Tu es jeune et viguoureuse. Tu vis dans une famille agréable, née d'un père écrivain et d'une mère morte peu de temps après ta naissance, que tu n'as pas connu, mais dont tu sens encore la puissance de l'amour qu'elle te portait. Pourtant, lors de ton septième anniversaire, tu te sens attirée chez moi et tu convainc ton père de t'y emmener pour y passer une semaine de vacances. Ces septs années durant lesquelles tu vivais dans la paix et le bonheur, je les ai voulu. Mais il était maintenant temps que tu me rejoignes, enfin. J'ai tellement attendu.
Une fois arrivé là-bas, tu as quitté ton père pour venir me rejoindre, comme je l'avais prévu. Malheureusement, ce Harry fut bien plus facile à trouver qu'à s'en défaire. Je pensais qu'il serait simple de nous réunir à nouveau, afin que nous ne fassions plus qu'une, comme nous l'avions été autrefois. C'était sans compter sur la ferveur de ton père qui, malgré mes attaques répétées à son encontre, n'a pas hésité à traverser cette ville saignante et suintante que j'avais créée de mes mains pour te retrouver. Alors que je t'attendais, moi, la sorcière, la brûlée vive, tu prenais ton temps, toi, l'aimante, l'aimée. Mais tu es venue. Tu es venue, et nous nous sommes reconciliées. La haine qui m'avait décidé à survivre durant toutes ces années de souffrance arrivait à son point culminant.
J'allais enfanter Dieu. Et tu arrivais pour m'offrir la partie manquante à son corps.
Mais l'amour qui t'avait accompagné depuis ta naissance, et que tu avais ramené jusqu'ici, n'avait pas permis à ce demi-Dieu que tu portais aussi en toi de se développer suffisamment et, une fois nos deux âmes réunies en un seul et même corps, nous enfantions un Dieu d'Amour et de Gratitude. Un Dieu contraire à ce que les préceptes du Culte voulaient voir naitre, mais qui, au lieu d'apporter la Haine et la Soumission, permettrait l'épanouissement de ce monde.
Impuissant, torturé entre mon caractère haineux et ta candeur, ce Dieu sombra aussi vite qu'il était né, en laissant toutefois derrière lui, entre nos mains, un bébé.
Finalement, nous mourrions toutes les deux. Nous étions vouées à cette fin si brève, trop brève, et tellement tragique. Mais le bébé qui respirait au creux de nos bras gardait le meilleur de nous. Je n'eu pas de mal à le confier à Harry, ton père, qui, dans cette quête pour te retrouver, avait failli se perdre lui-même. Cependant, il avait compris l'histoire aussi clairement que je te la raconte aujourd'hui, alors que nous allons bientôt expirer pour la dernière fois, et, s'il fut triste d'apprendre ta mort, notre mort, il acceptait de prendre soin de cet enfant, celui qui continuerait de nous faire vivre toutes les deux.
Cet enfant, c'est toi, ce père, c'est le tien et cette histoire, c'est aussi la tienne. Mais au moment où je quitte mon corps, un espoir inconnu m'envahit soudainement.
Heather, quelque-chose me dit que nous nous reverrons bientôt.
Alessa.
Cheryl.