Une douce chaleur irradie d’un corps collé contre le sien, elle s’éveille doucement la joue posée contre la poitrine de son amant qui lui dort paisiblement. Son torse se soulève avec sa respiration régulière et ce simple mécanisme emplit Séléné d’un plaisir infini et incompréhensible. Les rayons du soleil traversent les stores pour s’étirer paresseusement sur toute la longueur de la chambre jusqu’au yeux de son homme qui se réveille lentement. Elle pose alors ses lèvres contre les siennes et l’embrasse langoureusement rendant ce réveil encore plus tendre. Ce dernier passe ses mains le long de son corps : dans le creux de son cou, sur ses seins puis dans l’encablure de ses reins. Ils firent l’amour calmement comme deux amoureux qui se connaissent depuis des années bien qu’ils le ne soient que depuis quelques jours seulement. Pour elle cette simple oasis de tendresse et de bonheur au milieu de cette déferlante de violence et d’horreur des derniers jours est un plaisir inespéré. Cet homme-amant tendre et aimant est tout ce à quoi elle peut se raccrocher en ce moment ; ainsi tente t-elle d’expliquer les sentiments qui sont en train de naître en elle. Après cette réflexion elle se rendort entre ses bras pour un sommeil apaisant, chose rare ces temps-ci.
Ils réveillent ensemble en fin d’après-midi baignés dans une lumière tamisée, c’est alors qu’il lui propose de l’emmener dans un restaurant le soir même. Nageant dans un doux bonheur Séléné accepte avec joie. C’est ainsi que deux heures plus tard ils marchent dans les rues pavées de la ville, ce soir les lampions suspendus au dessus d’eux ne lui semblent plus aussi futiles et puériles. Les nombreux passants anonymes et bruyant ne lui font plus aucuns effets et les innombrable marchand les alpaguant lui paraissent pittoresques. Le restaurant en question est enclavé dans une petite impasse sombre et n’a l’air d’être fréquenté que par des habitués ce qui pourrait être logique à la vue de la position peu avantageuse de celui-ci. Ne payant pas mine mais dégageant une atmosphère chaleureuse les deux amants entrent man dans la main. Assis autours d’une petite table, éclairés d’une grande bougie ils dégustèrent un repas comme jamais ils n’en auraient l’occasion à nouveau. Alors qu’elle l’attend la voix se fait entendre :
- Tu penses pouvoir renier ce que tu es en imitant ce que tu étais ?
- Non j’espère juste t’échapper pour quelques instants même si je sais cela impossible.
- Tu peux me détester mais cette fois tu devrais m’écouter si tu veux revoir ton “homme”
- Comment ça ? Parle dis-moi tout, que sais-tu ?
- Je serais à ta place je sortirai très vite.
En trombe du restaurant Séléné n’a que le temps de voir son amant disparaître au coin de la rue, elle précipite alors à sa poursuite oubliant tout. Les rues défilent dans un flou complet : vitrines, passants, croisements et véhicules forment un tunnel au bout duquel se tient son compagnon. Elle court à en perdre haleine pourtant il ne se rapproche jamais et parait toujours aussi loin. Il se trouve inlassablement une cinquantaine de mètre devant elle encadré par deux personne que la distance et la peur rendent impersonnelles à ses yeux. Soudain retentit : “Là ! Entre dans cette maison.” S'exécutant elle se retrouve face à un escalier qui lui semble familier, celui-ci descend dans les ténèbres rendant l’ambiance pesante et peu accueillante. Une à une les marches défilent sous ses pas, l’atmosphère se fait de plus en plus oppressante et son coeur se serre chaque fois qu’elle imagine un destin plus affreux que le précédent pour l’homme qu’elle aime.
La lumière du bout du tunnel l’aveugle, lui cachant ce qu’il y a après, peu à peu elle voit : une immense pièce dallée de noir et de blanc. De chaque côtés seize personnes portant des tuniques où est brodé un insigne attendent l’ordre qui les rendra vainqueurs ou vaincus. Seize habillés de noir et seize vêtus de blanc ; parmi les premiers trône fièrement celle qu’elle reconnaît maintenant et qui est responsable de sa vie présente : sa soeur Lia. A cette vue la colère de Séléné remonte à la surface après des années d’absence mais quelque chose attire son regard : dans la première rangée, celle des pions, un homme tremble de peur ne comprenant pas ce qu’il lui arrive. Cet homme est son amant, la peur prend alors le dessus sur sa colère et elle se précipite vers lui… “N’y pense même pas, tu ne dois pas intervenir maintenant.” Son corps ne lui répond plus, elle voudrait courir vers lui et le prendre dans ses bras mais ses jambes refusent de lui obéir.
