Arrivé sur le front avec la ferme intention de remporter de nombreuses victoires, Stransky (interprété par un Maximilian Schell alliant à merveille la stature de son rang et une veulerie rarement atteinte), est destiné à gagner au final la croix de fer, récompense suprême pour bravoure sur le champ de bataille. Il aurait ainsi dû trouver en Steiner (James Coburn digne du Jack Palance de Attack ! de Aldrich, ce n'est pas un mince compliment), sergent maintes fois décoré (notamment de la fameuse croix), un modèle, un mentor, lui servant d'exemple et le guidant vers la dignité individuelle au service de la nation.
Sam Peckinpah restait souvent cloitrer dans les Westerns, même ces films paressant ne pas l'être comme Guet-Apens, Les Chiens de Paille ou Apportez-moi la Tête d'Alfredo Garcia le sont finalement en quelques sortes. Quel genre pourrait coller parfaitement au cinéma de Peckinpah ? Le plus évident : la Guerre. Tout Sam Peckinpah peut se retrouver dans la Guerre comme ce fut le cas dans le Western.
Croix de Fer marque sans nul doute le point culminant de la Filmographie de Bloody Sam, pour plusieurs raisons : 1) Tous les thèmes de Sam Peckinpah y sont et atteingnent leur paroxysme, 2)Jamais la guerre n'a été filmé d'une telle manière, dans le chaos le plus totale, 3) Jamais vous ne pourrez voir un final (les 20 dernières minutes) aussi bluffant et puissant. Et ... ce film a 30 ans ...
Dès le début, Sam Peckinpah ouvre son film sur un générique grandiose, constitué d'images d'archives, jouant sur le montage en alternant images d'enfants, scènes de bataille, patriotisme allemand, séances d'exécution, joie d'un peuple, souffrance du bataillon et gloire de l'allemagne nazie. Le générique devient tout simplement paradoxale dans ce qu'il montre. Rajouter à cela en fond musical une chanson enfantine (jeunesse hitlerienne ?) avec tambours et autres instruments patriotiques, l'effet est saisissant et le générique est sans doute l'un des meilleures existants dans le monde du cinéma comme ce fut le cas aussi pour Pat Garrett and Billy The Kid et La Horde Sauvage.
Si on pousse le côté analytique plus loin, Croix de Fer se relie à toute la filmographie de Sam Peckinpah : On retrouve le chaos absolue de La Horde Sauvage, le pessimisme et la brutalité humaine des Chiens de Paille, le lyrisme et la poésie d' Alfredo Garcia, et le côté Requiem de Pat Garrett. Ainsi que l'innocence de l'enfance et les femmes, tous les deux confrontés dans le plus bas de la guerre, même si certaines tentent de rammener l'espoir sur des soldats (la relation entre Steiner et l'infirmière). La conclusion en devient que plus pessimiste du fait que l'homme est né pour la guerre et que ça lui plaît selon Sam Peckinpah.
Croix de Fer joue beaucoup aussi sur le duo James Coburn (Steiner) et Maximilian Schnell, tous les deux formidables qui se conclura d'une façon surprenante donc imprévisible ce qui est étonnant dans ce type de films. Le final, plongé dans le désespoir, la violence, le chaos le plus absolu,devient surréaliste dans la dernière minute, où l'on découvre la scène la plus absurde (dans son sens littéral) et ambigu pour un film de guerre.
Après avoir atteint un tel degré degré de génie durant ce final époustouflant, Sam Peckinpah nous achève sur un générique tout simplement sidérant sur des images d'enfants en deuil, emprisonnés ou même pendus sur la composition d'Ernest Gold, puissante d'émotions, et se finissant avec un rire ironique et une citation de Bertolt Brecht, achevant littérallement le spectateur.
Croix de Fer est tout simplement le plus grand film de guerre existant, un monument dans le 7ème Art, le plus grand film anti-militariste selon un certain Orson Welles, une claque cinématographique comme on en voit trop peu mais le pire dans tout ça ... c'est que le film est trop peu connu alors qu'il vaut 10 000 fois plus qu'un Il faut sauver le soldat Ryan (que j'apprécie beaucoup pourtant).
