Elidya ouvrit les yeux mais ne vit rien hormis un soleil éblouissant. Le bruit assourdissant de l’explosion l’avait rendu sourde. Privée de ces deux sens elle se sentait perdue, isolée. Un lourd bloc de pierre l’empêchait de se relever, l’empêchait de respirer. La jeune femme voulut appeler à l’aide mais manqua de peu de s’étouffer, la bouche remplie d’une poussière mêlée de sang humain. Le goût âpre provoqua en elle une vive nausée, sa gorge s’emplie de vomi. Un hoquet douloureux ébranla sa poitrine blessée. Une douleur fulgurante traversa son corps, des larmes se déversèrent sur ses joues salies. Elidya sentit la vie la quitter, au loin la faucheuse l’attendait avec la promesse de repos éternel, la jeune femme se calma, se laissa aller, doucement.
Une violente claque la ramena dans le monde des vivants. Le poids insupportable qui l’écrasait disparut soudainement, une bouffée d’air pénétra ses poumons et la vie reprit sa place en son coeur. Un bras secourable l’aida à s’asseoir, un nouveau coup atteignit son dos et Elidya crut recracher son estomac. Elle tenta de se débarrasser de l’infâme poussière qui dévorait son corps. Une main velue se referma sur sa mâchoire et la contraignit à ouvrir la bouche. Un liquide froid envahit sa gorge, emportant tout sur son passage. Elidya vomit de nouveau et but une grande gorgée d’eau. La main caressa tendrement sa joue et la jeune femme se sentit soulevée doucement par de puissants bras. Sa tête bascula en arrière, son esprit s’envola vers un sommeil sans rêve.
Elidya gémit, une étrange douleur parcourait ses veines, sa poitrine se soulevait difficilement, mais elle était en vie, en vie… Après une brève hésitation la jeune femme ouvrit les yeux, à son grand soulagement ce sens si élémentaire abreuvait de nouveau son esprit de lumière et de couleurs. Elle se trouvait dans son lit, un plateau de victuaille était posé sur une chaise, attendant d’être dévoré par son appétit.
La jeune femme leva la tête et se rendit enfin compte de la présence d’un visiteur. Elle ne parvint pas à le reconnaître immédiatement, l’esprit encore perdu dans les ténèbres de la nuit. L’être était vêtu d’une élégante tunique verte et tenait entre ses mains un livre usé par l’age.
« Lynnaed ? » Le Lydran sourit et reposa l’objet. Il se leva et posa une main douce sur le front de Elidya.
« Ravi je suis de te voir guérie. Un long sommeil tu as fais. » La jeune femme se massa le visage dans l’espoir de se réveiller définitivement, elle se sentait courbaturée, fatiguée. Elle n’arrivait plus à se remémorer les derniers événements.
« Combien de temps j’ai dormi ? » marmonna t’elle d’une voix brisée. Le loup l’observait avec un sourire compatissant, ses yeux verts scintillaient de joie.
« Plusieurs voyages le soleil dans le ciel a fait, très malade tu étais. » Ce dur retour à la réalité eu l’effet d’une claque, Elidya rejeta la couverture d’un geste brusque.
« Tant que cela ? Je dois parler à Teclyb, immédiatement ! » Le visage du Lydran s’affaissa.
« Te nourrir tu devrais avant. Prudent il n’est pas de t’aventurer dans le manoir ainsi affamée. » Elidya s’habilla en hâte sans tenir compte de la remarque du loup et se dirigea vers la porte d’un pas vif, elle se retourna une dernière fois.
« Lynnaed, je te remercie grandement d’avoir veillé sur moi mais immature comme il est Teclyb a du s’attirer des ennuis. » La jeune femme disparut dans le couloir, laissant le Lydran seul.
Elidya parcourait le manoir le plus vite que ses membres blessés lui permettaient. Elle ignorait où ses pas la guidaient, suivant son instinct et les bribes de souvenirs que son esprit tentait de recomposer. La salle du comte, un événement tragique y avait eu lieu, la jeune femme en était persuadée bien qu’elle ne pouvait l’expliquer.
