La jeune femme souleva précautionneusement le fourreau attaché au dos de la tunique. Elle hésita quelques instant avant de libérer l’objet. D’une main maladroite elle tendit l’arme à bout de bras. La lame était fine mais mesurait au moins un mètre. Le tranchant était parfaitement lisse et ne laissait planer aucun doute sur sa qualité. Des motifs étranges sillonnaient le métal bleuté, Vnaasyh détailla avec plaisir les courbes sinueuses de ce qui lui semblait être une langue inconnue, quel message pouvait porter une arme si belle ? La poignée était décorée des même signes, elle semblait faite d’or massif.
La fille de Balanion se surpris à éprouver du plaisir à brandir un tel engin de mort, l’inconnu l’attirait tel un désir malsain mais tellement délicieux. Cet homme avait voyagé et occis de nombreux ennemis de sa lame, elle était sa meilleure amie, sa seule amie. Vnaasyh parvint à sortir des ses rêveries et posa délicatement l’objet sur un meuble.
Elle enleva les derniers pans de sa tunique en préservant la pudeur de l’étranger et le recouvrit d’un épais drap. La jeune femme jeta un dernier regard à son hôte et gagna sa chambre. Ereintée par cette soirée mouvementée Vnaasyh s’allongea et plongea aussitôt dans un sommeil sans rêve.
Le jour se leva bien trop tôt, les puissants rayons du soleil s’infiltrèrent sournoisement dans la maison de Balanion. Le village s’animait peu à peu, la vie reprenait son cours lentement, la nouvelle de la disparition du maire n’allait pas tarder à se répandre. Les badauds et autres curieux ne tarderaient pas à venir rendre visite à sa fille, à envier encore d’avantage sa richesse, réclamer maints récits de la venue de l’étranger ou simplement découvrir l’existence de la fille du noble.
A cette pensée la jeune femme tenta de se cacher dans son lit, hélas l’astre de lumière ne comptait pas la laisser rejoindre le monde des songes. Un cri rageur retentit, un oreiller vint percuter l’armoire, Vnaasyh se leva et s’habilla dans la précipitation dans l’espoir de chasser de nombreuses pensées désagréables, elle devait sauver son hôte, rien ne comptait plus que sa survie.
Après une rapide toilette elle rendit visite à son invité. Depuis la veille l’homme n’avait pas bougé, toujours enfermé dans un rêve qui jamais ne voulait finir. Les blessures semblaient s’être un peu guéries durant la nuit, même la peau avait retrouvée une couleur plus saine. Vnaasyh ne s’attarda pas et descendit dans la cuisine après avoir abreuvé l’inconnu.
Une odeur entêtante de menthe parvint à réveiller la jeune femme. Une note manuscrite était déposée auprès d’un plateau de victuaille sur une petite table de bois. Une tasse de thé envahissait la pièce de son arôme délicieux.
« Comment je ferais sans toi ma chère Symia. » Vnaasyh déposa un doux baiser sur le papier et le posa avec délicatesse près de son repas. Elle s’assit à sa place favorite et se tourna vers la chaise de son père, vide. La fille de Balanion resta de longues secondes immobile, incapable de faire le moindre geste, la tasse se brisa sur les pierres anciennes, la jeune femme poussa un cri de détresse et s’effondra sur le sol.
De longues années auparavant Vnaasyh avait connu le même choc, sa mère avait été emportée par une foudroyante maladie en quelques jours, partie sans pouvoir dire au revoir. Elle pensait ne plus jamais revivre cette terrible sensation de vide et voilà que son père lui infligeait à son tour ce douloureux châtiment. Désormais elle se trouvait seule, ou presque.
Elle quitta la pièce d’un pas vif et se dirigea vers l’escalier afin de se réfugier dans son lit. Hélas, quelqu’un frappa à la porte de sa maison. La jeune femme essuya ses larmes d’un geste rageur. La nouvelle des événements de la nuit s’était décidément propagée à une vitesse stupéfiante mais la fille de noble n’avait pas l’intention de se laisser importuner en un tel moment.

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posted the 06/02/2007 at 06:36 PM by
yssan