Les occupants du compartiment se souviendront de cette femme si belle mais au visage si triste et son comportement étrange. D’abord les yeux perdus dans le vide puis endormie sur la couchette exprimant des sentiments contradictoires les uns après les autres. Pour elle le paysage défile si vite que ses yeux n’ont pas le temps de suivre les arbres qui très vite se fondent en une huile verte s’étalant sous son regard. Ses pupilles ne cessent leurs allers-retours tentant d’accrocher un détail qui se détacherait de sa vue. En vain, la vitesse du train empêche cela ; les mouvements rapides de ses yeux l’a fatigue et l'homogénéité du paysage l’a berce. Séléné sombre alors dans un sommeil bienvenue après les événements des derniers jours voire des dernières heures. Bien que bienvenue son repos reste agité : la vue onirique de son amant lui tirant des larmes auxquelles succèdent la colère quant le visage de son bien-aimé se fond en celui de sa soeur. Voilà déjà plusieurs heures qu’elle prenait le train quittant une ville emplit de souvenir douloureux, le trajet était extrêmement long l’avait prévenu l’homme à la billetterie. Il est rare de le faire en entier lui avait-il dit. Mais c’était exactement ce qu’elle souhaitait : mettre le plus de distance entre elle et cette cité. Elle ne se souciait pas non plus du prix le temps l’avait mis à l’abris du besoin depuis quelques temps déjà.
Elle se réveille quand les secousses du train se font plus présentes et que la sirène retentit annonçant l’arrivé dans une gare. Sans raisons particulières Séléné descend du train sous les regards insistants des autres passagers. Elle ne sait pas où elle est et encore moins ce qu’elle fait là. La gare est une construction en pierre de taille modeste et de forme rectangulaire comme toutes les gares de tout les réseaux ferroviaires, toutefois la hauteur du bâtiment la démarque de ses consoeurs. Se dirigeant vers la sortie elle pénètre dans la gare et admire étonnée les vitraux l’ornant. Ces derniers représentent une femme appelée Progrès répandant son savoir sur une foule d’humain ressemblant plus à un troupeau de bovin. Chaque vitrail différent par le décor de ce dernier : le premier se passe dans une plaine où cette femme distribue sous les yeux ébahis du troupeau l’architecture, le second se déroule dans une ville où elle accorde la science et le troisième prend place dans la gare où chevauchant de façon érotique une locomotive elle donne du temps aux voyageurs. Il semble qu’il existait un quatrième vitrail mais qu’il ait été retiré comme en témoigne la vitre du quatrième mur détonnant avec le reste du bâtiment. Imaginant ce que pourrait être le dernier opus de cette femme Séléné sort de la gare pour arriver dans une modeste bourgade où quelques personnes déambulent dans les rues. Quel contraste avec la foule en perpétuel mouvement de la cité, toutefois il est hors de question de s’attarder en ces lieux. Une fois encore sans pouvoir expliquer pourquoi elle se dirige d’un pas sur vers la sortie de la ville. Rapidement les maisons font places aux champs qui font places à la forêt dense et intrigante. La lumière du soleil se découpe à travers la canopée donnant à la forêt une atmosphère que n’auraient pas reniés les frères Grimm ou Pérault. Mais loin d’attendre le Grand Méchant Loup, elle continue sa marche.
- Je peux savoir où nous allons, après tout il me semble si normal de prendre un train sans savoir où il va et de descendre à une gare inconnue pour se diriger dans une direction obscure.
- Je ne sais pas, tout ce que je sais est qu’il faut que j’aille par là.
- Eh bien ! J’ignore ce qu’il s’est passé durant la période de mon absence mais tu as l’air sacrement ravagée. Surtout pour une broutille comme ce ridicule hum…
- Si tu mentionnes à nouveau ce qu’il s’est passé je te renvoie.
Sur cet avertissement prit fin la conversation et alors que la lumière du jour se fait de plus en plus rougeoyante la silhouette d’une demeure se détache sur une colline à l’horizon. “Nous allons là-bas.”
La demeure en question est un modeste manoir de deux étages sans grandes prétention de grandiloquence ou de tape-à-l’oeil. Entouré par une dense forêt de chênes et de hêtres, il est impossible pour Séléné de voir ce qui se trouve derrière la demeure. Un majordome vient lui ouvrir la porte : ce dernier est une caricature de sa profession : grand et mince, il se tient raide comme un bâton et son phrasé remonte à deux cents ans plus tôt. Après s’être présentée et avoir exposé la situation le majordome accepte d’en parler à son maître. Une dizaine de minutes s’écoule quand la porte s’ouvre à nouveau laissant passer le fauteuil d’un homme usé par l’âge et les épreuves. Les rides creusent un visage sec et peu avenant, les cheveux blancs attachés derrière sa nuque. Sa voix est grave sans pour autant être tremblotante ou enrouée, elle porte et emplit l’espace sans difficulté de telle sorte que même si apparence paraît faible il parvient sans mal à s’imposer. Rapidement il lui explique la situation : il se nomme Henry Geneva et vit en ces lieux avec son fils Cyrus et son petit-fils John. Le manoir appartient à leur famille depuis plus d’un siècle déjà et il est assez grand pour accueillir temporairement une jeune femme de passage.
