Banzaï ! En France la BD nipponne est en passe de détrôner les bulles franco-belges.Il suffit de surfer sur la toile manga ou de passer dans les rayons de la Fnac ou de chez Virgin pour constater le phénomène. Assis par terre ou vautrés dans des siéges, les jeunes lecteurs boivent des yeux sans modération ce que leurs parents considérent souvent comme des japoniaiseries.
Mais pourquoi un tel engouement pour le manga ? D'abord, parce que cet obscur objet de lecture, publié en noir et blanc, ponctué d'onomatopées et à suivre d'épisode en épisode, incarne avec ses clefs poétiques, prophétiques ou didactiques la culture pop nipponne dans tous ses extrêmes. Ensuite, parce que l'on y trouve une puissance d'évocation plus directe que dans le roman. Enfin, le manga n'a pas de limites. Du coup dans production éditoriale prolifique, le pire côtoie le meilleur. Mais réduire le manga à la pornographie et à la violence serait aussi ridicule que d'aborder le septième art uniquement par les films X et gore.
Au Japon, les mangas paraissent en feuilleton dans des hebdomadaires ou mensuels spécialisés à grands tirages. Il y a les shonen, mangas pour garçons, qui abordent le sport, le polar, les arts martiaux, le fantastique et même le comique. Et le shojo, mangas pour fille avec une tendance surprenante, le shonen ai, des histoires d'amours entre garçons !
La très longue histoire du manga n'est pas linéaire. Elle accompagne de censure en liberté, la raditionnelle modernité de la société japonaise, se heurte aux tabous, s'empare des peurs et des désirs. Si le terme manga désigne la bande dessinée japonaise, à l'origine il signifiait littéralement dessin grotesque, image dérisoire. Déja, au XIIe siècle les rouleaux satiriques(choju-giga), mettant en situation des animaux agissant comme des humains, inventent des effets visuels de mouvements qui seront bien plus tard repris dans le manga et le dessin animé(anime).Quand le Japon s'ouvre au monde occidental, les caricaturistes anglo-saxons et français influencent alors les illustrateurs de la presse insulaire. Le croisement des comics américains et de l'art ancestral du dessin va engendrer en trois décennies un courant original made in Japan.
Laurent-Julien Lefèvre, graphiste bientot quadragénaire, fait partie de la genération bercée par Goldorak et Candy. Rétrospectivement ces réalisations violentes et niaises déversées à flux continu dès la fin des années 70 sur nos petits écrans ne l'intéressaient pas. C'est bien plus tard qu'il tombe dedans par l'intermédiaire du classique des classiques, Osamu Tezuka. Grâce à ce créateur, le langage graphique du manga démultiplie les perceptions avec un découpage très cinématographique : gros plan, panoramique, accéléré et ralenti..., explique-t-il.Les mises en cases toujours différentes et les angles de vue concourent à une narration dynamique. En plus, le noir et le blanc favorisent le sens de la nuance.L'éventail des gris pour décrire une atmosphére à une valeur dramaturgique.
Avant lui, les mangas se cantonnaient à des historiettes humoristiques ou à des dessins satiriques. Admirateur du maître Tezuka, la figure de proue du dessin animé japonais Hayao Miyazaki, co-fondateur des studios Ghibli, auteur du Voyage du Chihiro, du Chateau Ambulant et de tant d'autres merveilles, envisageait sous son influence de devenir mangaka.
Aujourd'hui, dans l'Archipel, les professionels constatent un essouflement des ventes qu'ils expliquent par l'arrivée des jeux vidéos et, surtout, les services proposés sur les téléphones portables. Peu importe, cette écriture inspire directement le dessin animé, le cinéma, la publicité et la mode. Le phénomène manga influence aussi l'art contemporain. Même si les ventes faiblissent , le manga continue de faire couler beaucoup d'encre avec ses héroïnes aux yeux de biches, ses garçons androgynes, ses yakusas patibulaires, ses monstres pas gentils du tout. Prochain épisode très tendance: le manga coréen est déjà la. Il s'appelle manhwa.

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publié le 17/07/2006 à 20:02 par
ajukix
Huhu