Six ans après The Nomad Soul, Quantic Dream revient avec un nouvel OVNI du jeu vidéo. Toujours aussi original, David Cage part en croisade contre la banalité vidéo-ludique et nous dessert un Fahrenheit à l'attente inattendue. Présentation d’un jeu qui risque de faire l’effet d’une bombe.
A l’exception des heureux possesseurs de The Nomad Soul, Quantic Dream reste encore un nom trop injustement méconnu des joueurs. Il faut dire que le studio français ne s’apprête qu’à sortir son deuxième titre. Mais si la quantité est absente, la qualité semble d’ores et déjà être de nouveau au rendez-vous avec un Fahrenheit ultra prometteur dans son d’approche. Lassé des sempiternels FPS sur la seconde guerre mondiale, des innombrables jeux de voitures tunées, David Cage s’apprête à nous faire vivre une expérience nouvelle, au-delà du simple jeu vidéo.
Silence… Moteur… Action
Raisons d’être de Quantic Dream, l’originalité et l’interactivité sont à la base de toutes ses réflexions. Voyant l’avenir du jeu vidéo dans la caractérisation de nos héros virtuels, les français du studio fondé en 1997 ont tout naturellement décidé de travailler fort en amont, avec la mise en place du plus grand studio de motion capture jamais placé chez un développeur. Doté de 24 caméras et servant aussi pour la publicité ou le cinéma, le studio aura permis à l’équipe de vivre, et ainsi de nous faire profiter de leur prochaine œuvre. Œuvre, tel pourrait être le terme à utiliser désormais quand on parle de Fahrenheit. Plus qu’un jeu, cette production made in France se rapproche en effet plus de la télé et du cinéma que de ce qu’on a l’habitude de voir sur PC et consoles. Personnages travaillés, humanisation et relations poussées entre les protagonistes, tout ceci nous rappelle les séries télé mêlant l’histoire de la série à celle de ses héros. Première expérience du genre, Fahrenheit n’utilise plus le scénario comme simple alibi aux innombrables scènes d’action mais comme le cœur même du jeu. Le joueur va ainsi pouvoir tritouiller le scénario dans tous les sens, l’étirer, le déformer et ainsi influer sur la suite des événements. Difficile de décrire la nouvelle production Quantic Dream sans risquer de gâcher une partie du plaisir, tant l’expérience de David Cage se vit à défaut de se raconter. Prêchant contre notre propre paroisse, on est presque tenté de vous conseiller de ne pas lire la suite pour ne rien gâcher de vos premiers pas dans l’univers de Fahrenheit. C’est pourquoi, si les exemples que nous pouvons vous donner sont innombrables, nous ne nous contenterons ici volontairement que des grosses lignes pour vous laisser l’effet de surprise à la sortie de cette future bombe vidéo-ludique.
Le film dont vous êtes le héros
Débutant le jeu dans le peau de Lucas Kane, vous venez de poignarder un homme dans les toilettes d’un restaurant dans un état de transe. Sans encore savoir ni le pourquoi ni le comment de cette folie incontrôlée, il va désormais falloir penser et agir vite. Le jeu se déroule en effet en temps réel, et rester là, taché de sang, sur les lieux du crime, peut s’avérer fatal si quelqu’un était amené à entrer dans la pièce. Alors que les jeux sont souvent restreints par un nombre d’actions limitées pour des raisons mécaniques dues aux manettes, Fahrenheit a pris le parti pris d’utiliser des actions contextuelles, ouvrant ainsi le champ des possibilités et rapprochant surtout, une fois de plus, cette production d’une véritable série interactive. Actions logiques, stupides ou tout simplement inutiles, tout ce que vous ferez peut potentiellement laisser des indices supplémentaires, influer sur votre mental et aura surtout des conséquences sur la suite des événements. Si beaucoup de jeux ont longtemps fait cette promesse, Fahrenheit nous a montré par l’exemple ce que cela pouvait réellement donner lorsque le concept ne se résume pas qu’à de simples paroles. Le résultat est impressionnant, laissant présager d’une replay value considérable pour un titre annonçant déjà une quinzaine d’heures de jeu.
Découpé en chapitres, le titre désormais édité par Atari ne vous mettra pas uniquement dans la peau de Lucas Kane mais, aussi étonnant soit ce choix, également dans celle des policiers cherchant à le retrouver. L’occasion de découvrir justement par soi-même l’impact de toutes nos actions précédentes, mais aussi de mieux apprécier les personnalités propres à chacun. Pouvant alterner entre la détective Carla Valenti et son partenaire Tyler Miles, la caractérisation tant prise à cœur par Quantic Dream franchit alors une nouvelle étape et, au-delà de leur vie privée, chacun agira ou réagira selon sa propre personnalité. Lucas ne sera toutefois pas seul non plus, et lui aussi devra apprendre à gérer sa relation avec les différents protagonistes (dont on vous laisse le plaisir de découvrir l’identité) mais aussi faire des choix moraux qui, aussi facultatifs soient-ils, auront une conséquence majeure sur sa santé mentale. Si vous tombez dans la dépression, à défaut du traditionnel game-over ce sera le end-of-movie pour vous, avec une fois de plus des variantes différentes selon votre cursus dans le jeu.
Va y’avoir du sport
Histoire de vous immerger encore plus dans son univers, Fahrenheit vous demandera de reproduire les efforts physiques des personnages et vous devrez alors, dans certains contextes, reproduire avec un stick analogique les mouvements de votre avatar, ou encore transpirer avec lui dans des passages à la track & field utilisant les gâchettes. Plus spectaculaires encore, différentes séquences à la difficulté paramétrable vous demanderont de coordonner vos mouvements sur les deux sticks analogiques en même temps lors de séances de combats, de fuite ou encore de basket. Véritables moments d’action interactifs, ces passages bénéficient une fois de plus de mises en scène et de chorégraphies cinématographiques pour un rendu ultra dynamique.
Des influences du petit et du grand écran
Multi fenêtrage façon 24 heures chrono (la série TV), interface vierge évitant tout ce qui est menu, caméras prédisposées aux effets cinématographiques, le rendu est digne des meilleures séries actuelles, au point qu’il est parfois difficile de discerner s’il s’agit d’une cinématique ou si le détenteur du pad est en fait en train de jouer. L’analyse est pourtant simple, Fahrenheit ne dispose finalement que de deux cinématiques servant à présenter les principaux protagonistes du jeu, tout le reste n’est que pur gameplay. Avec un postulat de départ qui n’est pas sans rappeler le film Memento, douze heures de motion capture, cinquante acteurs ayant participé pendant trois mois et demi, un doublage français interprété par les doubleurs officiels de Keenu Reeves, Brad Pitt, Angelina Jolie ou encore Will Smith, Quantic Dream n’a pas fait dans la demi-mesure et nous offre sa dernière œuvre sur un plateau d’argent. Au-delà du travail d’écriture et de scénarisation, la galette du jeu elle-même se présente comme un DVD. Chapitres, making of, jeux de photos, les bonus incluent même des scènes non intégrées au jeu pour prolonger l’expérience. Alors que beaucoup s’inspirent du cinéma pour leurs cinématiques, Fahrenheit y puise sa source pour tout le reste.
Frais, original et radicalement différent, Fahrenheit nous a hypnotisé et piégé de ses charmes. Vous l’aurez compris, c’est un véritable coup de foudre pour l’œuvre de David Cage qui nous envahit et une chose est sure : il y aura un avant, et un après Fahrenheit.
source jeux actu

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posted the 07/20/2005 at 11:50 AM by
iban323