N° 1710
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er juillet 2004.
RAPPORT D'INFORMATION
DÉPOSÉ
PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),
sur la Constitution européenne,
ET PRÉSENTÉ
par M. Pierre LEQUILLER,
Député.
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(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.
La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.
SOMMAIRE
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Pages
AVANT-PROPOS DE M. PIERRE LEQUILLER, Président de la Délégation pour l'Union européenne, ancien membre titulaire de la Convention européenne 9
AVANT-PROPOS DE M. JACQUES FLOCH, Député, ancien membre suppléant de la Convention européenne 13
PREMIERE PARTIE : LA CONFIRMATION DES PRINCIPAUX ACQUIS DE LA CONVENTION 17
I. LE RESPECT DES EQUILIBRES DU PROJET ELABORE PAR LA CONVENTION 19
A. Le préambule et l'absence de référence aux valeurs chrétiennes 19
1) L'absence de référence aux valeurs chrétiennes 19
2) La suppression de la citation de Thucydide 20
B. Les signes de l'Union 21
C. L'architecture institutionnelle 21
1) Une présidence stable du Conseil européen 21
2) La désignation du Président de la Commission 23
3) Le ministre européen des affaires étrangères 23
D. La reconnaissance explicite de la personnalité juridique 25
E. La répartition des compétences 26
1) La classification des compétences 26
2) La clause de flexibilité 27
3) L'instauration d'un mécanisme de contrôle du respect du principe de subsidiarité 27
F. Une meilleure prise en compte du rôle des parlements nationaux 28
1) Les deux protocoles sur le rôle des Parlements nationaux et sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité 28
2) Les autres dispositions de la Constitution relatives à l'association des parlements nationaux 29
G. La simplification des instruments et des procédures 30
1) La réduction du nombre d'instruments juridiques 30
2) La généralisation de la « procédure législative européenne » 31
H. La confirmation d'un droit d'initiative populaire 33
I. La clause de solidarité 33
J. La clause de retrait volontaire de l'Union 34
II. LES COMPLEMENTS ET PRECISIONS APPORTEES PAR LA CONFERENCE INTERGOUVERNEMENTALE 35
A. Les valeurs de l'Union 35
1) La mention expresse de l'égalité entre les femmes et les hommes 35
2) Le respect du droit des personnes appartenant à des minorités 36
3) La protection et le bien-être des animaux 37
B. Les objectifs de l'Union 37
C. L'égalité des Etats membres devant la Constitution 38
D. L'ajout de nouveaux domaines d'action 38
1) La santé publique 38
2) Le tourisme 39
3) Le sport 40
E. La portée de la primauté du droit de l'Union 40
F. La constitutionnalisation de la Charte des droits fondamentaux 41
G. Les services d'intérêt général 42
H. La sauvegarde de l'exception culturelle dans le cadre de la politique commerciale commune 42
I. Les Territoires d'Outre-Mer 43
SECONDE PARTIE : LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTEES AU PROJET ELABORE PAR LA CONVENTION 45
I. LES TERMES DU NOUVEAU COMPROMIS INSTITUTIONNEL 47
A. La composition de la Commission 47
B. La définition de la majorité qualifiée 49
1) Le relèvement des seuils 49
2) La définition d'une minorité de blocage 50
3) L'introduction d'un mécanisme de « Ioannina » 51
C. La composition du Parlement européen 51
D. Le Conseil de l'Union 52
a) La suppression du Conseil législatif 52
b) Le maintien de la présidence tournante pour les formations sectorielles du Conseil 53
E. Le régime juridique des coopérations renforcées 54
1) La décision de recourir à une coopération renforcée 54
2) L'application de la « clause passerelle » à l'intérieur des coopérations renforcées 56
F. La procédure budgétaire 56
1) Concernant les ressources propres 56
2) Concernant les dépenses : le rééquilibrage des pouvoirs entre le Parlement européen et le Conseil dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle 58
G. La procédure de révision de la Constitution 60
1) La procédure ordinaire de révision s'appliquant à toutes les parties de la Constitution 60
a) Une procédure lourde : la convocation d'une Convention puis d'une Conférence intergouvernementale 60
b) Une procédure allégée pour les révisions ne justifiant pas la convocation d'une Convention 61
2) Une procédure simplifiée pour la modification des dispositions relatives aux politiques et actions internes de l'Union 61
3) La clause passerelle : le passage de l'unanimité à la majorité qualifiée et de la procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire 62
II. LA LIMITATION DU CHAMP DE LA MAJORITE QUALIFIEE 65
A. Les clauses de « frein » et d'« accélérateur » prévues dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale 65
B. Le maintien de l'unanimité dans le domaine fiscal 66
C. L'instauration d'une « clause d'appel » dans le domaine de la sécurité sociale 66
D. Le maintien de l'unanimité pour l'adoption du cadre financier pluriannuel 67
III. LA DEFINITION ET LES MODALITES DE MISE EN ŒUVRE DES POLITIQUES DE L'UNION 69
A. La politique sociale 69
1) L'instauration d'une clause sociale transversale 69
2) La constitutionnalisation du sommet social tripartite pour la croissance et l'emploi 70
B. L'espace de liberté, de sécurité et de justice 71
1) Eurojust et le Parquet européen 71
a) Les compétences d'Eurojust 71
b) Un parquet européen aux compétences plus limitées 71
2) La dérogation supplémentaire accordée au Royaume-Uni et à l'Irlande 72
C. La gouvernance économique 72
1) Les dispositions propres aux Etats membres de la zone euro 72
2) L'adhésion de nouveaux pays à l'euro 73
3) La déclaration sur le Pacte de stabilité et de croissance 73
4) Les mesures relatives aux déficits excessifs 74
D. La politique de sécurité et de défense commune 74
1) Les précisions apportées à la clause de défense mutuelle 75
2) Le régime juridique de la « coopération structurée permanente » 76
3) Les objectifs de la coopération structurée permanente : une étape supplémentaire vers une défense intégrée (protocole sur la coopération structurée permanente) 76
CONCLUSION 79
TRAVAUX DE LA DELEGATION 81
· Réunion du mardi 25 mai 2004 : audition de M. Pierre Sellal, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne 81
· Réunion du mardi 1er juin 2004 : audition de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères 93
· Réunion du mardi 22 juin 2004 : audition de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen de Bruxelles des 17 et 18 juin 2004 101
ANNEXES 117
Annexe 1 : Compte rendu de la mission effectuée au Danemark par M. Guy Lengagne, les 7 et 8 mars 2004, sur le suivi de la Conférence intergouvernementale 119
Annexe 2 : Constitution européenne 127
AVANT-PROPOS DE M. PIERRE LEQUILLER,
Président de la Délégation pour l'Union européenne,
ancien membre titulaire de la Convention européenne
Le 18 juin 2004, les chefs d'Etat et de gouvernement ont conclu un accord sur la Constitution européenne. Cette date, pour le moins symbolique, restera gravée dans l'histoire de la construction d'une Europe unie. Elle marque la naissance de l'Europe politique et d'une ambition commune au service de 450 millions de citoyens.
