En Mars dernier, lors de la Game Developers Conference, on avait appris que les créateurs de jeux ne s'inquiétaient finalement pas beaucoup du piratage (voir article Piratage : développeurs rebelles). Les designers interrogés à l'époque (dont Warren Deus Ex Spector faisait partie) parlaient de faux problème, certains allant même jusqu'à se dire ravis que leurs jeux puissent, par ce biais, toucher un public encore plus large. La conférence oubliait cependant de mentionner un point important : la majorité des développeurs actuels ne touche aucune royaltie sur les ventes, ce qui explique en grande partie leur désintérêt concernant le sujet pourtant brûlant des copies illégales.
Plus étonnant, en revanche, est l'article paru récemment dans le magazine financier Forbes. Celui-ci estime en effet que malgré un manque à gagner très grossièrement estimé à 3 milliards de dollars, les éditeurs de jeux vidéo seraient eux aussi laxistes en ce qui concerne la lutte contre le piratage, surtout comparé aux efforts engagés par les industries musicales et cinématographiques dans ce même domaine. Il y a deux ans, la SACEM américaine avait ainsi défrayé la chronique en attaquant des milliers de particuliers en justice (adolescents y compris) pour téléchargement illégal sur le réseau Kazaa.
Selon deux sources anonymes du magazine, ce phénomène serait peut-être lié à la bonne santé du marché. Les ventes de Juin aux Etats-Unis, par exemple, sont en hausse de 5% par rapport à l'année dernière, et un rapport récent de la société Wedbush Morgan Securities prédit 10% de croissance pour l'ensemble de l'industrie jusqu'en 2010. Quand le portefeuille va, tout va, donc. Cependant, l'article vise probablement juste en notant que dans le marché du jeu vidéo, la protection contre le piratage démarre au niveau matériel. En effet, contrairement à la musique et aux films copiés qui peuvent être lus sur n'importe quelle platine, les titres console, eux, doivent obligatoirement passer par la machine du constructeur, laquelle vérifie automatiquement la légalité du disque. L'architecture ouverte du PC, elle, est naturellement plus vulnérable. Mais le recours de plus en plus fréquent à des systèmes d'authentification en ligne (clés CD pour jouer en réseau, Steam pour Half-Life 2, abonnements pour les MMORPG...) donne probablement une idée de ce que sera le futur sur cette plate-forme. Ces dernières semaines, d'ailleurs, des titres comme Battlefield 2, World of Warcraft ou Guild Wars ont dominé les charts.
Bien sûr, cela n'empêche pas les bidouilleurs motivés de trouver (souvent, mais pas toujours) la faille. En ce qui concerne les consoles, par exemple, on peut passer outre la vérification du disque en installant un modchip. Mais l'opération est complexe, coûteuse et, de plus, elle invalide la garantie, ce qui fait reculer beaucoup de joueurs. Mieux protégée, l'industrie vidéo-ludique serait-elle donc mieux lotie que celle du film ou du cinéma ? Selon la société BigChampagne, qui analyse les échanges de fichiers en P2P (peer-to-peer), le partage de jeux sur ces réseaux ne représenterait que 4% des transferts. Encore un stéréotype qui tombe.

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posted the 07/20/2005 at 01:40 PM by
megdan