Le gouverneur texan gracie un condamné à mort

Kenneth Foster a vu sa peine exceptionnellement commuée quelques heures avant une injection mortelle pour un meurtre auquel il avait assisté sans y prendre part.

DANS les couloirs de la mort au Texas, où ont eu lieu 402 exécutions depuis 1982, soit plus d'un tiers du total national, les commutations de peine sont rares. Certes, celle dont Kenneth Foster a bénéficié in extremis jeudi soir était la trentième accordée par le gouverneur Rick Perry depuis qu'il a succédé à George W. Bush il y a six ans et demi. Mais vingt-huit d'entre elles ont été imposées par une décision de la Cour suprême interdisant la mort pour les mineurs...

Le cas de Kenneth Foster, qui avait 19 ans au moment des faits, avait d'autant mieux mobilisé les adversaires de la peine capitale aux États-Unis, où ils sont de plus en plus nombreux, comme en Europe, que le meurtrier avait déjà été condamné et exécuté l'an dernier. Dans la nuit du 14 au 15 août 1996, Kenneth Foster était au volant d'une voiture, à trente mètres de distance, lorsque Mauriceo Brown abattit d'une balle en pleine face Michael LaHood, un étudiant en droit de 25 ans, dans un quartier résidentiel de San Antonio. Mais au Texas, la law of parties, ou loi des parties prenantes, met la complicité présumée au même degré de responsabilité que le crime lui-même.

Complice, Kenneth Foster l'avait été dans plusieurs braquages réalisés au cours d'une nuit trop arrosée avec Brown, seul à être armé, et deux autres comparses, tous sous l'influence de l'alcool et de la marijuana. Était-il censé savoir que l'utilisation de l'arme à des fins d'intimidation aurait des conséquences fatales lorsque Brown accosta LaHood et sa petite amie, pour des motifs non éclaircis - tentative de vol ou simple flirt ?

Conduite exemplaire

Le jury et plusieurs instances d'appel en décidèrent ainsi. Les circonstances d'un acte perpétré directement ou indirectement par quatre jeunes Noirs sur une victime blanche, le fils d'un avocat renommé qui plus est, ne plaidaient pas en leur faveur - les deux autres « complices » ont échappé à la peine de mort en échange de leur reconnaissance de culpabilité et de leur coopération avec la Justice. Foster n'a cessé de clamer son innocence sans nier sa part de responsabilité, affirmant qu'il ne pouvait pas deviner le geste meurtrier de Brown. Son cas a fini par ébranler la très stricte commission des grâces du Texas, dont le gouverneur doit tenir compte.

Rick Perry n'a fait que suivre les six avis favorables (contre un) qui ont exceptionnellement épargné à Foster l'injection mortelle. Cet homme d'une conduite exemplaire en prison, qui a fait quelques études universitaires et organisé un mouvement pour l'amélioration des conditions de détention, a aujourd'hui 30 ans. Dans autant d'années, il pourrait bénéficier d'une libération conditionnelle pour retrouver sa fille qui vient d'avoir onze ans et la rappeuse néerlandaise Jav'lin qui l'a épousé en juin dernier par procuration.

Le gouverneur, qui venait de rejeter une demande de moratoire de l'Union européenne sur la peine de mort, s'est prononcé pour une modification de la law of parties afin d'interdire les jugements simultanés d'un criminel et de ses complices. Quatre-vingt condamnés sont dans le cas de Kenneth Foster au Texas, où le gouverneur Perry a autorisé plus d'exécutions (163) que son prédécesseur George W. Bush (131).