Le manoir comporte deux étages : le premier est réservé à la famille Geneva tandis que le second est inoccupé ; c’est dans ce dernier que Séléné s’installe. La pièce sans être immense est suffisamment grande pour qu’elle s’y sente à son aise ; simplement meublée par un lit sans fioritures, un petit bureau et une penderie. L’unique fenêtre de la pièce donne sur le parvis de la demeure et offre une vue sur le paysage en bas de la colline. En s’installant elle remarque une tuyauterie abondante qui semble revenir de sous la toiture, il s’agit sûrement d’un réservoir d’eau qui alimente les différentes pièces de la maison. L’après-midi était déjà bien entamée quand elle arriva ; ainsi peu de temps après avoir découvert sa chambre elle entend le majordome l’appeler pour le dîner. Ils sont quatre autours de la table : Le grand-père, le père et le fil et, bien entendu, elle-même. Agrémenté de plats simples mais bons le repas se déroule sans événements particulier ni paroles entamée L’ambiance est étrange : solennelle et pesante sans pour autant être dérangeante ou étouffante. Ils donnent l’impression de partager un secret qui se briserait à la moindre parole. Après un repas étrange et assez déstabilisant Séléné repart dans sa chambre pour y profiter d’un sommeil mérité
La dernière chose dont elle se souvienne avant de sombrer dans les bras de Morphée est ce bruit discret mais distinct de liquide coulant dans un tuyau et du bruit caractéristique d’une soupape libérant sa vapeur. Alors que ses rêves la tourmentent une fois de plus un échos puissant la sort de ces derniers. Elle est toujours dans sa chambre, il fait nuit et la lumière de la lune ne parvient pas à illuminer la pièce, seule une lueur fantomatique éclaire la pièce. Cette dernière parvient des tuyaux parcourant la chambre : ils brillent comme si un liquide phosphorescent les parcourait. Cela donne à la pièce un aspect surréaliste où se détachent ces pièces de cuivre comme des serpentins lumineux. Hypnotisée par cette lumière Séléné les suit parcourant le manoir qui arbore le même aspect que sa chambre. Longs filaments de lumière emprisonnant la demeure et ses habitants. Les tubes de cuivre la mène d’abord au grenier où un réservoir en verre emplit d’une substance transparente occupe la pièce. Elle doute à présent du fait qu’il s’agisse simplement d’eau pour les occupants, cette impression est renforcée par le fait que les rayons de la lune qui passe par une ouverture ménagée dans le toit semblent capturés par ce réservoir conférant au liquide l’occupant sa délicate luminescence. Suivant la piste de cuivre elle redescend jusqu’au premier étage où de multiples tuyaux convergent vers le bureau d’Henry. Ou du moins vers la pièce qu’on lui avait présenté comme telle. Tournant lentement la poignée lui renvoyant une image rondouillarde de sa personne, elle pénètre dans la pièce. Il s’agit d’une pièce circulaire aux dimensions raisonnables pourvue de deux petites fenêtres en hauteur. Les nombreux tuyaux entrent dans la pièce luisant de leur substance conférant à la pièce une atmosphère angoissante. Ces derniers convergent vers une forme imposante occupant le centre de la pièce : Une structure composée de tuyaux, valve, manomètre et jet de vapeur. Un monstre ronflant composé de plusieurs réservoirs entre connectés dont la surface est remué par la remonté de bulle, d’alambic, de tube de refroidissement et de goutte heurtant avec force la surface d’un liquide luisant. Une machine froide et effrayante dont tous les éléments se réunissent autour d’un réservoir circulaire de verre. Emplit de ce liquide, il est le lieu de tourbillons et de remontés affolées de filet de bulles. Dans ce chaos général baigne une forme humaine ; en se rapprochant Séléné commence à distinguer ses traits : une femme dont les cheveux flottent tels des filaments dans le réservoir. Ses traits sont fins et délicats tout comme ses membres, il ressort d’elle une impression de fragilité. Elle donne l’impression d’avoir été placé là pour la préserver comme ces spécimens animal conservés dans du formol. En l’observant plus attentivement elle découvre quelque chose qu’elle ne penserait jamais voir autre part que sur son chemin. Là sur l’intérieur de sa cuisse trône rougeoyant un simple vers : “Ô temps suspend ton vol.”

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posted the 04/14/2007 at 04:24 PM by
sp0ken
Je dit sa sans être mechant bien sur...