Ce n'est plus un secret pour personne : le jeu vidéo, ce n'est plus qu'une affaire de Hardcore Gamers. En 2004, en France, le bien culturel le plus consommé était un jeu vidéo : GTA San Andreas, avec environ 1,3 million d'unités vendues, a fait mieux que le Da Vinci Code, dont les plus grosses ventes se sont faites en 2004. C'est la première fois qu'un jeu vidéo arrive à un tel sommet.
Le jeu vidéo est donc devenu une culture adoptée par la majorité de la population.
Cette massification vidéoludique a créé une nouvelle classe de joueurs réels, qui consomment de véritables jeux vidéo au sens commun, et cette classe, c'est les Casual Gamers.
Quel est le profil d'un ou d'une Casual Gamer/Gameuse, et quelles sont les marques qui profitent de cette explosion ?
Le Casual Gaming, c'est un style de vie. Casual, ou Occasionnel. Traduisez donc Casual Gamer par Joueur occasionnel : c'est l'inverse du Hardcore Gamer, qui est un joueur obsédé, possédé par le jeu vidéo en lui-même : ce n'est pas maladif, c'est une surconsommation de la culture.
Le Hardcore Gamer représente par ailleurs l'un des consommateurs de cultures ayant le plus gros pouvoir d'achat : l'achat de nouveautés vidéoludiques reste et restera toujours plus cher que l'achat de nouveautés littéraires, cinématographiques (DVD, cinéma ...), ou musicales. Un jeu coûte aujourd'hui 60 Euros, ce qui contraste fortement avec une place de cinéma, qui coûtera à peine 6 Euros, dix fois moins cher, afin de profiter des dernières nouveautés cinématographiques.
Et nous ne parlons pas des Hardcore Gamers qui, pour aller au delà du jeu vidéo, font converger les biens culturels. King Kong, fin 2005, en est un exemple : le jeu vidéo est apprécié et consommé par les Hardcore Gamers, qui ont également vu le film. Le Hardcore Gamer est donc plus qu'un simple Gamer : il est une cible de premier choix pour les agences de publicités.
Car aujourd'hui, si l'on vise un public Hardcore Gamer, il faut mettre à disposition une pléiade de biens culturels alentours qui le feront consommer plus encore : c'est la problématique des éditeurs de jeux convergeant avec des sociétés de musique ou de cinéma. Il y a des réussites (King Kong, dernièrement), et bien évidemment d'énormes déceptions (Crazy Frog) et d'investissements gâchés. Le phénomène Katamari Damacy a engendré, au Japon, un succès de la musique du jeu qui s'est avérée l'une des plus rentables au moment de la commercialisation de ce titre, il y a déjà quelques années. Et il n'est pas impossible qu'un jour ce genre de phénomène débarque en France (Pac-Man a bien eu le droit à sa musique, même en France).
Pour revenir au Casual Gaming, il s'appuie sur une réalité des faits : le besoin de jouer se ressent dans toutes les classes de la population, à tous les niveaux d'âges. Il y a une réelle envie de la part des individus d'investir une part de leur budget dans le jeu vidéo.
Ce besoin existe, mais le temps consacré à ce loisir diminue régulièrement.
Le Casual Gaming est très développé dans les entreprises : qui n'a jamais utilisé son PC professionnel pour distiller une partie de Solitaire ou de Démineur ?
C'est sur cette vague que les majors de l'industrie vidéoludique veulent surfer ... et ce sont les éditeurs de jeux vidéo sur portable qui sont au niveau des premières places.
Le jeu vidéo sur portable se développe très rapidement : facile d'accès (un simple téléchargement surtaxé suffit), très rentable, il épouse parfaitement le profil du Casual Gamer : jeu rapide, facile à finir, addictif et prenant. Le jeu sur mobile est un jeu synthétique, réduit à la plus simple expression du jeu vidéo : l'envie de donner au joueur une sensation de plaisir dans le jeu. C'est par ailleurs pour cela que le phénomène Sudoku a réussi à s'imposer en France : il adopte parfaitement les attentes du Casual Gamer, au même titre que le jeu sur téléphone mobile.
Pour beaucoup, le jeu sur portable est un avenir à surveiller de très près, et devrait être beaucoup plus rentable que la vente réelle du jeu vidéo, Hardware et Software, actuellement dominée par le trio Nintendo-Sony-Microsoft. Mais il faut justement se méfier de ce trio, car tous trois ont leurs armes pour lutter contre ce phénomène.
