Introduction
Malgré l’arrivée de la télévision puis d’Internet, la lecture sur papier subsiste, et semble même retrouver du tonus ces dernières années. Les ventes de romans se portent plutôt bien, le monde de la presse marche toujours bien, les livres autobiographiques décollent… Et même les adolescents continuent de lire grâce aux sagas littéraires fantastiques telles que Harry Potter ou Twilight qui connaissent un véritable carton. En tenant compte de ces éléments, on pourrait croire que les plus gros lecteurs du monde sont américains ou européens… et pourtant, d’après des études, les plus gros lecteurs du monde sont incontestablement les japonais ! Et pourtant, là-bas les romans connaissent un succès très modéré, il en va de même pour la presse comme on la connaît en Europe, et les sagas fantastiques pour adolescents marchent bien certes, mais pas plus qu’ailleurs. C’est un autre phénomène quasiment exclusif au Japon qui font des japonais les plus gros lecteurs du monde : le manga. Un phénomène impressionnant qui ne connaît que peu de semblables dans le monde. La preuve, plus de 60% des japonais lisent au moins un chapitre de manga par semaine. Petit tour d’horizon de ce qui est incontestablement un des fondamentaux de la culture japonaise.
I/ Historique
Le manga, ce n’est pas si vieux que certains peuvent l’imaginer. Alors bien sûr, les origines sont lointaines. L’ancêtre du manga est l’emakimono. Il s’agissait d’histoires assez courtes, écrites sur des rouleaux pendant la période Nara. On utilisait alors à l’époque de la peinture. L’histoire était dévoilée au fur et à mesure que le rouleau était déplié. Ce n’est qu’au début du XXème siècle que le manga se rapproche réellement de ce qu’il est aujourd’hui. Dans les années 1900-1910, de premières histoires furent écrites sur papier. Le dessin était encore loin de ce qu’il est aujourd’hui, et tout était à l’époque très coloré. Pendant la seconde guerre mondiale, le style est de plus en plus influencé par les comics. C’est finalement après la guerre, lors de la reconstruction du Japon que le manga moderne prend naissance.
Cependant, le manga sous sa forme moderne ne date pas de bien plus d’un demi-siècle. On considère ainsi que l’œuvre fondatrice du manga moderne est Astro Boy (débuté en 1952) de maître Osamu Tezuka. Les magazines de prépublication quant à eux se sont surtout développés dans les années 1970 et 1980, et le phénomène n’a cessé de prendre de l’ampleur jusque dans les années 1990, à un rythme très impressionnant Ainsi en 1993, le Weekly Shônen Jump qui accueille alors des grandes séries comme Dragon Ball ou Slam Dunk, dépasse même le tirage hebdomadaire de 6 millions d’exemplaires, ce qui reste un record. Au milieu des années 1990, il se vend alors environ 20 millions de magazines de prépublication et 5 millions de tomes reliés chaque semaine !
Et puis le manga a connu une petite récession au Japon. La cause principale était évidemment l’arrivée d’Internet. Malgré leur prix faible, c’est les magazines de prépublication qui connaissent les plus fortes chutes. Cependant, les tomes reliés continuent à bien se vendre, car ils sont toujours considérés comme des objets de collection que des fichiers scannés ne peuvent remplacer. Cependant, le public du manga continue de s’étendre, notamment en ce qui concerne l’âge des lecteurs. Ainsi, les seinen et les josei ne cessent de se développer et de se vendre de mieux en mieux. On y retrouve probablement les lecteurs des shônen populaires des années 1990 qui continuent de lire des manga. Aujourd’hui, il se vend chaque semaine environ 12 millions de magazines de prépublication pour toujours 5 millions de tomes reliés. Soit plus de 600 millions de magazines et plus de 250 millions de tomes par an. Le tout pour 130 millions de japonais seulement…
II/ Les magazines de prépublication
Le système de publication du manga au Japon est assez unique. Avant d’être publiés en tomes reliés, les manga sont prépubliés dans des magazines hebdomadaires ou mensuels. Les magazines principaux regroupent ainsi une vingtaine de manga différents, publiant à chaque numéro un chapitre d’une vingtaine de pages de chaque manga pour les magazines hebdomadaires et parfois d’une quarantaine de pages pour les magazines mensuels. Le magazine totalise donc en général au moins 500 pages, et certains mensuels atteignent parfois les 1000 pages. Ça ressemble plus à des annuaires téléphoniques qu’à un magazine en fin de compte… Pour inciter à l’achat de tomes reliés, les éditeurs de ces magazines de prépublication utilisent volontairement du papier de mauvaise qualité. Cela permet également de réduire le prix du magazine. Pour les principaux magazines de shônen qui font dans les 500 pages, ils sont vendus à un prix inférieur à 2 euros ! On est bien loin des magazines de 150 pages à 6 euros qu’on voit souvent en France… Et pourtant, on ne peut pas vraiment dire que la masse de travail est moins importante, bien au contraire…