A Bruxelles, les dirigeants de l'Union ont pris la mesure de leurs responsabilités, quelques jours seulement après des élections européennes marquées par un taux d'abstention élevé et particulièrement préoccupant dans les nouveaux pays membres. L'Europe est souvent mal comprise et mal aimée, en quête d'une vision et d'un projet fédérateur. Les querelles de pouvoir ont assez duré soulignant que nous avons plus que jamais besoin, en Europe, d'institutions stables et pérennes au service de politiques ambitieuses. L'Europe du XXIe siècle ne pourra plus avancer masquée.
L'accord du 18 juin est une étape historique, mais une étape seulement, dans le cadre du processus lancé en décembre 2001 lorsque les dirigeants européens ont adopté la Déclaration de Laeken qui a posé en termes clairs une série de questions fondamentales pour l'avenir de l'Union : comment renforcer la capacité d'impulsion de l'Union et donner un leadership et un visage à l'Europe ? Selon quelles règles répartir les compétences entre l'Union et les Etats membres ? Comment simplifier et rendre compréhensible l'Europe auprès des citoyens ? Par quels moyens rapprocher l'Europe des peuples et améliorer son fonctionnement démocratique ? En d'autres termes, cette Déclaration traçait la voie vers une Constitution de l'Union avec la convocation d'une Convention que Valéry Giscard d'Estaing saura présider avec brio.
Ce fut une aventure politique et humaine passionnante : pendant dix sept mois, du 28 février 2002 au 18 juillet 2003, la Convention a travaillé à écrire la première Constitution de l'Europe. J'ai eu l'honneur d'y représenter l'Assemblée nationale et nous avons toujours gardé à l'esprit cette question essentielle : l'Europe, pour quoi faire ? Au cours de son existence, la Convention a traversé plusieurs épreuves, dont la plus difficile fut la division des Européens sur la guerre en Irak. A aucun moment pourtant, nous n'avons dévié des objectifs communs à l'immense majorité des conventionnels : bâtir l'Europe pour assurer la sécurité des peuples, promouvoir nos valeurs dans un monde toujours plus incertain, soutenir une croissance économique durable et respectueuse de l'environnement dans le contexte de la mondialisation ; en d'autres termes, construire et transmettre un patrimoine aux générations futures.
La Conférence intergouvernementale s'est ouverte à Rome le 4 octobre 2003 dans un climat d'incertitude, parfois de défiance, marqué par l'opposition de deux pays, l'Espagne et la Pologne, au compromis institutionnel que proposait la Convention. L'échec retentissant du Conseil européen du 13 décembre 2003 allait plonger l'Union dans le doute et l'avenir de la Constitution semblait bien compromis. C'est une nouvelle fois dans l'épreuve que les Européens se sont rassemblés et les attentats tragiques de Madrid ont relativisé les querelles institutionnelles. Grâce à l'habileté de la présidence irlandaise, et en particulier à celle de M. Bertie Ahern à qui je souhaite rendre hommage, les Vingt-cinq ont progressé dans la voie d'un accord acceptable par tous. La Constitution adoptée le 18 juin représente le meilleur compromis possible au regard des positions exprimées par les uns et par les autres. Valéry Giscard d'Estaing s'est d'ailleurs réjoui de constater que la Conférence intergouvernementale a repris à son compte 90% du projet de la Convention. La Constitution comporte des avancées sans précédent notamment en termes de démocratisation et d'efficacité de l'architecture institutionnelle, grâce à une plus grande capacité décisionnelle.
L'Europe a toujours avancé. La Constitution du 18 juin est un excellent texte ; elle n'est ni de droite, ni de gauche : elle est le reflet de la diversité qui caractérise vingt-cinq pays qui veulent mettre en commun ce qu'ils ont de meilleur. Certains progrès sensibles ont été réalisés par rapport au texte de la Convention, notamment en matière sociale avec l'instauration d'une clause sociale transversale et la constitutionnalisation du sommet social tripartite pour la croissance et l'emploi.
Ce rapport d'information n'a pas vocation à présenter de façon exhaustive le contenu de la Constitution ; le lecteur pourra se référer au rapport publié l'an dernier par la Délégation pour l'Union européenne(1) à l'issue des travaux de la Convention. L'objet du présent document vise en revanche à souligner les changements apportés par la Conférence intergouvernementale au projet initial élaboré par la Convention. La version consolidée provisoire(2) de la Constitution figure intégralement en annexe du rapport.
AVANT-PROPOS DE M. JACQUES FLOCH,
Député, ancien membre suppléant
de la Convention européenne
Malgré tout, ce sera Oui !
C'est parti ! Le débat sur l'avenir de la construction européenne va enfin commencer dans notre pays.
Ceux qui ont travaillé sur la proposition de Traité constitutionnel à la Convention en 2002 et 2003 attendaient avec impatience les résultats des travaux des chefs d'Etat et de gouvernement.
Qu'allaient-ils faire ? Des propositions, des réflexions ? Tout serait-il à refaire, à reconstruire ? Avancées, reculs, chacun en discute, en dispute aujourd'hui, trop souvent de manière péremptoire : il n'y avait rien de bon dans la « Constitution Giscard » ! Qu'en reste-t-il aujourd'hui si l'on entend les commentaires « bien informés » ?
Le texte définitif sera formellement signé à l'automne par les dirigeants européens : « un socle fragile, en deçà des ambitions initiales, une Europe minimale, ce n'est pas la grande aventure historique attendue, accord à l'arraché, une cote mal taillée, un texte qui grave dans le marbre l'idéologie libérale, insulte historique à la démocratie, abdication de l'indépendance nationale, une douche froide... ». Il ne faut plus en jeter, la cour est pleine !
Cette surabondance de qualificatifs négatifs, voire hostiles, est une sorte de pression intellectuelle sur tous ceux qui seraient tenter de faire une autre analyse, ceux qui par exemple diraient : « malgré tout : oui !... » :
- oui pour les avancées institutionnelles, c'est-à-dire leurs simplifications, auxquelles il faut ajouter une meilleure clarté démocratique ;
- l'élection par les chefs d'Etat et de gouvernement du Président du Conseil européen pour 30 mois ;
- l'élection du Président de la commission par le parlement européen, ainsi se dégagera clairement une majorité et une opposition ;
- un parlement, véritable législateur d'autant que les directives européennes deviennent des lois ;
- la majorité qualifiée élargie ;
- la proposition populaire : un million d'européens pourront proposer une résolution, un texte de loi ;
- oui pour l'introduction de la Charte des droits fondamentaux (deuxième partie du texte). Que chacun en relise le contenu, c'est l'ensemble des droits politiques, économiques, sociaux, civils acquis chèrement aux cours des siècles par les Européens qu'ils trouveront gravés dans le marbre ;
- oui parce que l'histoire de l'Europe unie ne s'arrête pas à ce Traité constitutionnel comme elle ne s'est pas arrêtée au Traité de Rome, de Maastricht ou plus récemment au dévastateur Traité de Nice sur lequel l'Europe va vivre jusqu'en 2009, 2014.
