Les flammes tourbillonnent autours de lui brûlant sa peau, dévorant ses chairs et liquéfiant son corps. Ses nerfs ne transmettent plus qu’une immense souffrance saturant ses neurones, les endocrines parcourent ses veines sans relâche tentant en vain d’endiguer le flot de douleurs. L’air qu’il respire lui brûle les poumons avec autant de force que s’il s’agissait des flammes elles-même. A travers le brasier il entr’aperçoit d’autres formes repliées et déformées ressemblant plus à des caricatures qu’à des humains. Pourtant une forme se tient encore droite et vivante, au centre des tourbillons se dresse la femme par qui l’enfer est arrivé. Du creux de ses mains se déverse un torrent de feu jaillissant de ses paumes comme une source d’eau ; en touchant le sol les flammes tournoient autours d’elle et se propagent dans la pièce calcinant tout sur leur passage. Dans les yeux de cette vestale brille la lueur de la folie et de la satisfaction ; alors que ses yeux disparaissent dans cette ultime vision l’esprit de Luminous se sépare de son corps observant une dernière fois cette enveloppe qu’il a revêtu durant un demi-siècle. Il s’éloigne lentement ne pouvant détacher ses yeux de la masse informe où se mêlaient fluides, chairs et os.
Il se trouve maintenant dans un brouillard où apparaissent par intermittence des souvenirs passés ne lui appartenant pas toujours. Son esprit erre à la recherche d’un corps une situation qu’il n’avait jamais connue et qui, à son avis, est très désagréable. Il le sait il s’en sortira comme il l’a toujours fait et bientôt ce cauchemar ne sera qu’un vague souvenir hantant les replis de son futur cerveau. De toutes façons une femme qui libère un torrent de flamme en scarifiant des vers sur un corps c’est absurde. D’ailleurs il s’agit sûrement d’un rêve absurde comme il en fait souvent ces derniers temps. Depuis que cette fille est apparue dans son chemin, à bien y réfléchir. Une bonne blague qu’il pourra raconter, il va se réveillé dans quelques instants… Alors pourquoi ne est-il pas dans son lit éveillé rigolant de tout-ça à la rigueur en sueur mais sain et sauf. Mais ce n’est pas vrai on se paye sa tête, il n’y a pas d’autre explication. On cherche à l’énerver, le rendre fou et qu’il perde sa raison. Eh bien il n’en est pas loin. Une colère inexprimable envahit Luminous ou du moins son esprit qui commence à sombrer dans une douce folie. Il ne va pas mourir ne façon aussi bête. Il en est maintenant sur si il en est là c’est sûrement qu’un Dieu quelconque l’a voulu. Dire que toute sa vie il se pensait l’égal d’un Dieu et avait défié ces divinités en qui il ne croyait pas de lui prouver leur supériorité. Son souhait est maintenant exhaussé et il reconnaît leur puissance bien supérieur à la sienne mais par pitié sortez-le de là ; il fera tout ce que vous voudrez. Son esprit déjà faible commence à perdre pied et le désespoir s’invite à ses côtés : il est fichu voilà à quoi l’aura mener une vie de débauche et d’insouciance. Il ne lui reste plus qu’à mourir misérablement n’ayant même pas de corps pour pleurer. Mais finalement n’est-ce pas la meilleure solution existante après tout mérite t-il vraiment de vivre. Probablement non, il a déjà bien vécu et est près à partir sereinement.
Alors que ces émotions contradictoires traversent l’esprit de Luminous et qu’il se lamente sur son sort, une brise se lève et le frôle soulevant son esprit pour le déposer un peu plus loin. Puis petit à petit il reçoit des informations venant d’un corps qu’il n’a pas : une sensation provient de ses lèvres, un contact chaud et humide qui se transmet dans tout son corps. Très vite son esprit retrouve la place qui est sienne : piégé dans les circonvolutions d’un cerveau organique. Les sensations sont à présent fortes et distinctes : il a conscience d’une femme l’embrassant, rendant à son corps sa vigueur. Puis après un temps infini ce contact prend fin brutalement, le laissant reprendre connaissance.
Il est dans la salle de l’échiquier qui, quelques instant auparavant, ressemblait à l’antre de Vulcain. Un phénomène étonnant a lieu alors qu’il contemple la salle : certaines parties sont encore vierge de couleurs et une vague de ces mêmes couleurs se propage dans toutes les directions redonnant la vie à son environnement. En se retournant il a le temps d’apercevoir une silhouette féminine quittant les lieux, il ne la reconnaît pas mais il sait au fond de lui-même de qui il s’agit. Le fait qu’il manque une personne sur les lieux par rapport à avant l’aide grandement pour confirmer son intuition. Quelque pas plus loin gît le cadavre du pion que Luminous aurait du tuer. Le point de départ de son cauchemar, d’ailleurs en était-ce un ? Il n’est plus sur de rien si ce n’est qu’elle l’avait sauvé et qu’il ne sait pas pourquoi. Il décide alors de quitter les lieux et de se mettre une nouvelle fois à la recherche de cette femme étrange qui venait de le sauver, il en est persuadé.