Deux remarques sont à faire sur ce système. D’abord, il faut parler du rythme de parution. Un chapitre de 20 pages chaque semaine, cela fait plus de 1000 pages par an. Un rythme infernal qui n’a absolument rien à voir avec le rythme de parution des bandes dessinées européennes. En même temps, on sait tous que les japonais sont de gros travailleurs, donc ça n’étonnera personne. Ce rythme met ainsi sous grosse pression la plupart des mangaka et leurs équipes d’assistants. De plus, le fait de regrouper les manga dans un même magazine favorise énormément la concurrence. Chaque semaine, l’ordre d’apparition des séries dans le magazine est déterminé par sondage. Ainsi, un manga dont le succès en tomes reliés est faible par rapport au magazine en question et qui se retrouve loin dans ce même magazine est rapidement menacé d’arrêt, pour laisser de la place à de nouvelles séries. Il s’agit donc réellement d’un système hautement concurrentiel. Et évidemment, la concurrence favorise la qualité. Même si c’est forcément cruel pour certains auteurs et certains lecteurs…
La seconde remarque est sur la forme du magazine. Un magazine de plus de 500 pages imprimé sur un papier de mauvaise qualité, c’est un magazine qui n’est pas vraiment fait pour être conservé et collectionné. Ainsi, les magazines passent souvent de main en main. Les écoliers se les font ainsi passer pendant les récréations, et des magazines se retrouvent aussi abandonnés dans les lieux publics comme les trains, les salles d’attente… et encore une fois, un même magazine passe parfois de main en main, et de nombreuses personnes lisent régulièrement des magazines de prépublication sans jamais les acheter. Plus qu’une perte financière pour les magazines, c’est un système encouragé par ces derniers puisque ça permet d’augmenter l’exposition des séries publiées et de favoriser les gains par la publicité. Ainsi, le système d’un gros magazine peu cher imprimé sur du papier de mauvaise qualité est extrêmement bien pensé : cela permet que les ventes de tomes reliés restent bonnes (car ce sont plus des objets de collection que les magazines), cela permet de réduire les coûts et donc de favoriser les ventes, et le fait qu’ils ne se conservent pas augmentent encore leur exposition.
III/ Le manga dans la culture japonaise
Le manga n’a pas la même image au Japon qu’il n’a dans le reste du monde. Au Japon, le manga n’est pas vu comme une passion d’adolescents et un milieu fermé aux adultes. Et le manga semble s’étendre à un public de plus en plus large au Japon. D’ailleurs, même les femmes adultes sont de grandes consommatrices de manga ! Ainsi, le josei (manga pour public féminin adulte) le plus populaire actuellement au Japon, Nodame Cantabile, se vend à 1,5 millions d’exemplaires à chaque tome. Même les enfants ont le droit à leurs manga. Doraemon, le plus célèbre d’entre eux, a totalisé plus de 120 millions de tomes vendus au Japon.
Plusieurs phénomènes liés au manga sont à présenter. Evidemment, tous les produits dérivés des manga forment une industrie majeure au Japon. Les animés adaptés des mangas sont omniprésents au Japon, un phénomène unique au monde. Ainsi, même sur les grandes chaînes nationales, des animés sont diffusés le soir et même parfois en prime time. Les principaux manga ont aussi généralement le droit à de nombreuses adaptations en films (qu’on appelle film « live ») qui représentent une bonne part des entrées dans les cinémas japonais. Les nombreux goodies liés au manga sont aussi un énorme commerce. Lorsqu’un japonais est fan d’un manga, il aime le montrer, et possède des figurines, des coussins, des draps à l’effigie du dit manga. On estime que les produits dérivés des manga engendrent au moins deux fois plus d’argent que l’industrie du manga elle-même.
Enfin, d’autres éléments sont à remarquer. Toujours dans le pur fanatisme, le cosplay est évidemment une activité très développée au Japon. Au-delà de ça, sans porter pour autant de tenue, de nombreux japonais se disent influencés dans leur comportement par les héros de leurs manga préférés. De nombreuses mimiques passent même comme un vrai code entre les adolescents japonais. Un peu comme les petites expressions des one man show en France par exemple (« j’adore les sushis », « ça, c’est fait »…). Il existe aussi des établissements liés à l’industrie du manga, comme les manga-cafés, des cafés où il est possible de lire des manga à condition de consommer. De plus, les mangaka (les auteurs de manga) occupent un statut particulier dans la société japonaise. Même les mangaka de second plan sont considérés comme de véritables héros, et sont souvent sujets à des traitements de faveur dans certains commerces.