La grande aventure de la construction européenne est loin d'être terminée, son seul, son véritable objectif est autre chose qu'un grand marché, que des harmonisations, aussi souhaitables des différentes législations nationales.
Cette autre chose, c'est la création d'un espace de libertés, de démocratie, de progrès social, de prospérité intéressant aujourd'hui 450 millions de femmes, d'hommes, d'enfants. Nos concitoyens qui vivent en paix seront un exemple pour le monde.
La paix, un bien particulièrement sensible, absent pour plus d'un quart de l'humanité ; ceux qui n'ont pas connu l'état de guerre ne peuvent savoir combien elle est intensément espérée par ceux qui en sont privés, pourtant, ils devraient constamment soutenir l'idée que la paix est la source principale de la prospérité collective.
On peut (encore) dire oui pour des sujets plus pragmatiques telles que les coopérations renforcées (rien n'empêchera des Etats à aller plus vite et plus loin), l'autonomie de la zone euro dès lors que seuls les Etats membres de l'eurogroupe auront à discuter de leur politique économique, ou tout simplement le droit de retrait d'un Etat.
La Convention, la Conférence intergouvernementale et le Conseil européen ont fait leur travail ; la phase de débat avec les peuples est maintenant ouverte. Dans la Constitution, tout est discutable et a été discuté, mais le dernier mot doit rester aux peuples, aux nations de l'Europe unie. Dans notre pays, seul un référendum est une demande acceptable. Encore faut-il que chacun fasse convenablement, honnêtement, démocratiquement son devoir.
Ainsi, on ne votera pas pour ou contre Jacques Chirac et son gouvernement, on ne votera pas pour ou contre les oppositions. On ne votera pas pour ou contre l'Europe, l'idée d'Europe étant multiple. On votera pour ou contre un Traité constitutionnel qui apparaîtra comme un élément constructif de l'Europe ou son contraire.
Dans l'état de mes connaissances aujourd'hui du texte qui nous sera proposé, pour moi : « malgré tout, ce sera oui ! »
PREMIERE PARTIE :
LA CONFIRMATION DES PRINCIPAUX
ACQUIS DE LA CONVENTION
L'accord conclu le 18 juin 2004 par les chefs d'Etat et de gouvernement préserve les équilibres essentiels du projet élaboré par la Constitution. Qu'il s'agisse de la création d'un Président stable du Conseil européen, d'un ministre européen des affaires étrangères, de la simplification des instruments et des procédures ou encore des dispositions relatives à la vie démocratique de l'Union, la Conférence intergouvernementale a confirmé les choix opérés par la Convention.
Sur un certain nombre d'articles, les gouvernements ont apporté des modifications qui viennent préciser ou compléter le projet de la Convention.
I. LE RESPECT DES EQUILIBRES DU PROJET ELABORE PAR LA CONVENTION
Globalement, les consensus qui se sont formés au sein de la Convention, notamment dans le cadre des différents groupes de travail, n'ont pas été remis en cause par la Conférence intergouvernementale (CIG). Nombreux sont en effet les sujets sur lesquels la CIG a repris à son compte les propositions de la Convention. Un exemple significatif est celui du clivage sur la référence aux valeurs chrétiennes où la CIG n'a pu que constater l'absence de consensus pour finalement se rallier au compromis formulé par la Convention.
A. Le préambule et l'absence de référence aux valeurs chrétiennes
Innovation essentielle au regard des traités antérieurs, la Constitution est précédée d'un Préambule, qui développe les références fondamentales de l'Union et se réfère aux « héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe ». La Conférence intergouvernementale a ajouté une référence à la réunification de l'Europe, marquée par l'élargissement historique du 1er mai 2004 à dix nouveaux pays, rappelant que l'Europe est « désormais réunie au terme d'expériences amères ».
Le préambule reprend explicitement la référence à une Union « sans cesse plus étroite » qui figure en tête des deux traités actuels. Une phrase est également ajoutée par rapport au projet de la Convention pour garantir la succession des traités et la continuité juridique de l'acquis communautaire.
1) L'absence de référence aux valeurs chrétiennes
La question d'une référence ou non aux valeurs ou à l'héritage chrétien de l'Europe a été un serpent de mer des négociations sur la Constitution européenne. A moins d'un mois du Conseil européen des 17 et 18 juin 2004, sept pays de l'Union (Italie, Lituanie, Malte, Pologne, Portugal, République tchèque et Slovaquie) l'avaient à nouveau officiellement souhaité.
Malgré ces demandes répétées, le préambule ne comporte finalement aucune référence à la chrétienté, et le compromis constaté au sein de la Convention est ainsi préservé même si jusqu'au dernier moment, la Pologne a souhaité l'inscription d'une référence à Dieu ou aux racines chrétiennes, prenant pour modèle sa propre Constitution du 2 avril 1997 qui énonce que « tous les citoyens de la République, autant ceux qui croient en Dieu, source de la vérité, de la justice, de la bonté et de la beauté, que ceux qui ne partagent pas cette foi et qui puisent ces valeurs universelles dans d'autres sources [sont] égaux en droits et en devoirs envers la Pologne ».
Or la présidence irlandaise a dû constater l'absence de consensus sur cette question. L'Espagne qui était favorable à une référence aux valeurs chrétiennes sous le gouvernement conservateur de M. José Maria Aznar, ne l'était plus sous le gouvernement socialiste de M. José Luis Rodriguez Zapatero. Quant à la Belgique et à la France, elles se sont toujours opposées à une telle référence, difficilement conciliable avec le principe de laïcité.
2) La suppression de la citation de Thucydide
« Notre Constitution...est appelée démocratie parce que le pouvoir est entre les mains non d'une minorité, mais du plus grand nombre ». Thucydide II, 37
Cette citation de l'historien de l'Antiquité grecque Thucydide, auteur de la « Guerre du Péloponnèse », a finalement été retirée malgré l'insistance de la Grèce et de Chypre en faveur de son maintien.
Plusieurs pays membres auraient fait valoir que cette citation se référait au seul critère démographique alors que la construction européenne repose également sur une Union d'Etats, tous égaux entre eux.
B. Les signes de l'Union (article I-6 bis)(3)
La Convention avait décidé, lors de sa dernière session plénière, d'inscrire dans la Constitution les signes de l'Union. Ayant déjà transmis au Conseil européen la partie I de la Constitution, l'article sur les signes de l'Union figurait artificiellement dans la partie IV sur les dispositions générales et finales.
La Conférence intergouvernementale a corrigé cette incohérence et les signes de l'Union figurent désormais à l'article 6 bis de la partie I. Il s'agit de :
- son drapeau (un cercle de douze étoiles d'or sur fond bleu) ;
- son hymne (l'Ode à la Joie de la Neuvième Symphonie de Beethoven) ;
- sa devise (Unie dans la diversité) ;
- sa monnaie (l'euro) ;
- sa journée (le 9 mai).