Le premier ordre retentit : “E2-E3”, puis les ordres s’enchaîne : “E7-E6”, ”E3-E4” qui place son amant, “D7-D5”, “F2-F3”, “D5xE4”. La reine blanche décide, on ne sait pour qu’elle raison de bouger son roi, il est incarné par un homme qui semble se débattre à chaque mouvement qu’il fait ; il jette régulièrement des regards noirs à la reine blanche et semble la détester autant que Séléné ne déteste sa soeur. “E1-E2”, “E4xF3”. Puis arrive l’ordre fatal : “E2xF3” en entendant cette injonction abscons elle comprend immédiatement ce que cela signifie : le roi blanc prend le pion noir : son amant. Le sort qui est réservé aux pièces prises lui revient en mémoire, des images de meurtres et de viols envahissent son esprit. Sur le jeu le pion s’effondre en pleurs, implorant pitié ; les larmes souillent son beau visages désormais déformé par la peur. “Tue-le !” Tel est la nature de l’ordre prononcé par la femme qui endosse le rôle de reine blanche, cet ordre a l’effet d’un électrochoc pour Séléné qui folle de rage force son corps à bouger. Mais l’emprise qu’Il a sur elle l’empêche de faire le moindre mouvement. “Non ! Sûrement pas, je ne tuerai pas cet homme.” A ces mots le temps est comme figé et chacun se retourna vers lui : le pion le regard plein d’espoir, Séléné surprise de cette intervention et les deux reines énervées de cette impertinence. La dame blanche lui rétorque : “Si ! Tu le feras, je t’y forcerai s’il le faut.” . C’est ainsi que commence une lutte de l’esprit entre la volonté du roi de ne pas tuer le pion et celle contraire de la reine. Au bout de plusieurs minutes chacun ruissellent de sueur mais rien ne s’est passé, c’est alors que Lia marche à grand pas vers son pion. Son visage est crispé par la colère et la frustration, ses talons résonnent sur les dalles emplissant la pièce du tac-tac de ses pas battant la mesure de sa fureur. Elle arrive derrière l’amant de sa soeur et d’un geste ample et prompt lui tranche la gorge de ses ongles.
“Bling.” Quelque chose se brise en elle, sa conscience disparaît entraînant sa raison en même temps. Les chaînes qui la retenait l’empêchant de sauver celui qu’elle aime se sont volatilisées. Ivre de rage, de colère et de tristesse Séléné est méconnaissable : la haine déforme ses traits. Elle entend de vagues avertissements venant de Lui mais n’y prend plus garde. Elle se dirige d’un pas résolu vers le jeu dans sa colère elle ne distingue plus qu’un regroupement de pages n’attendant que les vers qu’elle écrira dessus. S’approchant de la personne la plus proche d’elle, elle sort la fine lame qu’auparavant elle haïssait tant. D’un geste de la main et par sa volonté elle paralyse sa victime puis la lame trace en lettre de sang sur la chair le premier vers : “Nel mezzo del cammin di nostra vita” . Sa première page encore vivante elle se dirige vers les suivante pour graver la suite du chant qu’elle a choisi pour exécuter sa vengeance.
“Nell mezzo di cammin di nostra
mi ritrovai per una selva oscura,
Ché la diritta via era smarrita.
Ahi quanto a dir qual era è cosa dura
Esta selva selvaggia e aspra e forte
Che nel pensier rinova la paura !
Tant’ è amara che poco è piu morte;
Ma per trattar del ben chi vi trovai
Diro de l’altre cose ch’i’ v’ho scorte.”
“Noooooooooooooooooooon !” Au moment où elle écrivit le point final ce cri retentit puis l’enfer se déchaîna sur la ville où le destin avait réuni par un tour cynique des personnes qui n’auraient jamais dues se croiser. Un tourbillon de flamme naquit de Séléné pour se propager partout suivit par une explosion qui effaça la ville de la carte.

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posted the 02/07/2007 at 07:51 PM by
sp0ken