Cocorico, quel étrange cri...
Cocorico, ou le gloussement patriotique des Français quand leur pays arrive à se classer dans les dix premières places d’une compétition, quelle qu’elle soit : coupe du monde de foot, tournoi de tennis, jeux olympiques, classement des plus grandes puissances économiques, nomination aux Oscars, Miss France, guerre mondiale, et j’en passe.
Pour les Oscars c'est vrai. En France on est toujours fébrile à l’approche des Oscars ; on se demande est-ce que la France va avoir le prix du meilleur film étranger ? Et on est tremblants, et on espère, dans cette attitude typiquement française qui consiste à nier l’importance des Etats-Unis tout en priant pour qu’un jour ce pays reconnaisse nos mérites. Et on se dit y a pas de raison qu'on l'ait pas, c'est notre film le mieux même si on n'a pas vu les autres.
Si par hasard c’est un film sudafricain qui obtient l’oscar, on se garde évidemment bien de dire lequel, on se contente simplement de dire que La Marche de l’empereur n’a pas eu le trophée et que c’est totalement injuste — pour un peu on pourrait soupçonner un racisme antifrançais chez les Américains —, en tout cas à aucun moment on n'ira voir le film récompensé pour se rendre compte que, peut-être, il est plus intéressant à voir que le pèlerinage des manchots, animaux qui ont tout de même l’incroyable intérêt de n’en présenter aucun.
C'est d'ailleurs pour ça qu'ils ont créé les Césars, au moins à cette cérémonie on peut être sûr que la France sortira grande vainqueure. Ils sont même capables d'être heureux parce que c'est un Français qui remporte l'élection présidentielle.
Cocorico. A-t-on déjà entendu un animal éructer un cri plus empreint de bêtise que celui-ci ? Est-il bestiole plus répugnante et plus détestable que le coq, à part le Juif ? Voyez-donc ce gallinacé de basse-cour se dandiner sur une patte au milieu de son tas de fumier ; voyez son air fier de beauf venant juste de s’abrutir devant un match pendant que sa femme accouchait dans la douleur. Regardez sa crête en forme de gant de cuisine retombant sur le côté dans une mollesse hallucinante. Regardez son œil, au fond duquel vous ne trouverez rien d’autre que de la paresse et de la misogynie. Regardez son cul, avec sa petit queue de paon de seconde zone levée, laissant apparaître un fion qui ferait passer Michael Youn pour un homme pudique. Regardez son bec, et ses difficultés pour attraper sa bouffe avec dignité, sans l’envoyer gicler partout. Regardez sa démarche d’étron sur pattes à la recherche d’on ne sait d’ailleurs jamais quoi, la tête en avant, la tête en arrière, comme un balancier qui ne s’arrête jamais.
Le coq, mesdames et messieurs, est la créature la plus honteuse de nos basses-cours ; il réussit à cumuler dans son seul petit corps de volaille l’intégralité de ce qui fait un connard chez les humains. Et c’est son cri que nous devrions reprendre en cœur quand la France parvient à se faire remarquer ?
Pousseriez-vous le hurlement du Massimo Gargia si la France gagnait la prochaine coupe du monde ? Non. Alors ne poussez pas celui du coq. De toute façon vous n’en aurez pas l’occasion : on va perdre, avec notre équipe de branques, c’est certain, j’vous le dis.
Et puis Cocorico, tout de même, quelle laideur. Dans Cocorico, il y a coco, et il y a rico. Le premier est le nom d’un chimpanzé, ou le sobriquet dont sont affublés les mannequins par les photographes qui les couchent sur la pellicule ; le second est le mâle de la Rika Zaraï ; le tout est d’une indigence qui pousse à l’évanouissement, à un tel point que face à ça manger des moules tièdes s’avère un jouissif divertissement.
Il y a dans ce cri de crétin à crête toute la fierté, toute la fatuité du coq, petit seigneur de sa cour qui se trouve toujours bien con une fois qu’il est dans un four. Il y a, dans la sonorité même du mot, et les mouvements labiaux qu’il pousse à exécuter, la beauferie la plus totale, la vanité la plus exaspérante, et le machisme le plus dégueulasse. A-t-on déjà vu une femme lancer ce cri ?
Et d’ailleurs, pourquoi pousser un cri, quel qu’il soit ? Quel est donc ce bas instinct primaire qui nous incite à hurler dans les oreilles des autres pour leur faire comprendre qu’on est content d’avoir gagné ? Pourquoi être agressif comme ça ? Ne peut-on pas, mon ami, mon frère, se faire part de nos joies et nos peines en toute intimité, autour d’un petit vin blanc ? Poser les armes, prendre les clopes, et papoter sereinement avec le Velvet Underground en fond sonore ? N’est-ce point possible ? Pourquoi faudrait-il que tu exacerbasse tes sentiments de telle manière qu’ils empiètent sur ma placidité ? Mes oreilles n’ont pas d’odorat, tu le sais ; alors pourquoi s’échiner à leur envoyer ton haleine dont je suppose pourtant, parce que je ne suis pas un homme de préjugés, qu’elle est très fraîche ? Faisons la paix, mon semblable. Et évitons de brailler cocorico, je t’en prie.
C’est pourquoi nous ne tenterons même pas de remplacer ce répugnant cocorico par un autre cri ; ce serait rentrer dans le jeu des chauvins de France et de Navarre (j’inclus les Navarros dedans parce que je ne sais pas où se trouve leur lieu de résidence ; je crois que c’est un pays à nains nommés Roger). Ce serait concéder qu’il est louable de vouloir montrer son émotion à tous les passants.
La vraie joie est silencieuse, aimait à dire, euh, expliquer comme il le pouvait, mon voisin muet. Rendons-lui alors hommage, avec tous les muets, par cette minute de, euh, silence.
Merci.
(Celui qui a pété est prié de venir se dénoncer.)

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posted the 05/08/2007 at 09:35 PM by
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