordures, votre meilleur ami n'avait pas ressucité lorsque la flamme avait effleuré le petit bout blanc, mais, tout de même, qu'est-ce qu'on se sentait mieux...[img=67%]http://db.cs.helsinki.fi/~hmaksima/lilith.eu.org/asuka_06.jpg[/img]
Klaus avait oublié cette délicieuse sensation, trop occupé par ses pinceaux. Il maudit les abrutis qui utilisait cette matière précieuse pour se donner un style, pour faire bien devant les copains. Il se maudit, lui jeune, il se souvint de ce temps où il en possédait à profusion et ne s'en servait qu'à des fins futiles; ce temps où il vivait dans une maison avec un toit, avec des madeleines aux goûters, ce temps perdu à jamais....
A la recherche du temps perdu...Il divaguait sur son enfance haïe, à présent.
Pfff...
-Baudelaire dira ce qu'il voudra, c'est quand même de la merde, le chite.
Et il jeta le précieux petit bout blanc qu'il tenait entre ses doigts.
La nuit restait noire.
Plus rien n'agite tes neurones
Pas même le chite que tu mets dans tes cônes
Va voir ailleurs, rien ne te retient
Va vite faire quelquechose de tes mains
Ne te retournes pas
Et si tu n'as rien
Soit le premier à chanter ce refrain...