C. L'architecture institutionnelle
1) Une présidence stable du Conseil européen (article I-21)
La suppression de la présidence semestrielle du Conseil européen, et son remplacement par un Président stable élu pour un mandat de deux ans et demi renouvelable une fois est l'une des principales innovations de la Constitution européenne que la Conférence intergouvernementale n'a, à aucun moment, envisagé de remettre en cause. Dans une Union composée de 25 membres et plus, la présidence tournante tous les six mois perd en effet de sa pertinence (un Etat présiderait l'Union au mieux une fois tous les 12 ans et demi...) et nuit à l'émergence d'un leadership européen.
Le Président du Conseil européen sera un président à temps plein, en raison de l'interdiction d'un cumul avec un mandat national. Il n'existe en revanche, en théorie, aucune incompatibilité avec l'exercice d'une autre fonction européenne, ce qui pourrait un jour permettre la désignation d'un Président unique de l'Union, coiffant la présidence du Conseil européen et celle de la Commission(4).
Le Conseil européen devient une institution à part entière(5), qui adopte des décisions et peut voter, et dont les actes sont susceptibles d'un contrôle par la Cour de justice. Les attributions du Conseil européen ne sont pas modifiées par rapport aux traités actuels, la Constitution précisant explicitement qu'il n'a pas de rôle législatif.
La définition que donne la Constitution du rôle du Président correspond largement à la pratique actuelle. Il a pour fonction :
- d'assurer à son niveau et dans sa qualité la représentation extérieure de l'Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commune, sans préjudice des compétences du ministre des affaires étrangères de l'Union ;
- de présider et d'animer les travaux du Conseil européen, comme le faisait le chef d'Etat ou de gouvernement qui assurait la présidence semestrielle de l'Union ;
- d'œuvrer en faveur de la recherche du consensus entre les Etats membres ;
- de dialoguer avec les autres institutions : il est, à ce titre, chargé de remettre le rapport du Conseil européen devant le Parlement européen après chacune de ses réunions.
2) La désignation du Président de la Commission (article I-26)
La Conférence intergouvernementale a confirmé les dispositions contenues dans le projet de la Convention relatives aux modalités de désignation du Président de la Commission européenne. Alors que le traité actuel prévoit qu'il est désigné par le Conseil européen puis soumis à l'approbation du Parlement européen, la Constitution énonce désormais que la proposition du Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, doit tenir compte des élections au Parlement européen.
Le candidat proposé par le Conseil européen - après qu'il ait été procédé aux consultations appropriées, c'est-à-dire avec le Parlement européen - doit être élu par le Parlement européen à la majorité des membres qui le composent. Si tel n'est pas le cas, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose dans le délai d'un mois un nouveau candidat qui devra être élu par le Parlement européen selon la même procédure.
3) Le ministre européen des affaires étrangères (article I-27)
La Constitution créée un ministre des affaires étrangères de l'Union à « double casquette », réunissant les fonctions de Haut représentant et de Commissaire chargé des relations extérieures qu'il devra exercer selon les procédures propres à chaque domaine. Il est l'un des vice-présidents de la Commission.
Le ministre des affaires étrangères de l'Union est nommé et révoqué par le Conseil européen statuant à la majorité qualifiée, avec l'accord du Président de la Commission. Il est soumis, avec le reste du collège des commissaires, à un vote d'approbation par le Parlement européen, qui peut le démettre des fonctions qu'il exerce au sein de la Commission en adoptant une motion de censure contre ce même collège. Il doit également démissionner si le Président de la Commission le propose, et si le Conseil européen, d'un commun accord avec le Président de la Commission, le décide.
Le ministre des affaires étrangères préside le Conseil des affaires étrangères de l'Union. Il a pour missions de conduire la politique étrangère et de sécurité commune, de contribuer à son élaboration et de l'exécuter en tant que mandataire du Conseil ; il agit de même en ce qui concerne la politique de sécurité et de défense.
Au sein de la Commission, il est chargé des responsabilités qui incombent à celle-ci dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l'action extérieure de l'Union.
Dans l'accomplissement de son mandat, il s'appuie sur un service européen pour l'action extérieure, composé de fonctionnaires du Secrétariat général du Conseil, de la Commission ainsi que de personnels détachés des services diplomatiques nationaux. La CIG a précisé que l'organisation et le fonctionnement de ce service européen pour l'action extérieure sont fixés par une décision européenne du Conseil, sur proposition du ministre des affaires étrangères et non de la Commission. Cette décision européenne du Conseil nécessite toutefois l'approbation de la Commission et la consultation du Parlement européen. Une déclaration annexée, ajoutée par la CIG, prévoit que les travaux préparatoires relatifs à la création de ce service européen pour l'action extérieure commenceront dès la signature de la Constitution.
Président du Conseil « Affaires étrangères » et simultanément vice-président de la Commission, le ministre des affaires étrangères dispose d'un droit d'initiative. Conformément au projet de la Convention, le Conseil statue à la majorité qualifiée « lorsqu'il adopte une décision européenne qui définit une action ou une position de l'Union sur proposition du ministre des Affaires étrangères de l'Union présentée à la suite d'une demande spécifique que le Conseil européen lui a adressée de sa propre initiative ou de celle du ministre ».
La Constitution prévoit trois autres cas où le Conseil, par dérogation à l'unanimité requise dans le domaine de la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC), statue à la majorité qualifiée :
- lorsqu'il adopte une décision européenne qui définit une action ou une position de l'Union sur la base d'une décision européenne du Conseil européen portant sur les intérêts et objectifs stratégiques de l'Union ;
- lorsqu'il adopte une décision européenne mettant en œuvre une décision européenne qui définit une action ou une position de l'Union ;
- lorsqu'il adopte une décision européenne portant sur la nomination d'un représentant spécial.
La Constitution invite le ministre des affaires étrangères à rechercher les consensus. En effet, si un membre du Conseil déclare que, pour des raisons de politique nationale vitales et qu'il expose, il a l'intention de s'opposer à l'adoption d'une décision européenne devant être adoptée à la majorité qualifiée, il n'est pas procédé au vote. Le ministre des Affaires étrangères de l'Union doit alors rechercher, en étroite consultation avec l'Etat membre concerné, une solution acceptable pour celui-ci. Une clause d'appel au Conseil européen peut, le cas échéant, être activée puisqu'en l'absence de résultat, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut demander que le Conseil européen soit saisi de la question en vue d'une décision européenne à l'unanimité.
D. La reconnaissance explicite de la personnalité juridique (article I-6)
Si la Communauté européenne (CE) bénéficie actuellement de la personnalité juridique (article 281 TCE), les dispositions des traités restent ambiguës quant à la personnalité juridique de l'Union (UE). La Constitution reconnaît donc explicitement cette personnalité juridique. Il s'agit cependant d'une confirmation plus que d'un véritable changement, l'Union européenne s'étant déjà vu reconnaître le pouvoir de conclure des accords internationaux avec des pays tiers (tels ceux conclus entre l'Union et les Etats-Unis, le 25 juin 2003, en matière d'extradition et d'entraide judiciaire).
Ainsi, la simplification des traités peut se faire à travers la fusion dans un texte unique et une personnalité morale unique
- l'Union - que réalise la Constitution. En conséquence, les trois « piliers(6) » sont supprimés, et il ne demeure plus que l'Union avec des procédures de décision différenciées selon les domaines d'action.
