La proposition déplaisait au plus haut point à son amie mais un clin d’œil malicieux convainquit la jeune femme. D’un geste gracieux il prit la main de Vnaasyh et l’emmena au centre de la pièce, au centre des regards. Nadiel se moquait ouvertement de Balanion, tournant en dérision le moindre de ses mouvements, pour le plus grand plaisir de sa compagne, il se comportait tel un commerçant tentant de se débarrasser d’une marchandise de grande valeur mais dont la vente s’avérait plus difficile que prévue, ce qui était à peu prêt le cas.
« Tu danses avec moi ? » Son ami ouvrit la bouche pour répondre mais aucun son ne sortit, un homme se tenait devant Vnaasyh. La jeune femme tourna un regard vitreux dans sa direction.
« Le fils du cordonnier » murmura t’elle à demi pour elle-même.
« Je vois que vous n’êtes pas encore suffisamment soule pour ne plus reconnaître votre entourage. » Avec une lueur de dégoût il tendit une main musclée. « Mais ceci ne sera pas un problème, m’accorderez vous cette danse ? » Vnaasyh soupira mais acquiesça tout de même.
« Attends moi là mon chéri je reviens après » elle adressa un dernier clin d’œil au fermier avant de disparaître dans la foule.
La jeune femme laissait ses pensées vaguer vers les recoins les plus intimes de son âme, elle ne voulait surtout pas admettre qu’elle dansait avec l’homme le plus pervers et machiste de son village. Le doux mouvement des pas de danse n’étaient que le ballottement du bateau qui l’emmenait vers des contrées lointaines vivre de formidables aventures, loin de Valnah, loin de l’Empire, loin de tout. Son compagnon de malheur brisa son rêve de liberté d’une parole incisive.
« Comment une si belle créature telle que vous peut-elle se soûler en une si agréable soirée ? » Vnaasyh ouvrit les yeux à contrecoeur et planta ses deux perles vairon dans ceux du jeune homme.
« Parce que la « créature » se lasse d’être convoitée d’avantage pour son physique et sa fortune que pour sa personne.
- Veuillez m’excuser je ne voulais en aucun cas vous offenser.
- Non bien sûr, vous dansez avec moi dans le seul but de faire plus ample connaissance, cessez votre petit jeu je vous prie. »
Elle balaya la salle du regard à la recherche d’une improbable issue de secours. Tous les invités dansaient ou sirotaient de la boisson en parlant gaiement, seul son père ne participait pas à la réception, pris dans une vive discussion avec Darlik, l’homme d’arme du village. Le vieux noble blêmit et manqua de peu de lâcher son verre. Vnaasyh frissonna de plaisir, jamais son père n’avait perdu contenance de la sorte.
« Il se passe quelque chose… » murmura t’elle inconsciemment d’une voix douce.
« Je le sais, depuis la première fois que je vous ai vu… » La jeune femme sursauta et répliqua d’une voix tranchante.
« Je ne parlais pas de ça pauvre imbécile. »
Balanion s’assit sur une chaise et plongea son visage usé entre ses mains, Darlik continuait son monologue, imperturbable à la détresse du noble. Une main pécheresse descendit en dessous des hanches de la jeune femme. Vnaasyh poussa un cri et gifla sans ménagement l’homme avant de rejoindre son père.
« Alors tu voulais que j’épouse « ça » ? » Cria t’elle, le bandeau fermement serré dans son poing. Balanion leva la main en signe d’apaisement et répondit d’une voix à la douceur inhabituelle.
« Je sais, il a voulu abuser de toi et tu as eu raison de le punir. Ne t’en fait pas, Symia renvoie les invités chez eux. »
Vnaasyh se retourna, surprise par la fin prématurée de la soirée, Darlik raccompagnait les hommes et femmes par une porte dérobée au fond de la pièce. Aucun ne comprenait, mais personne n’osait résister devant la fermeté de l’homme armé.
« Que se passe t’il ? Non tu n’oserais pas, renvoyer ces gens en faisant retomber la faute sur mes épaules ! » L’homme voulut rire mais il ne parvint qu’à tousser bruyamment.
« N’ait aucune inquiétude, tu n’as rien fait de mal, bien au contraire ma fille. »
Son sourire béat déstabilisa Vnaasyh. Le comportement de son père l’étonnait de plus en plus, elle parvint à dissiper sa colère dans un douloureux effort de volonté.
« Papa, qu’est ce qui va pas ? » Elle s’accroupit, les genoux posés contre le sol, et tenta de deviner ses pensées mais le visage de Balanion ne reflétait qu’un flot de sentiments contradictoires.
« J’aurais tellement voulu que tu te trouves un mari, devenir grand père, quel immense bonheur. » La jeune femme sentit son moral se briser sous la tristesse de son père.
« Papa…
- Mais j’ai compris à présent, aucun d’eux ne peut prétendre te mériter. »
Vnaasyh ne répondit pas, la situation lui paraissait irréelle, elle pensait que la soirée avait été organisée dans le seul but de trouver un homme et Balanion les renvoyait avant d’avouer ne pas les vouloir pour gendre. Elle caressa doucement la peau parcheminée de son père, le regard vairon fixé sur un point invisible du mur de bois. Un bruit retentit, trop faible pour attirer l’attention de la jeune femme. Il se répéta, à peine plus fort.
« Quelqu’un frappe à la porte, ne serait-il pas raisonnable d’aller ouvrir ? »

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posted the 05/29/2007 at 09:45 PM by
yssan