Il emprunte le sombre couloir à l’exact opposé de celui qui l’a mené depuis le vestiaire jusqu’à cette salle. L’humidité suinte à travers les vieilles pierres usées de tel sorte qu’il règne en ces lieux une atmosphère pesante et étouffante. Ce ne sont pas les faibles sources lumineuses disséminées ici et là qui amélioreront cette sensation. Passant ses mains sur les parois, il peut sentir l’histoire passionnante de ces murs : les complots ourdis au détours d’un couloir, les dagues fichées dans un corps à la faveur d’une ombre prononcée et surtout les délires sans fin de ces deux tortionnaires. Se remémorant les sévices endurées il continue sa marche vers la sortie pistant cette femme comme une proie, il remarque d’ailleurs que son odeur a perdu en subtilité comme si une partie de celle-ci avait disparu. Rapidement la vive lumière du la fin pointe le bout de son tunnel. A peine a t-il posé le pied dehors que la lumière crue du Soleil inonde ses pupilles l’aveuglant momentanément. La douleur est telle qu’il doit se protéger les yeux et s’immobiliser un instant ; son corps avait perdu l’habitude du dehors et la douce chaleur qui l’envahit lui rappelle à quel point il en a besoin. Ses yeux se sont réhabitués et il peut dorénavant suivre sa piste qui, étrangement, a encore changé d’odeur retrouvant cette nuance perdue.
Maintenant il se souvient pourquoi il détestait tant les hommes : ils sont brutaux, inélégant, peu raffiné et si ennuyeux. C’est en parcourant la ville que Luminous se fait cette réflexion en ayant l’impression que ces derniers jours aussi rude fut-il l’avaient ramolli, peut-être avait-il même failli succomber aux charmes des humains. Mais sa récente descente aux enfers avait définitivement confirmé ses pensés : Les hommes sont fous en plus d’être inintéressant et la seule personne qui l’intrigue révèle une nature peu compatible avec le genre humain. Il arpente les rues pendant un temps avant de se diriger vers l’appartement de cette femme dont il ne sait pas qui elle est. Pour être précis il sait qui elle est mais il se trouve qu’elle n’est pas unique : L’une d’entre-elle l’a torturé et l’autre est sa proie. Dans tout les cas il est furieux et honteux de n’avoir rien vu venir. Il ne reste pas longtemps dans l’appartement ne reprenant que quelques affaires qu’il avait laissé ainsi que de l’argent qui traînait. Reprenant la piste, celle-ci le conduit très rapidement à la gare, cette gare qui l’emmena dans cette ville quelques jours seulement auparavant. Les immenses arches métalliques et le toit de verre sont toujours aussi grotesques, représentant un défi absurde de l’homme contre les lois de la physique. La marée de cloporte qui lui sert de bétail est, elle aussi, toujours là ; se pressant contre les portes comme si leur unique raison d’être était l’infime instant où l’ouverture des portes se fait avant que la vague ne déferle. Alors qu’il observe cette parade ridicule Luminous aperçoit la silhouette qu’il cherche depuis le début de cette journée ; elle est en train de monter dans un train. Il se précipite alors à sa poursuite, se ruant vers la wagon où elle a disparu. Si proche d’elle pourtant si loin : un vague vient de le submerger le noyant dans sa masse et l'empêchant de voir le rivage. Tandis qu’il tente au prix d’immenses effort de sortir sa tête il voit le train se mettre en branle et quitter la gare. Ses bras projettent des gerbes alors qu’il tente de se sortir et de rejoindre sa proie mais la marée se fait trop forte et il se voit rejeter au loin observant impuissant la fuite du train.
Il se tient au milieu de la gare souriant, il sait où elle se dirige et il ne compte pas la laisser partir comme ça. Elle l’attend il en est persuadé. Si l’enfer qu’elle a provoqué fut bien réel alors il lui doit au moins une chose : la certitude que les Dieux n’existent pas ou du moins ne sont pas plus puissant que lui. Enfin “pas plus puissant qu’elle” aurait-il du dire.

tags :
posted the 03/16/2007 at 03:25 PM by
sp0ken