E. La répartition des compétences
La clarification de la répartition des compétences était un point central du mandat de la Convention, et figurait parmi les quatre questions posées par la Déclaration sur l'avenir de l'Union, annexée au traité de Nice. La Déclaration de Laeken, adoptée en décembre 2001, dégageait également un certain nombre de pistes de réflexion vers une clarification du système actuel.
1) La classification des compétences (article I-11)
La Conférence intergouvernementale n'est pas revenue sur la classification des compétences envisagée dans le projet élaboré par la Convention, et la Constitution reprend le principe selon lequel « toute compétence non attribuée à l'Union dans la Constitution appartient aux Etats membres ».
Dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité, la Constitution présente désormais une liste des compétences organisées selon trois catégories :
- les compétences exclusives (article I-12) ;
- les compétences partagées (article I-13) ;
- les actions d'appui, de coordination ou de complément (article I-16).
A côté des compétences de l'Union relevant de ces trois catégories, la Constitution traite à part, et sans changement sur le fond (en termes de compétences), par rapport aux traités actuels, les compétences de coordination de l'Union en matière économique(7) (en ajoutant toutefois explicitement les politiques de l'emploi), et les compétences de l'Union dans le domaine de la politique étrangère et de la défense(

.
Par ailleurs, la Constitution officialise la « méthode ouverte de coordination », en particulier dans le domaine social, de la recherche, de la santé publique et de l'industrie.
2) La clause de flexibilité (article I-17)
La Constitution maintient la clause de flexibilité qui, sous sa forme actuelle (article 308 TCE) autorise une action de la Communauté alors même que le traité n'a pas prévu les pouvoirs d'action requis, dès lors que cette action « apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté ».
La Constitution propose une formulation plus large, qui ne fait plus référence au fonctionnement du marché intérieur et ne s'applique plus seulement aux questions relevant du « pilier » communautaire. Les nouvelles dispositions de l'article I-17 de la Constitution s'appliquent ainsi à l'ensemble des objectifs et des politiques de l'Union.
En revanche, la Constitution rend plus contraignante la procédure de recours à cette flexibilité en la soumettant à l'information préalable des parlements nationaux et à l'approbation (et non plus l'avis) du Parlement européen.
3) L'instauration d'un mécanisme de contrôle du respect du principe de subsidiarité
Afin de contrôler que l'Union n'intervienne pas dans des domaines où elle n'est pas compétente, un protocole annexé à la Constitution prévoit un mécanisme de contrôle du respect du principe de subsidiarité, confié aux parlements nationaux. Il s'agit d'un contrôle politique ex ante qui peut se doubler d'un contrôle juridictionnel ex post.
La Commission européenne sera désormais dans l'obligation de motiver systématiquement ses propositions législatives au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Chaque parlement national (et chaque chambre dans le cas des parlements bi-caméraux) pourra, dans le délai de six semaines à compter de la réception de la proposition législative, émettre un avis motivé contenant les raisons pour lesquelles la proposition en cause serait considérée comme non conforme au principe de subsidiarité.
Au cas où au moins un tiers des parlements nationaux(9) (un quart s'agissant des propositions législatives relatives à l'espace de liberté, de sécurité et de justice) émettraient un avis motivé sur le non-respect du principe de subsidiarité, la Commission sera tenue de procéder à un réexamen et pourra alors décider soit de maintenir sa proposition, soit de la modifier, soit de la retirer.
Un second contrôle, de nature juridictionnelle, est également possible, après l'entrée en vigueur d'un acte européen. Les parlements nationaux, par l'intermédiaire de leurs gouvernements respectifs et le Comité des Régions - pour les actes pour lesquels la Constitution prévoit sa consultation - auront la possibilité de saisir la Cour de justice de l'Union européenne.
F. Une meilleure prise en compte du rôle des parlements nationaux
1) Les deux protocoles sur le rôle des Parlements nationaux et sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité
La Constitution permettra à l'avenir une implication plus importante dans la construction européenne. De nombreuses dispositions, proposées par la Convention et confirmées par la Conférence intergouvernementale, l'attestent. Outre le rôle des parlements nationaux dans le contrôle du respect du principe de subsidiarité (cf. infra), un second protocole renforce sensiblement leur droit à l'information puisqu'ils seront désormais directement destinataires de l'ensemble des documents de consultation de la Commission (livres verts, livres blancs et communications) ainsi que de tous les projets d'actes législatifs, qu'ils émanent de la Commission ou d'un groupe d'Etats membres. Cette transmission directe signifie que les parlements nationaux recevront désormais directement les textes des institutions européennes sans que ceux-ci transitent par l'intermédiaire des gouvernements nationaux.
La transparence des travaux du Conseil de l'Union, lorsqu'il délibère sur des projets d'actes législatifs européens, est également renforcée dans la mesure où les ordres du jour et les procès verbaux des réunions seront transmis directement aux parlements nationaux, en même temps qu'aux gouvernements des Etats membres.
Par ailleurs, la Constitution reprend l'exigence déjà en vigueur depuis le traité d'Amsterdam selon laquelle un délai de six semaines doit être observé entre le moment où un projet d'acte législatif est transmis aux parlements nationaux et la date à laquelle il est inscrit à l'ordre du jour provisoire du Conseil en vue de son adoption ou de l'adoption d'une position dans le cadre d'une procédure législative. Mais une nouvelle garantie est ajoutée : celle d'un délai de dix jours qui doit être observé entre l'inscription d'un projet d'acte législatif européen à l'ordre du jour provisoire du Conseil et l'adoption d'une position. Cette disposition vise à remédier à la difficulté posée lorsque, sans prendre de décision formelle, le Conseil parvient à un accord politique avant l'expiration du délai de six semaines.
2) Les autres dispositions de la Constitution relatives à l'association des parlements nationaux
Plusieurs dispositions constitutionnelles permettent une plus grande implication des parlements nationaux dans la construction européenne :
- information de la demande d'adhésion d'un Etat (art.I-57) ;
- notification aux parlements nationaux de tous les projets de révision de la Constitution (art.IV-7-1) ;
- reconnaissance du rôle des parlements nationaux dans la procédure de révision grâce à la prorogation de la méthode de la Convention (art.IV-7-2) ;
- possibilité de s'opposer à la mise en œuvre de la clause passerelle (art.IV-7 bis) ;
- implication dans le cadre de l'espace de liberté, de sécurité et de justice avec la participation aux mécanismes d'évaluation (art.III-161) et l'association au contrôle politique d'Europol (art.III-177) et à l'évaluation des activités d'Eurojust (art.III-174).
G. La simplification des instruments et des procédures (articles I-32 et suivants)
1) La réduction du nombre d'instruments juridiques
La Constitution ramène de quinze à six le nombre des instruments juridiques et instaure une hiérarchie des normes en distinguant entre les actes législatifs, d'une part, et les actes d'exécution, d'autre part.
