La recherche et l'enseignement, clés du succès finlandais
LE MONDE | 17.03.07 | 14h32 • Mis à jour le 17.03.07 | 14h32
HELSINKI ENVOYÉ SPÉCIAL
Les deux principaux candidats au poste de premier ministre à l'issue des élections législatives finlandaises de ce 18 mars ont beaucoup en commun. Outre le fait qu'ils s'apprécient et gouvernent ensemble bien qu'étant adversaires politiques, Matti Vanhanen, premier ministre sortant et responsable du Parti du centre (ex-agrarien), et Eero Heinäluoma, ministre des finances et leader social-démocrate, sont grands, ternes, réservés. Aussi ennuyeux et charismatiques qu'une huître, disent souvent les observateurs étrangers.
Mais en Finlande, où l'on se fait élire sur sa capacité à être raisonnable, le manque de charisme est plutôt un gage de sérieux. Il rassure. Ces jours-ci, les deux hommes ont présenté un bilan flatteur de leurs quatre années passées : 100 000 emplois créés, une croissance soutenue de 4,6 % en 2006, la plus rapide d'Europe de l'Ouest, souligne M. Vanhanen, un taux de chômage de 7,5 % qui se tasse. Le Parti conservateur, principale formation de l'opposition, avait d'autant moins à y redire qu'elle espère former une coalition avec l'un des deux autres.
Difficile d'imaginer qu'il y a quinze ans ce pays de près de 5,3 millions d'habitants était en pleine banqueroute, avec une brutale explosion du taux de chômage passant à près de 20 %, une chute du PNB de 11 %. La Finlande est désormais en tête des nations innovantes et compétitives, sans avoir rien renié de son attachement à l'Etat-providence, même si celui-ci a souffert des années de crise. Pour comprendre la bascule effectuée, il suffit de constater que les produits de l'industrie forestière, qui représentaient 40 % des exportations en 1990, n'en font plus que la moitié, tandis que la part des produits de l'industrie électronique a plus que doublé. C'est un changement énorme du tissu économique et des exportations en peu de temps, note Martti af Heurlin, directeur général adjoint de Tekes, l'agence finlandaise d'aide pour la technologie et l'innovation.
L'explication réside dans l'énorme investissement réalisé en faveur de la recherche et développement, qui atteint aujourd'hui 5,74 milliards d'euros par an, soit 3,45 % du PNB, ce qui constitue l'un des plus forts taux au monde. Un effort à mettre essentiellement au crédit des entreprises elles-mêmes, qui assurent 70 % de la recherche et du développement finlandais.
L'effondrement de l'URSS, avec laquelle la Finlande disposait d'un accord de troc industriel qui a longtemps profité aux compagnies finlandaises, a été dramatique. Mais il est surprenant de voir à quelle vitesse les entreprises ont pu transformer leurs portefeuilles de produits afin de pouvoir les vendre sur les nouveaux marchés qu'elles devaient chercher à l'Ouest, constate M. af Heurlin.
Les entreprises peuvent s'appuyer sur une main-d'oeuvre qualifiée disposant d'un niveau d'éducation très homogène, comme le relève les derniers tests PISA pour les pays de la zone OCDE, qui font l'apologie du système éducatif finlandais. Recherche et éducation sont les deux piliers de la Finlande. Là-dessus, le consensus politique est total. Le discours de tous les candidats est rigoureusement à l'unisson : La part de la recherche et développement doit atteindre 4 % du PNB à l'horizon 2010. L'Etat va investir plusieurs centaines de millions d'euros supplémentaires dans la recherche, c'est le plus important pour les années à venir, dit le premier ministre.
De même les candidats sont d'accord sur l'identification des enjeux, comme le soutien aux personnes âgées, ainsi que sur les outils pour favoriser la croissance : de nouvelles baisses d'impôts, qui seront décidées après les négociations salariales de cet automne, et l'accent à mettre toujours plus sur la recherche et le développement. Les principaux candidats sont d'autant plus sur la même ligne qu'ils siègent ensemble au Conseil de la politique des sciences et de la technologie, qui détermine les grandes options stratégiques du pays et où sont également représentés les scientifiques, le patronat, les syndicats, les universités et les laboratoires publics et privés. Cela assure un large ancrage des orientations prises, estime Esko-Olavi Seppälä, son secrétaire général.
MONTER DES COOPÉRATIONS
C'est ce conseil qui vient de déterminer les cinq pôles d'excellence autour desquels vont se développer les futurs grands engagements finlandais et qui vont rassembler sous des formes originales, actuellement en cours d'élaboration - le pôle le plus avancé est celui tournant autour de l'industrie forestière -, entreprises, instituts de recherche, universités, et tout autre acteur susceptible d'être impliqué.
L'état dispose d'outils de financement, comme le Tekes, et peut forcer un peu la main des entreprises pour entreprendre ce genre de collaboration en réseau qui, estiment les Finlandais, assurera leur succès demain. Pour obtenir un financement de Tekes, nous devons monter des coopérations avec d'autres compagnies ou avec des laboratoires, explique Heikki Kuisma, vice-président chargé de la recherche de VTI Technologies, une compagnie fabriquant des capteurs. Si nous ne le faisons pas, j'imagine que nous n'obtiendrons rien de Tekes.