Cet article comporte des spoilers.
Dans un cadre aux tons ocre et bleuté, au fond d'un puits, un homme aux traits saccadés et tristes s'acharne sur la roche, à la recherche de l'or noir. C'est la première séquence de
There will be blood, le nouveau film de Paul Thomas Anderson (Boogie nights, Magnolia, Punch-drunk love) son quatrième pour être précis. C'est le début d'une fresque folle et démente. Le commencement de la fin. Sur une piste de bowling, noyé dans une folie démoniaque, le même homme s'acharne sur un jeune prêtre poli, faussement dévoué à sa cause, et l'achève de quatre coups de quille en lui défonçant le crâne. Une mare de sang s'étale sur le parquet, lustré, envahissant le bois en chêne de rouge écarlate. C'est l'Amérique piétinée par ses propres idéaux. C'est un cadavre au crâne éparpillé qui s’étend, devant nous, visage au sol, et un homme presque mort qui, à côté, s'assoit, et rigole. Voilà le sang promis par le titre. C'est le point final de l'immense chute d'un être aux rêves qui le dépasse. En faisant de son film une épique métaphore de l'égoïsme qui gangrène son pays, les États-Unis, pour ne pas dire le monde entier, P.T. Anderson réalise un excellent long métrage sur le sujet, si complexe et insaisissable, de l'industrie pétrolière. Mais le cinéaste traite de son thème en partant non pas sur une description du milieu, mais plutôt sur les conséquences inexorables qu'un idéaliste va provoquer autour de lui, et sur lui-même à commencer. Le schéma, pour le coup, était donc finalement applicable sur l'univers automobile autant que sur celui de la drogue par exemple, mais Anderson n'oublie tout de même pas de remettre son récit dans un contexte réaliste, et souvent nous montre-t-il les difficultés de travail des ouvriers, le danger auxquels ils s'exposent consciemment sous la tutelle d'un patron qui les exploite. Bref, en 2h30, le réalisateur parvient à tout brasser ; aussi bien la difficulté du métier donc, que la dégradation totale de la relation père/fils, des croyances et des connaissances. Du point de vue interprétation c'est un sans faute pour Daniel Day-Lewis, charismatique, cynique, parfait dans le rôle. Un excellent film, dense, complexe, qui ne fait pas preuve de manichéisme comme la plupart traitant du pétrole. Si il y a un film à voir en ce mois de mars, c'est bien celui-ci.
