Alors que Luminous quitte les faubourgs de l’étrange ville de Trapt quelques habitants, maintenant libérés de leurs obligations, glissent de discrets
“Bonjour, Sieur Hund” ou encore
“Belle journée, n’est-ce pas ?” Il y répond d’un simple hochement de tête qui aurait pu vouloir dire n’importe quoi mais qui semble les satisfaire. Rapidement les maisons cossues des faubourgs laissent place à des habitations plus rudimentaires et pauvres de la banlieue puis à des champs où travaillent hommes et machines. Il quitte enfin la ville et reprend son voyage qu’il sait long et parsemé d'embûche mais au bout l’attend cette femme qui l’intrigue et le fascine.
Les pavés défilent, les bornes kilométriques se succèdent sans relâche et les voyageurs se croisent sans se remarquer ; chacun occupé par ses propres ennuis et cherchant à fuir ses propres démons. Au fil des kilomètres des auberges plus ou moins sordides l’accueillent, le nourrissent et ponctuent son quotidien. Ils sont nombreux comme lui à arpenter les routes sans but précis avec comme seul bagage une idée fixe : immigrés cherchant une vie meilleure, criminels cherchant une vie calme ou bien égarés cherchant une vie tout court. Lui poursuit une chimère, une ombre ; une ombre qui l’a sauvé d’une mort certaine soit dit en passant. Sans chercher à la remercier, il espère comprendre, comprendre pourquoi alors qu’elle ne représente rien elle le fascine jusqu’à le hanter dans ses rêves. Ironiquement son esprit en profite pour l’inonder d’images, de sons et de pensés envers cette créature.
Ses pas le conduisent à travers nombre de ville en croissance ou ville en devenir, à chaque fois le modèle est similaire : Une usine ou une manufacture s’installe pariant sur une main d’oeuvre à bas prix puis des dizaines de famille s’installent attirées par la promesse d’un travail comme les insectes par la lumière. Des logements précaires et “temporaires” sont construit constituant une première vague ; après quelques temps une nouvelle usine ou manufacture ouvre créant une seconde vague. A peu de choses près on pourrait mesurer l'âge d’une ville comme celui des arbres grâce aux cercles concentriques. Ces villes poussent à toute vitesse et partout comme des champignons, l’idée très plaisante de la saison de la récolte traverse l’esprit dégoûté de Luminous.
Son voyage se passe souvent à pied, parfois à l’arrière d’un convois mais toujours trop lentement à son goût ; des jours, des semaines puis des mois passent ainsi que les saisons. Un jour alors qu’il marchait depuis plusieurs heures il remarque que l’horizon semble flou comme si quelque chose d’immense le perturbait. Au fur et à mesure qu’il continue à avancer il comprend que ce qu’il avait pris pour l’horizon est un mélange de fumée et de lumière que vomit l’immensité qu’il contemple quelques kilomètres au loin. Une ville gigantesque s’étale dans la vallée en contrebas de partout arrivent des voyageur qui sont engloutis par la ville. Les bâtiments semblent habités les nuages, les puissants projecteurs découpant de leur lumières les cieux et les fumées noires que crache la ville s'amoncellent au dessus de la ville formant une chape dense et inquiétante.
Une structure se détache du tout, tant visuellement que géographiquement, située à quelques encablures de la ville cette grande tour à l’aspect noble et esthétique tranche avec le style rude et fonctionnel des bâtiments les plus proches. Il lui rappelle les phares qui se tiennent fiers affrontant les tourments des flots alors que le soleil continue inlassablement sa course et que le crépuscule approche le flot de voyageurs allant vers et depuis la ville diminue considérablement jusqu’à devenir inexistant au moment où l’astre disparaît derrière l’horizon. Durant tout ce temps Luminous marche d’un pas tranquille vers cette cité qui l’intrigue. Il doit être à un bon kilomètre des portes quand une odeur particulière et familière l’assaille : le sang et les larmes. Elle est dans cette ville et, encore plus intéressant, elle est même toute proche ; il touche à son but. Il en est tellement excité qu’il hâte sans s’en apercevoir ses pas ; suivant une piste flottant sous ses yeux. Curieusement alors qu’il se rapproche de la ville la piste tend à s’éloigner de celle-ci pour se diriger petit à petit vers le “phare”. Toutefois il peut voir une très faible trace de sa piste prenant la direction de la cité mais elle ne lui est d’aucune utilité car trop vieille.
Le “phare” est encore plus impressionnant quand on se tient à son pied : sa taille écrase les voyageurs et installe un sentiment d’humilité, une petite porte de fer représente l’unique entrée du bâtiment. Un simple carillon sur la porte permet de signaler sa présence aux occupants, si ils existent. Au dessus de celle-ci une simple plaque en métal où sont gravés les mots suivants :
“Que ta lumière nous guide à travers la folie” . Alors que l’inscription occupe encore tout son esprit une main empoigne le carillon et le fait sonner.