IV/ Les genres et les styles de manga
On distingue 5 genres de manga qui sont liés au public visé par le magazine de prépublication qui publie la série. Voici ces 5 genres principaux :
- Les kodomo : ce sont les manga destinés aux enfants.
- Les shônen : ce sont les manga destinés à un jeune public masculin.
- Les shôjo : ce sont les manga destinés à un jeune public féminin.
- Les seinen : ce sont les manga destinés à un public masculin adulte.
- Les josei : ce sont les manga destinés à un public féminin adulte.
Cette dénomination ne fait aucune considération stylistique et de nombreux styles avec des codes prédéfinis sont également à citer. Ils regroupent une grande majorité des manga. Voici les principaux :
- Les nekketsu : un sous-genre majoritaire du shônen. On y retrouve un héros avec un grand sens de l’amitié qui vise un but clair de manière obstiné. Il est en général particulièrement endurant, se relevant de tous les coups infligés par ses ennemis et en ressortant encore et toujours plus fort.
- Les pantsu : un sous-genre du shônen. Comme son nom l’indique, c’est un sous-genre où on voit pas mal de nudité et de petites culottes. Au-delà de ça, le héros est en général plutôt timide et malchanceux en amour, et se retrouve rapidement à sa grande surprise, à vivre avec une ou plusieurs jolies filles.
- Les romance : un sous-genre majoritaire du shôjo et du josei. Là encore, tout est dans le nom. L’histoire est souvent centrée sur une histoire d’amour vue du point de vue de la fille, même si ce dernier point n’a rien d’obligatoire. L’accent est souvent mis sur les émotions des personnages et la façon d’aborder les obstacles.
- Les magical girl : un sous-genre du shôjo. Désigne un manga dont l’héroïne possède certains pouvoirs magiques. En général, elle possède des accessoires tels que les traditionnels baguettes/sceptres magiques.
- Les manga historiques : ils reprennent en général une partie de l’histoire ou d’une légende japonaise. De nombreux seinen sont historiques, mais c’est aussi le cas de certains shônen. La plupart sont sur le thème des samuraïs.
- Les manga héroïc-fantasy : en plus de se dérouler dans un univers fantastique, ce sont des manga qui se déroulent souvent dans un milieu plus sombre que dans les nekketsu. C’est encore une fois le cas de bon nombre de seinen.
- L’ecchi-hentai : ce sont les manga érotiques. Ils ne connaissent en général pas un grand succès, mais restent assez nombreux. On peut faire une petite distinction entre ecchi qui signifie érotique et hentai qui désigne plutôt les manga à caractère pornographique.
Bien sûr, ce ne sont là que les principaux. On peut aussi distinguer les manga de sport, les manga d’enquête… mais ce sont là des styles moins spécifiques au manga que ceux précédemment cités.
Conclusion
Le manga est incontestablement un pilier de la culture japonaise, et un phénomène qui a pris une ampleur sans égale. Au-delà des manga eux-mêmes, qui connaissent un grand succès commercial, les nombreux produits dérivés et l’influence sur la mentalité japonaise montrent que le manga représente plus qu’un simple passe-temps pour nos amis du pays du soleil levant. Et c’est l’ensemble de la population qui est atteinte. Des enfants aux adultes, personne n’échappe au phénomène au Japon. Même si Internet a fait un peu de mal à l’industrie du manga, cette dernière a encore de très beaux jours devant elle, et semble conquérir un public de plus en plus large. De plus, le manga s’exporte désormais de mieux en mieux hors du Japon, dépassant même les ventes de bandes dessinées dans de nombreux pays européens, dont la France qui est aujourd’hui le 3ème pays le plus amateur de manga dans le monde (très loin derrière le Japon certes, mais tout proche des Etats-Unis et nettement devant la plupart des autres pays européens). Alors jusqu’où cette manga mania peut-elle aller ?
posted the 09/05/2009 at 01:44 PM by
yoyo1
Alors que en france, la bd franco-belge, c'est un travail de passion: on prduit ce qu'on aime. il y a toujours la lois de la vente et donc de l'argent, mais aux usa et au japon c un gros business (ne me parlez pas du blabla des mangas parce que vous avez lu bakuman... je me suis assez renseigner sur le tout et ce mangas, même si il relate bien la pression des sorties des chapitre, il y a néanmoins une part de mensonge..)