Les éditeurs de logiciels de P2P jugés responsables du piratage
Lundi 27 juin, la Cour Suprême des Etats-Unis a considéré que les sociétés à l'origine des réseaux de « peer-to-peer » Grokster et Morpheus étaient coupables pour les téléchargements illégaux de leurs utilisateurs. Une décision qui devrait toucher les autres services de P2P qui font des échanges illégaux leur fonds de commerce.
Ludovic Nachury , 01net., le 27/06/2005 à 19h55
Groskter et Morpheus sont-ils responsables de l'usage illégal qui est fait de leur logiciel de peer-to-peer ? La Cour Suprême des Etats-Unis vient de répondre par l'affirmative à cette question. Elle devait se prononcer dans l'affaire qui opposait les grands studios de cinéma à Groskter et StreamCast Networks (Morpheus), deux éditeurs de logiciels de partage de fichiers. Cette décision de la plus haute juridiction des Etats-Unis ouvre la voie à de nouvelles poursuites en justice contre les éditeurs, qui avaient jusqu'à présent échappé aux condamnations. Elle place également dans l'illégalité l'ensemble des plates-formes de peer-to-peer largement utilisées pour l'échange de fichiers (musique et vidéo) protégés par des droits d'auteur, autrement dit Kazaa, eMule, BitTorrent...
En France, l'industrie du disque se réjouit de ce verdict. Dans un communiqué publié le 27 juin au soir, le Snep (Syndicat national de l'édition phonographique) estimait que la Cour Suprême a donné « un signal positif aux producteurs et créateurs de musique du monde entier en reconnaissant la responsabilité des éditeurs de logiciels de partage qui favorisent le piratage de la musique sur le Web. Cette décision émane certes d'une juridiction américaine, mais elle a une portée beaucoup plus large [...] ».
La décision de la Cour Suprême des Etats-Unis est définitive, prise à l'unanimité et longuement détaillée dans ses attendus. La juridiction a jugé que Groskster et Morpheus « ont distribué leurs logiciels avec l'intention de promouvoir leurs capacités à enfreindre le copyright ». Lors des audiences, les deux réseaux avaient mis en avant les utilisations légales de leur technologie, tout en reconnaissant qu'elles étaient minoritaires. Un discours parfaitement hypocrite aux yeux de la Cour Suprême.
Incitation au piratage
La juridiction a en effet exhumé de nombreux documents montrant que les deux réseaux n'ont eu de cesse d'attirer les utilisateurs de Napster - autre réseau pourtant déjà condamné pour ses téléchargement illégaux. StreamCast avait mis au point le programme OpenNap, quand Groskter utilisait Swaptor pour inviter les adeptes de Napster à les rejoindre. Sans prendre de gants : « Morpheus autorisait ses utilisateurs à chercher spécifiquement dans les chansons du top 40 , qui étaient inévitablement protégées par le copyright. De même, Grokster envoyait à ses utilisateurs une newsletter faisant la promotion de sa capacité à fournir des contenus populaires bien spécifiques, sous copyright. »
Quant à d'éventuels efforts pour filtrer les échanges illégaux, ils se sont révélés inexistants. Ainsi, non seulement StreamCast a rejeté les offres de surveillance de son réseau mais a même bloqué les adresses IP des sociétés qui s'y essayaient.
Pourtant, une cour d'appel fédérale avait déchargé de toute responsabilité Grokster et Morpheus. Selon elle, « c'étaient leurs utilisateurs eux-mêmes qui cherchaient, trouvaient et enregistraient les contenus en infraction, sans implication des deux accusés [les réseaux de P2P, NDLR] ».
Mais, selon la Cour Suprême, gardien des lois outre-Atlantique, la cour fédérale s'est trompée. Elle a mal interprété la « jurisprudence Sony », derrière laquelle se retranchaient les éditeurs de logiciels de peer-to-peer. En 1984, Universal avait attaqué sans succès la société japonaise au sujet des magnétoscopes, jugeant qu'ils favorisaient le piratage. Là aussi une technologie avec des usages légaux et illégaux. Sauf que, à l'époque, « il avait été prouvé que l'usage principal du magnétoscope consistait à enregistrer un programme pour le regarder plus tard, à une heure plus favorable, ce que la cour a jugé honnête. »
Rien de tel dans le cas du peer-to-peer. Car, là, l'intention était tout autre, du moins celle de Grokster et StreamCast. Si ces deux réseaux ont pu attirer autant d'utilisateurs, ils le doivent aux téléchargements illégaux qu'ils proposaient et mettaient en avant.
La Cour Suprême se veut toutefois « attentive [...] à ne pas décourager le développement de technologies à potentiel légal comme illégal » . A la condition express que leur succès ne dépende pas de ce même potentiel illégal. En cassant le jugement de la cour d'appel, la juridiction suprême américaine renvoie tout le monde devant les tribunaux. Pour déterminer les peines et amendes qui vont être infligées à Grokster et à StreamCast.
Source 01.net

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posted the 07/02/2005 at 11:59 AM by
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