- Les actes législatifs (article I-33) sont au nombre de deux : la loi européenne et la loi-cadre européenne. Ils contiennent les éléments essentiels et opèrent les choix politiques fondamentaux de l'Union.
- Les actes d'exécution (article I-36) sont le règlement et la décision. Ils sont utilisés pour la mise en œuvre des actes législatifs et relèvent en règle générale de la compétence de la Commission, et à titre exceptionnel, de celle du Conseil.
La Constitution prévoit également des instruments juridiques spécifiques dans certaines domaines tels que la PESC.
- La Constitution mentionne deux instruments juridiquement non contraignants que sont la recommandation et l'avis.
Une nouvelle catégorie d'instruments est créée avec les « règlements européens délégués » (article I-35) qui peuvent compléter ou modifier certains éléments non essentiels de la loi ou de la loi-cadre européenne. Cette délégation législative s'accompagne toutefois d'un droit d'évocation (« call back ») permettant au législateur de contrôler la mise en œuvre, par la Commission, de ce pouvoir législatif délégué.
2) La généralisation de la « procédure législative européenne »
La Constitution étend sensiblement le champ d'application de la procédure de codécision, désormais nommée « procédure législative ordinaire », qui place le Parlement européen sur un pied d'égalité avec le Conseil de l'Union.
Cette extension conduit à un net renforcement des pouvoirs du Parlement européen puisque 27 domaines d'action de l'Union passent à la procédure législative, et concernent principalement :
- le marché intérieur (art III-24, III-29, III-32, et III-46-2) ;
- la gouvernance économique et l'Union économique et monétaire (art. III-71-6 et III-79-5) ;
- la justice et les affaires intérieures (art. III-163, III-166-2, III-167, III-171, III-172, III-173, III-177) ;
- la Cour de justice (art. III-264, III-269, III-289) ;
- le budget européen (art. III-318, III-319) ;
- les accords commerciaux (art III-217-2) ;
- l'agriculture (art. III-126-1, III-127-2).
Les nouvelles compétences reconnues à l'Union sont toutes soumises à la procédure législative ordinaire, ajoutant ainsi huit nouveaux domaines dans lesquels le Parlement européen légifère sur un pied d'égalité avec le Conseil :
- le sport (article III-182) ;
- la protection civile (article III-184) ;
- la propriété intellectuelle (article III-6

;
- l'espace (article III-150) ;
- la coopération administrative (article III-185) ;
- les mesures nécessaires à l'usage de l'euro (article III-83) ;
- les sanctions financières contre des personnes ou des groupes criminels (article III-49) ;
- l'énergie (article III-157).
Dans les domaines qui restent soumis à une procédure législative spéciale, le Parlement européen obtient néanmoins un renforcement de ses pouvoirs :
- pouvoir d'initiative et dernier mot sur la loi définissant les modalités d'exercice de son droit d'enquête (article III-235);
- procédure d'approbation sur les modalités des « ressources propres » (article I-53 § 4) au lieu d'une simple consultation ;
- procédure d'approbation sur l'extension des droits liés à la citoyenneté (article III-13) ;
- pouvoir de consultation dans plusieurs domaines où il n'avait aucun droit de regard telles que les mesures nécessaires pour faciliter la protection diplomatique et consulaire des citoyens de l'Union (article III-11).
Par ailleurs, le Parlement européen devra être consulté en ce qui concerne :
- la décision du Conseil d'utiliser la « clause passerelle » (article IV-7 bis) ;
- les mesures concernant les passeports, cartes d'identité, titres de séjour, protection et sécurité sociale (article III-9) ;
- le régime linguistique des titres de propriété intellectuelle (article III-6

.
Enfin, en matière d'accords internationaux, l'extension de la procédure législative entraînera la procédure d'approbation pour les accords portant sur ces domaines (article III-226).
H. La confirmation d'un droit d'initiative populaire (article I-46 § 4)
La Constitution, conformément à ce qu'avait proposé la Convention, prévoit la possibilité pour au moins au million de ressortissants d'un nombre significatif d'Etats membres, d'inviter la Commission, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition d'acte juridique sur un sujet particulier, sans pour autant qu'elle soit dans l'obligation juridique de le faire.
La Conférence intergouvernementale est venue préciser que la loi européenne qui définira la procédure requise pour la présentation d'une telle initiative citoyenne, devra prévoir le nombre minimum d'Etats membres dont les ressortissants qui la présentent devront provenir. Il s'agit d'éviter que de telles initiatives soient détournées au profit de groupes d'intérêt nationaux émanant d'Etats fortement peuplés et pour lesquels la réunion d'un million de signature pourrait intervenir essentiellement dans le cadre national.
I. La clause de solidarité (article I-42)
La clause de solidarité joue lorsqu'un Etat membre est l'objet d'une attaque terroriste ou la victime d'une catastrophe naturelle ou d'origine humaine ; cette clause a été maintenue sans changement par la Conférence intergouvernementale. Elle prévoit que l'Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les Etats membres notamment pour prévenir la menace terroriste sur le territoire des Etats membres et porter assistance à un Etat membre sur son territoire à la demande de ses autorités politiques en cas de catastrophe naturelle ou d'origine humaine.
Les tragiques attentats qui ont frappé l'Espagne le 11 mars 2004 ont entraîné une mise en œuvre anticipée de cette clause par le Conseil européen, à travers la déclaration sur la lutte contre le terrorisme adoptée le 25 mars 2004.
J. La clause de retrait volontaire de l'Union (article I-59)
La Constitution permet à tout Etat membre de se retirer volontairement de l'Union. Jusqu'à présent, les traités ne prévoyaient pas cette possibilité, et la doctrine reste divisée sur l'existence ou non d'une possibilité implicite de retrait unilatéral.
Il est important de préciser que la procédure de retrait volontaire est indépendante de toute procédure de révision de la Constitution. De même, la non-ratification par un Etat membre de la Constitution n'entraînerait pas juridiquement son retrait de l'Union.
L'activation de la clause de retrait conduit à la négociation d'un accord entre l'Etat concerné et le Conseil. La Constitution cesse d'être applicable à l'Etat concerné au plus tard deux ans après la notification de la demande du retrait, et à défaut même d'accord sur les modalités de ce retrait.
II. LES COMPLEMENTS ET PRECISIONS APPORTEES PAR LA CONFERENCE INTERGOUVERNEMENTALE
Sans céder à la tentation du « détricotage », la Conférence intergouvernementale a apporté des précisions et des ajouts à un certain nombre de dispositions du projet de la Convention, afin de répondre aux multiples demandes formulées par les Etats membres.
A. Les valeurs de l'Union
1) La mention expresse de l'égalité entre les femmes et les hommes (article I-2)
L'article I-2 de la Constitution énonce les valeurs de l'Union : respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, Etat de droit, respect des droits de l'homme, y inclus les droits des personnes appartenant à des minorités.
Une seconde phrase énonce que « ces valeurs sont communes aux Etats membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes ». Cette référence explicite à l'égalité entre les sexes a été ajoutée par la Conférence intergouvernementale. Cette mention pourrait toutefois paraître redondante avec l'exigence de « non-discrimination » qui inclut naturellement l'égalité entre les sexes.