Le plus significatif reste de très loin Nintendo. Le constructeur Japonais a très longtemps basé sa culture vidéoludique sur le Hardcore Gaming : des jeux longs, passionnants, qu'il fallait explorer de long en large ... Zelda, Mario, Pokémon, Fire Emblem, Metroid, sont autant d'exemples de titres de longue haleine. Pourtant, c'est Tetris, un jeu purement Casual Gamer, qui a été le premier succès de la GameBoy, à la fin des années 80. C'est désormais un symbole de la culture vidéoludique, au même titre que Pong, Pac-Man ou Mario.
Nintendo a réalisé le phénomène du Casual Gaming et en a clairement fait sa priorité. Pour les fans de la marque à la casquette rouge, c'est un sentiment de délaissement qui se fait sentir, mais pour le grand public, Nintendo est une révélation. Grâce à des titres comme Nintendogs ou Brain Training, Nintendo est parvenu à s'élargir vers de nouveaux publics. Ces jeux sont simples, ne requièrent que quelques minutes par jour et séduisent toutes les tranches d'âge. Il est possible de simplement nourrir son chien et le promener, puis éteindre sa Nintendo DS, tout comme il est possible de faire quelques petits exercices de logique pour s'entrainer mentalement.
Simplifier le jeu vidéo à son expression la plus synthétique : voilà la recette miracle du jeu vidéo en 2006. Ce ne sont pas les concepts nouveaux, révolutionnaires et plus complexes qui sont gages de fortes ventes : ce sont les concepts de jeux synthétiques, rapides à jouer et qui visent les Casual Gamers.
La Nintendo Revolution vise à simplifier le jeu vidéo, en proposant une demi-manette qui propose un simple concept : saisir et comprendre instantanément.
La Nintendo Revolution sera donc résolument une console de Casual Gaming !
C'est l'inverse de la Xbox 360, qui propose des jeux toujours plus beaux, mais toujours plus complexes, toujours plus longs, qui n'impressionnent plus personne, ou encore pire, l'inverse de la Playstation 3.
La Playstation 3 vise très clairement le public Hardcore Gamer, qui voit en cette console un succès garantit : pourtant, Sony ignore là de vue le public né de la massification vidéoludique que ce constructeur a créé en démocratisant le jeu vidéo avec ses consoles Playstation 1 et 2.
Ce n'est pas du tout pareil avec Microsoft, qui propose le Xbox Live Arcade, qui, grâce au développement du public Casual Gamer, devrait connaître un énorme succès : proposer des jeux simples, addictif, à un prix attractif, et faire de la Xbox 360 un support multimédia pour toute la famille.
C'est peut-être là la meilleure stratégie à adopter, car en s'implantant aussi profondément dans un ménage, Microsoft peut rendre transparente sa Xbox 360, intégrée, dans son paysage, et c'est la meilleure chose qui pourrait leur arriver.
Une console de jeu est un objet désormais naturel dans un salon, mais que l'on utilise pas forcément régulièrement. Récupérer de petites parties de-ci, de-là, à un joueur, sur une journée, c'est prouver l'utilité de son bien de grande consommation, et appuyer sur le fait que la console de jeu est indispensable pour tout ménage qui se respecte.
Le Casual Gamer est donc un profil de joueur à surveiller de très près ... Il est déjà, comme nous l'avons vu, le coeur de cible de la plupart des sociétés d'édition de jeux, telles que Gameloft (jeu vidéo sur téléphone mobile), et bien sûr Nintendo, qui a fait du Casual Gaming sa priorité, en proposant des plateformes innovantes, simples à comprendre pour tous. Et c'est sûrement ce qui explique le succès du constructeur nippon.
Nous allons donc vers une démocratisation plus profonde encore du jeu vidéo grâce à l'explosion du Casual Gaming. Qui sait, le jeu vidéo le plus vendu en 2006 sera peut-être un titre totalement inattendu, résolument innovant et au concept simple mais attractif ?
Car qui aurait cru, il y a un an, qu'un simple Nintendogs (Nintendo DS) ferait, en 2005, partie des jeux les plus vendus au monde ?
Auteur : Matthieu CASTEL (Might) (mattcastel@gmail.com)
Pour le blog Au delà du jeu vidéo (Jeux-France.com)