Un vent de contestation semble actuellement agiter les joueurs sur les blogs et les forums de la planète Internet. Le cyclone, centré il y a deux semaines sur les moyens de stocker élégamment les power-ups (voir l'article : La caisse, cette inerte inconnue), s'est désormais déplacé beaucoup plus au sud, non loin des dernières limites de l'univers virtuel. C'est dans ces contrées lointaines, arpentées seulement par les plus valeureux des aventuriers, que se nichent les boss, personnages à l'humeur exécrable, empêcheurs de piller ou de sauver en rond. Ce qui ne serait pas un gros problème si ces individus ne s'avéraient pas assez puissants et dangereux pour mettre sérieusement en péril la quête du héros.
Or, le régime tyrannique institué par les boss semble de plus en plus excéder certains joueurs, au point que deux d'entre eux ont décidé de s'exprimer publiquement via le biais de deux articles. Dans le premier, paru sur le site Joystiq, le rédacteur met surtout en avant la difficulté parfois absurde de ces séquences. Nombre de batailles finales, en effet, vous jettent en pâture à un monstre surpuissant dont vous ne connaissez rien, qui vous plie en quatre en moins de temps qu'il n'en faut pour dire game over et qui, de plus, se révèle invulnérable à la quasi-totalité de vos attaques. Vous venez de vous frayer un chemin à travers une horde d'adversaire pour finalement atteindre un boss dont l'unique vulnérabilité est un segment de trois pixels de large sur son oreille gauche, décrit l'article. Mais ça, vous ne le savez pas encore. Il va falloir expérimenter (c'est-à-dire mourir) de nombreuses fois avant de le découvrir. En quoi l'expérience peut elle être autre chose que frustrante ? Le discours est sensiblement le même sur le weblog Tea Leaves, même si l'accent est cette fois mis sur la nature généralement répétitive de ce genre de rencontres. Vous commencez par repérer les mouvements du boss, expliquent les rédacteurs. Grâce à cela, vous disposez alors des informations nécessaires pour éviter ses attaques. Vous lisez ensuite la solution pour trouver comment lui porter des coups. Il ne vous reste plus alors qu'à tenir votre manette pendant quinze minutes et parer, frapper, parer, frapper, parer, frapper jusqu'à ce que le boss meure ou que vous mouriez, auquel cas il faut recommencer. Ce qui incite Tea Leaves à poser la question suivante : pourquoi insister à inclure ce genre de séquences inutiles alors que les mécanismes de base du jeu se révèlent, dans la plupart des cas, largement plus intéressants ?
Réponse du magazine Gamasutra : parce que le boss est une convention, non pas de jeu vidéo mais de narration. Dans un article paru il y a un peu moins de deux semaines, Bob Bates, ex-fondateur du studio Legend Entertainment (Unreal II), met ainsi en relation le boss de jeu vidéo avec la notion de mythe, sur laquelle se sont penchés biologistes et psychologues. Plus particulièrement, il note que bon nombre de titres sont basés sur le concept de quête du héros, et que celui-ci impose un certain nombre de passages obligés dont, effectivement, la présence d'un super adversaire, sorte de double maléfique du personnage principal. On s'étonne moins, dès lors, de voir les défenseurs du boss revendiquer un sentiment d'accomplissement lorsque celui-ci est terrassé. On peut y voir là une sorte de contrôle final, mettant à l'épreuve tout ce que l'on a appris jusqu'à présent de son personnage et de ses compétences. Plus simplement, c'est le point d'orgue de l'aventure, promesse d'une satisfaction dont l'intensité doit – on l'espère – rivaliser avec celle de l'ultime combat.
En fait, le problème dont parlent Joystiq et Tea Leaves concerne moins le concept de boss lui-même que sur le débat beaucoup plus général sur la difficulté des jeux. Trop facile et les hardcore gamers crient au scandale. Trop corsé et les joueurs occasionnels finissent par jeter l'éponge, un goût amer dans la bouche. La solution est, à priori, connue : différents modes de difficulté pour différents publics. Mais toujours selon Gamasutra, certains titres récents (Far Cry, par exemple) refusent malgré tout de se laisser conquérir, même en mode facile. Le mieux est alors peut-être de remplacer la frustration du game over par un niveau alternatif ? Lorsque le combat est perdu, ne serait-il pas plus intéressant de diriger le joueur sur une voie secondaire plutôt que de briser la narration à force de répétition ?, suggère un lecteur sur le forum du site Joystiq. Au lieu de vous piétiner complètement, le boss pourrait vous laisser pour mort et rire un bon coup. Après quoi, le joueur pourrait passer sa prochaine heure à s'entraîner avec des moines tibétains pour la revanche. A bon entendeur…
Source :
Overgame
Et vous, pour ou contre les boss de fin ??