Les mouvements féministes auraient préféré hisser au rang de valeur de l'Union l'égalité entre les femmes et les hommes, en la plaçant dans la première phrase de l'article I-2, qui doit se lire en relation avec l'article I-58 selon lequel un risque clair de violation grave d'une des valeurs européennes par un Etat membre peut engager la procédure d'alerte et de sanction contre cet Etat, pouvant comporter la suspension des droits d'appartenance à l'Union, en cas de violation constatée.
Toutefois, dans la troisième partie de la Constitution, l'article III-2 fait de l'élimination des inégalités et de la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes une clause transversale applicable à l'ensemble des politiques et actions de l'Union, telles que définies dans la partie III de la Constitution.
Sur le fondement de cette base juridique, la Cour de Justice pourrait donc être amenée à annuler un acte européen au motif qu'il entrerait en contradiction avec cet objectif.
L'article III-2 fait l'objet d'une Déclaration annexée à l'Acte final qui souligne que l'action de l'Union pour éliminer les inégalités entre les sexes comprend notamment la lutte contre toutes les formes de violence domestique. A cet effet, il est rappelé que les Etats membres doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et réprimer ces actes criminels ainsi que pour soutenir et protéger les victimes.
2) Le respect du droit des personnes appartenant à des minorités (article I-2)
A la demande de la Hongrie, la Conférence intergouvernementale a ajouté à la liste des valeurs de l'Union énumérées à l'article I-2, les droits des personnes appartenant à des minorités. Cette revendication s'expliquait par le nombre important de Hongrois vivant dans les pays voisins (Croatie, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie et Ukraine) qui est estimé à environ 3,5 millions de personnes.
En France, une référence aux droits des minorités en tant que groupe distinct est contraire au principe constitutionnel d'indivisibilité de la République. Une précaution rédactionnelle a ainsi été prise puisque la formulation retenue par la Constitution européenne fait référence non pas à un quelconque droit collectif mais aux droits des personnes appartenant à des minorités. Cette rédaction ne devrait ainsi vraisemblablement pas être déclarée contraire à la Constitution française.
En vertu de l'article I-58 de la Constitution européenne, la violation des droits des personnes appartenant à des minorités pourra donc entraîner le déclenchement d'une procédure de sanction à l'égard d'un Etat membre, allant le cas échéant, jusqu'à la suspension de son appartenance à l'Union.
3) La protection et le bien-être des animaux (article III-5 bis)
Un article III-5 bis a été ajouté par la Conférence intergouvernementale afin de prévoir une clause transversale relative au respect, dans la formulation et la mise enœuvre des politiques de l'Union, « du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles ». Cette disposition, demandée notamment par le Royaume-Uni et activement soutenue par les associations de protection des animaux, vise à améliorer les conditions de transports des animaux et à encadrer plus strictement l'utilisation des animaux dans le cadre des activités de recherche et de développement technologique.
On notera cependant que l'exigence de bien être des animaux doit respecter les usages des Etats membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux. La fête musulmane de l'Aïd-el-Kebir ou la pratique des corridas, par exemple, ne sont donc pas concernées par cette disposition.
B. Les objectifs de l'Union (article I-3)
L'article I-3 de la Constitution énonce les principaux objectifs justifiant l'existence de l'Union pour l'exercice de certaines compétences en commun au niveau européen. Chacun d'entre eux recouvre un certain nombre de politiques et d'objectifs précis figurant dans la partie III de la Constitution. Tous les objectifs mentionnés dans le projet de la Convention sont maintenus, notamment les principes de diversité culturelle et linguistique.
Aux objectifs énoncés dans le projet de la Convention, la Conférence intergouvernementale a ajouté la stabilité des prix, dont la Banque centrale européenne est la garante. Alors qu'un débat se développe actuellement sur une redéfinition des missions de la BCE qui tienne davantage compte de l'objectif de croissance économique, on notera que cet ajout aux objectifs de l'Union figure sur le même plan qu'une « économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement ».
C. L'égalité des Etats membres devant la Constitution (article I-5)
A la demande du Portugal, l'article I-5 relatif aux relations entre l'Union et les Etats membres mentionne désormais explicitement que « l'Union respecte l'égalité des Etats membres devant la Constitution ».
Cette disposition trouve sa traduction juridique dans plusieurs articles de la Constitution qui concernent notamment les règles de composition de la Commission (selon une rotation égalitaire) ou encore les modalités de présidence des formations sectorielles du Conseil de l'Union.
D. L'ajout de nouveaux domaines d'action
1) La santé publique (articles I-3 et III-179)
Les aménagements, à l'article III-179, relatifs aux facultés d'intervention de l'Union en matière de santé publique sont de trois ordres :
- d'une part, ils visent à améliorer la gestion des risques qui dépassent le cadre d'un seul Etat en ajoutant aux compétences de l'Union, tant la surveillance des menaces transfrontières graves sur la santé que l'encouragement à la coopération des services de santé dans les régions transfrontalières ;
- d'autre part, ils permettent l'intervention d'une loi ou d'une loi-cadre européenne pour fixer les normes de qualité comme de sécurité des produits médicaux et dispositifs à usage médical ainsi que pour déterminer les mesures de surveillance, d'alerte et d'intervention en cas de menaces transfrontières graves sur la santé ;
- enfin, ils étendent au tabac et à l'abus d'alcool les compétences de l'Union en matière de lutte contre les grands fléaux.
Le dernier ajout, au paragraphe 7 de l'article III-179, clarifie certains aspects de l'articulation des actions de l'Union et des Etats membres en matière de santé publique.
- D'une part, il prévoit le respect de la compétence de ces derniers quant à la définition de leur politique de santé, et non plus seulement quant à l'organisation et à la fourniture de services de santé et de soins médicaux.
- D'autre part, il confirme que la gestion des services de santé et des soins médicaux comme l'allocation des ressources qui leur sont consacrées, relèvent bien de la responsabilité des Etats membres.
2) Le tourisme (articles I-16 et III-181 bis)
Selon les estimations de la Commission européenne, le tourisme représente directement 5% du PIB total de l'Union, concerne 2,2 millions d'entreprises et 7,7 millions d'emplois.
Le tourisme a été ajouté dans la liste des actions d'appui, de coordination ou de complément de l'article I-16. Mais davantage qu'une nouvelle compétence, il s'agit en réalité de la formalisation d'une action d'appui que l'Union exerce déjà en pratique.
Une disposition nouvelle a également été insérée dans la partie III (article III-181 bis), qui prévoit que l'action de l'Union vise à encourager la création d'un environnement favorable au développement des entreprises dans ce secteur et à favoriser la coopération entre Etats membres, notamment pour l'échange de bonnes pratiques.
S'agissant d'une action d'appui, toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres demeure exclue.
3) Le sport (articles I-16 et III-182)
A la différence du tourisme qui ne figurait pas dans la liste des actions d'appui de l'article I-16 du projet de la Convention, le sport y était déjà mentionné, sur le même plan que l'éducation, la jeunesse et la formation professionnelle(10).