Si cette intervention extérieure le tire de sa digression et résout pour lui un problème elle en apporte un bien plus grand qu’il aurait préféré éviter. Un visage féminin plein de beauté lui souriait et le regardait avec un plaisir évident. Un visage qu’il connaissait bien pour l’avoir subis dans ses rêves durant des jours : celui de son ex-tortionnaire. La présence d’Eve ne devrait pas le surprendre après tout lui aussi après l’incident de l’échiquier s’en est sortis. Ce qui le surprend plus en revanche est sa présence ici et le fait qu’elle ne l’ait pas encore frappé. Pendant qu’il s’interroge sur le pourquoi du comment la lourde porte s’entrouvre et un visage sévère apparaît dans l’encablure.
Oui ? C’est pour quoi ?
Bonjour mon ami et moi voudrions voir ma soeur.
Vos nom et celui de votre soeur.
Ma soeur se nomme Séléné, voici Luminous et moi-même, Eve
La porte se referme dans un claquement sec laissant Luminous et Eve seuls sur le pallier.
- Heureux de me revoir mon cher ? J’ai cru que tu avais péris ce jour-là quand ma soeur se déchaîna. Je suis aussi surprise que toi de te trouver ici, qu’y fais-tu ?
- Je ne peux pas dire que le plaisir m’ait inondé quand je t’ai vu… Et attends tu dis que cette femme étrange est ta soeur.
- Je vois que tu es toujours aussi prompt à la compréhension, effectivement comme je viens de te le dire Séléné est ma soeur aînée.
- Eh bien vos parents doivent être heureux d’avoir enfanté les êtres les plus étranges au monde.
- Non ils sont rassurés depuis que je leur ai parlé de toi. Mais tu ne m’as toujours pas dit ce que tu faisais ici.
- Je chasse ta soeur et sa piste m’a conduit ici.
A l’instant où il finit sa phrase la porte se rouvre et l’homme réapparaît, cette fois en entier. “Je vous prie suivez-moi, je vais vous conduire auprès de votre soeur.” La porte donne sur un escalier en colimaçon que leur guide emprunte en montant.
“Faites attention les marches sont glissantes.” Le bâtiment semble agencer à partir de cet escalier central, les étages s’enroule autour de lui. Les marches en pierre défilent sous leur pieds et à plusieurs reprise Eve manque de glisser, heureusement Luminous poster derrière elle est là pour ne pas la rattraper. Arrivés au troisième étage l’homme leur indique le numéro d’une pièce : 83 et prend congé d’eux. Les étages sont constitués d’une série de pièces numérotées ainsi que de plusieurs pièces communes ou administratives. Si il n’avait toujours pas cerné l’utilité de ce bâtiment, les cris, discussions sans sens et autres démonstration de folie lui donnèrent une idée précise. Regardant dans la pièce faisant face à l’escalier, la numéro 60, Luminous contemple une chambre cossue avec un lit douillet, des meubles richement décorés et de somptueux murs capitonnés. Son occupant semble être en pleine discussion houleuse sur la nécessité de tuer un certain Lanzo avec un interlocuteur imaginaire. A sa gauche, la 61 qui est équipée comme la précédente, abrite une femme de dos en pleine méditation. Elle se retourne violemment exhibant ses orbites vides et griffés et hurlant
“JE DEVAIS LE FAIRE, POUR LUI, POUR NE PLUS LE REGARDER. MAIS JE LE VOIS ENCOOOOOORE !” La porte de droite, la 62, ne contient aucun meuble, rien d’autre que des murs capitonnés ; l’occupant est vêtu d’une camisole et est train de se ronger le mollet. A ce moment une infirmière et un assistant le bousculent et entrent dans la chambre ; l’assistant sort alors une matraque et frappe à plusieurs reprise l’homme. Du coin de l’oeil Luminous voit sa compagne d’infortune s’éloigner et décide de la suivre. Evidemment la chambre 83 est à l’opposé de l’escalier, étrangement cette dernière est isolée des autres : là où aurait du se situer les chambres 81 et 85 se tient deux gros murs de pierres. Plus il s’approche et plus la chaleur augmente jusqu’à le mettre en sueur, lorsqu’il est au pied de la porte la température est presque insupportable ; Eve ne semble évidemment pas en souffrir. A l’intérieur de la pièce : une spirale de flamme comme il y eut ce jour-là et au centre sa proie, prostrée, murmurant quelque chose. Et soudain…
“IL EST DERRIÈRE VOUS !”