Bernanos est un écrivain fascinant pour sa trajectoire, du franquisme à l’anti-franquisme pour finir dans les bras de la religion, voire du mysticisme. J’en avais parlé lorsqu’il était question de l’uniformisation des mœurs.
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La facette que j’aimerais aujourd’hui explorer n’est pas celle du mystique, ou de l’homme ayant une grande foi dans la religion et ses dogmes, mais celle du politicien ou de l’économiste. De grands mots qui peuvent prêter à rire lorsque l’on sait que Bernanos reste avant tout un écrivain, qu’il n’a pas été formé par quelques écoles prestigieuses.
Il n’en demeure pas moins que Bernanos, en son temps, avait déjà senti le danger de la spéculation bancaire (tout comme Zola l’avait évoqué dans L’Argent, encore avant lui. Preuve que le clivage "gauche-droite" n'a aucun sens et que des hommes avec des sensibilités politiques différentes peuvent se retrouver sur certains points cruciaux, dans l'intérêt général.). Dans son livre La Grande peur des bien-pensants, Bernanos analyse de la pensée de Drumont, il évoque dans un passage le problème de la spéculation qu’il juge sérieux et développe sa pensée pour démontrer qu’il ne s’agit pas là d’une attaque des riches (credo idiot et simplificateur au possible de l’extrême-gauche actuelle), de grandes sociétés françaises furent riches et développèrent des régions économiquement parlant en embauchant, mais le pouvoir que confère la spéculation.
Bernanos oppose ainsi deux notions : le pouvoir et la propriété. L’écrivain croit en la propriété, il la respecte. Chacun peut posséder : un bout de terre, une maison, etc. La spéculation sort du cadre de la propriété puisqu’elle se transforme en pouvoir déstabilisateur. Déstabilisateur pour les nations et pour les peuples.
«
C’est une amère plaisanterie que de prétendre qu’en parlant ainsi, j’attaque la Propriété. J’accepte très bien, et la plupart des ouvriers acceptent très bien avec moi, qu’il y ait des millionnaires. Seulement, la question change lorsqu’on se trouve en présence de gens qui, comme les Camondo, les Cahen d’Anvers, les Bamberger, les Ephrussi, les Heine, les Mallet, les Bichoffsheim, ont 200, 300, 600 millions acquis par la spéculation, qui ne se servent de ces millions que pour en acquérir d’autres, agiotent sans cesse, troublent perpétuellement le pays par des coups de Bourse.
Ce n’est plus une propriété, c’est un pouvoir, et il faut le supprimer quand il gêne. Le comte d’Armagnac était incontestablement propriétaire par droit d’héritage du comté d’Armagnac, et Louis XI n’a pas hésité une minute à lui confisquer son comté. Louis XI n’admettrait pas plus qu’un Rotschild ait trop de milliards qu’il n’admettait qu’un seigneur féodal eût trop d’homme d’armes chez lui. Le pouvoir d’un financier qui a trois milliards est autrement redoutable que le ne serait ce pouvoir d’un seigneur disposant de quelques milliers d’homme d’armes. ».
Bernanos a subtilement compris le pouvoir de la spéculation, pouvoir hautement plus redoutable que celui des armes. Les forces d’attaque ne portent plus de cottes de mailles mais sont des traders spéculant sans cesse, s'enrichissant sur la dette des états (Goldman Sachs avec la Grèce), obligeant des peuples à vendre des parties de leur terre (les îles grecques vendues aux plus offrants comme de riches émirs). Bernanos nous montre par une telle sortie que l’on peut être croyant et garder les pieds profondément ancrés dans la réalité la plus immédiate.
Bernanos, La Grande peur des bien-pensants
J'approuve.
Nous avons des système sociaux qui peuvent marcher à merveille mais qui ont aussi naturellement des failles.
Ceux qui en abusent à ce point en déséquilibrant cette magnifique machine ne sont que relativement conscients de ce qu'ils font en réalité ( même en élaborant des stratégies complexes, les fins restent les mêmes et sont intrinsèquement des écueils: aux autres hommes de les en empêcher, c'est à priori de leur devoir).
Les maîtres du monde sont les premiers dominés, par ce pouvoir plus fort que le plus trempé des caractères humains.
L'homme tel qu'il est jusqu'à présent, l'histoire le prouvant continuellement, ne semble pas apte à se hisser au niveau de responsabilité(s) nécessaire (conscient,moral,et de fait intellectuel) pour être au contrôle de si importants pouvoirs.
Si l'humanité était naturellement faite pour un telle hiérarchie intrinsèque, ces aberrations seraient l'exception.
Il nous faudra alors évoluer, car nos puissants montrent leurs extrêmes limites quand ils sont aux "manettes" (cela reste une métaphore car de toute façon, la notion d'individu dans notre espèce est totalement hypertrophiée par rapport à sa réalité, bref ...).
Cette "faiblesse de caractère" particulière récurrente chez l'homme ne nous permet pas d'avoir de VRAIS leaders innés ou définis, c'est pourquoi toute hiérarchie humaine autre que fonctionnelle est un leurre (il en est d'ailleurs peut-être mieux ainsi).
Au fait, un livre pour tous sur l'économie, facile à lire:
ECONOMIX de Michael Goodwin (dessin Dan E. Burr) !
(bon, c'est un ricain, donc il voit les français d'une manière un peu particulière, mais ce livre doit être dans les mains de tous !!)