La Conférence intergouvernementale a en réalité précisé la portée de cette compétence en rappelant, à l'article III-182, que l'Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, « tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative ».
A également été étendue au sport la promotion de la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes, en particulier avec le Conseil de l'Europe (article III-182 § 3).
E. La portée de la primauté du droit de l'Union (article I-5 bis)
Conformément à ce que proposait la Convention, l'article I-5 de la Constitution place la primauté du droit européen parmi les principes fondamentaux de l'Union.
Lors des débats au sein de la Convention, le Royaume-Uni avait souhaité la suppression de cet article considéré comme trop fédéraliste. Après s'y être finalement rallié, le gouvernement britannique a toutefois exigé qu'une déclaration soit annexée constatant, pour en encadrer la portée, que les dispositions de cet article reflètent la jurisprudence existante de la Cour de justice.
La primauté du droit européen a été consacrée par la Cour de Justice dès 1964 avec l'arrêt Costa c/ Enel et les juridictions nationales sont tenues de faire primer le droit de l'Union européenne sur le droit interne. Selon la Cour de justice, cette primauté vaut à l'égard de l'ensemble du droit national, y compris des dispositions constitutionnelles (CJCE, 1970, Internationale Handelgesellsschaft).
Dans une décision récente(11), le Conseil constitutionnel s'est déclaré incompétent pour se prononcer sur la conformité à la Constitution d'une disposition de la loi sur l'économie numérique dans la mesure où cette loi est la stricte transposition en droit français d'une directive européenne du 8 juin 2000. Le Conseil déduit en effet de l'article 88-1 de la Constitution(12) que « la transposition en droit interne d'une directive européenne résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition expresse contraire à la Constitution ». A contrario, dans tous les autres cas, le Conseil constitutionnel confirme donc une jurisprudence bien établie selon laquelle le droit de l'Union prime le droit national.
F. La constitutionnalisation de la Charte des droits fondamentaux (partie II de la Constitution)
La « constitutionnalisation » de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proposée par la Convention, n'a pas été remise en cause au cours de la Conférence intergouvernementale.
Les Britanniques, soucieux de délimiter la portée juridique de cette intégration, ont cependant obtenu qu'une référence supplémentaire aux « explications »(13) relatives à la Charte soit incluse dans la Constitution, dans les clauses finales de la Charte (art. II-52, § 7). Aux termes de cette nouvelle disposition, « il convient que les juridictions de l'Union et des Etats membres prennent dûment en considération les explications élaborées en vue de guider l'interprétation de la Charte des droits fondamentaux ». Cette référence vient compléter celle déjà ajoutée par la Convention à la fin du préambule de la Charte.
Compte tenu de l'importance qui leur est reconnue, ces explications seront rendues plus accessibles par leur publication dans une déclaration annexée à la Constitution.
Il a également été précisé que les explications visées sont celles mises à jour par la Convention. Une actualisation, tenant compte de développements jurisprudentiels récents et d'ajustements rédactionnels, a en effet été opérée par celle-ci sous l'autorité du commissaire Antonio Vitorino (qui avait présidé le groupe de travail de la Convention consacré à la Charte).
En matière de droits fondamentaux, la CIG a également renforcé le caractère contraignant de la disposition relative à l'adhésion de l'Union à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'article I-7-2 prévoit en effet que l'Union « adhère » à cette convention, et non plus qu'elle « s'emploie à [y] adhérer ».
G. Les services d'intérêt général (article III-6)
L'article III-6 de la Constitution confère une base juridique aux services d'intérêt général et souligne le rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union, conformément à l'article I-3 sur les objectifs de l'Union.
Au texte élaboré par la Convention, la Conférence intergouvernementale a ajouté, à la demande de la France et de l'Autriche, le nécessaire respect par la loi européenne de la compétence qu'ont les Etats membres, dans le respect de la Constitution, « de fournir, de faire exécuter et de financer ces services ».
H. La sauvegarde de l'exception culturelle dans le cadre de la politique commerciale commune (article III-217)
L'exigence du vote à l'unanimité est maintenue en ce qui concerne le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, « lorsque ceux-ci risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l'Union ». Cette disposition, obtenue par la France dans les derniers jours de la Convention, a donc été confirmée par la Conférence intergouvernementale.
Dans un souci de cohérence juridique, l'article III-217 prévoit un parallélisme entre la règle de vote applicable à la conclusion des accords internationaux et celle applicable à l'adoption des règles internes.
Deux autres modifications doivent être mentionnées, au regard du texte de la Convention :
- le vote à l'unanimité pour la négociation et la conclusion d'accords relatifs aux investissements étrangers directs, lorsque cet accord comprend des dispositions pour lesquelles l'unanimité est requise pour l'adoption de règles internes ;
- à la demande de la Finlande, le vote à l'unanimité pour la négociation et la conclusion d'accords dans le domaine du commerce des services sociaux, d'éducation et de santé, lorsque ceux-ci risquent de perturber gravement l'organisation de ces services au niveau national et de porter atteinte à la compétence des Etats membres pour la fourniture de ces services.
I. Les Territoires d'Outre-Mer (articles III-330 et IV-4)
La France a proposé un amendement à la Constitution (article III-330) visant à permettre l'attribution à Mayotte du statut de région ultrapériphérique et à renvoyer à un acte dérivé le soin d'organiser un régime de transition à cette fin. Cela permettra ainsi à Mayotte, en tant que région ultrapériphérique, de bénéficier de financements communautaires dès l'entrée en vigueur de la Constitution.
Un paragraphe 7 a ainsi été ajouté à l'article IV-4 qui énonce que « le Conseil européen, sur initiative de l'Etat membre concerné, peut adopter une décision européenne modifiant le statut à l'égard de l'Union d'un pays ou territoire français ». Une déclaration inscrite à l'Acte final viendra préciser que le Conseil européen prendra une décision aboutissant à la modification du statut de Mayotte à l'égard de l'Union européenne de manière à ce que ce territoire devienne une région ultrapériphérique.
SECONDE PARTIE :
LES PRINCIPALES MODIFICATIONS APPORTEES AU PROJET ELABORE PAR LA CONVENTION
Les principales modifications apportées au projet élaboré par la Convention résultent d'une combinaison de revendications et de concessions qui ont occasionné des arbitrages dans le cadre d'une négociation globale. En effet, les gouvernements ne pouvaient s'accorder sur rien tant qu'ils n'étaient pas d'accord sur tout.
Elles concernent l'architecture institutionnelle, le champ d'application de la majorité qualifiée ainsi que la définition et les modalités de mise enœuvre de certaines politiques de l'Union.
III. LES TERMES DU NOUVEAU COMPROMIS INSTITUTIONNEL
Au sein de la Conférence intergouvernementale, les débats institutionnels se sont focalisés sur deux questions majeures : la composition de la Commission européenne et la définition de la règle de la majorité qualifiée. Pour autant, des modifications substantielles ont été apportées dans de nombreux autres domaines directement liés au fonctionnement institutionnel de l'Union.
A. La composition de la Commission (articl