Elle pénétra dans une salle immense et poussa un cri de terreur. Un spectacle de désolation frappa ses yeux guéris. Le sol semblait s’être effondré mais était à présent recouvert d’un amas de débris et de poussière. Bien pire que ce chaos, du sang, partout du sang, sur le sol, les murs. Des morceaux de chair gisaient ça et là, parfois l’on reconnaissait un bras ou le fragment d’un crâne. Elidya détourna le regard, prise de nausée.
Une main se referma sur son épaule avec douceur. La jeune femme sursauta mais fut rassurée par une voix désagréablement familière.
« Lynnaed devait pourtant s’assurer que tu ne quittes pas ta chambre. » Elidya se dégagea brutalement et planta ses yeux noisette sur Yssan.
« Il faut croire qu’il n’a pas eu la cruauté suffisante pour me laisser emprisonnée. » Le Madjeydyh leva les yeux au plafond maculé et obligea la jeune femme à quitter le lieu de mort en sa compagnie.
« Tu ne comprends donc pas ? Je ne voulais pas que l’on reste ici, je ne voulais pas que tu voies cette horreur mais Lynnaed a insisté pour que l'on ne quitte pas la ville tant que tu ne te serais pas totalement rétablie. Et à présent il te laisse le loisir de te perdre dans ce cauchemar, ce Lydran ne possède donc pas une once de pitié.
- Je ne suis plus une gamine ! J’ai le droit de voir ce qu’il s’est passé. » répliqua violemment Elidya.
« Tu as pourtant failli étaler ton repas sur le sol. » répondit Yssan d’un ton sarcastique. La jeune femme le fusilla du regard.
« Et toi tu faisais quoi ? Tu admirais le carnage ? » L’homme feignit ne pas avoir entendu et se contenta de poser une autre question.
« Avant donne moi la véritable raison de ta présence, je ne pense pas que tu avais besoin de voir ce spectacle pour comprendre que des centaines d’humains ont été déchiquetés vivants. » Yssan s’arrêta et dévisagea la jeune femme de toute la force de son regard d’acier. Elidya hésita, elle n’appréciait pas beaucoup le Maître et ne désirait pas voir cette conversation s’éterniser.
« Teclyb. » marmonna t’elle d’une voix pleine de tristesse. Le Madjeydyh soupira et baissa la tête.
« Lors de l’explosion des sphères le sol s’est écroulé et Teclyb est tombé, une onde de choc a frappé le plafond et il s’est effondré, bloquant le passage. » De multiples larmes s’écoulèrent sur les joues froides de la jeune femme. La panique s’empara d’elle en quelques secondes.
« Les sphères, Teclyb… Il faut déblayer immédiatement ! Le sauver ! » Son corps se retourna tel un automate et se dirigea vers les décombres ensanglantés. Yssan s’attendait à cette réaction et attrapa son bras sans difficulté. Le Maître serra la jeune femme contre son corps dans une douce étreinte mais les bras suffisamment fermes pour empêcher tout mouvement. Il murmura quelques mots dans l’oreille de Elidya.
« Inutile, la quantité de débris est bien trop importante, nous n’avons ni les moyens ni le temps pour tenter une fouille. De nouveaux soldats Impériaux ne tarderont pas à faire leur apparition et nous devrons avoir disparu d’ici là. Teclyb a peut être survécu mais à présent il ne peut compter que sur lui-même.
- Teclyb… Non ! » La jeune femme tenta de s’enfuir mais Yssan la retint de force, il caressa sa chevelures soyeuse et appuya sa tête contre la sienne. Elidya pleurait à chaudes larmes et s’appuyait de toutes ses forces contre l’épaule du Madjeydyh.
« Doucement, tout va bien se passer, ait confiance en lui. Retournons dans ta chambre. »
Les deux humains s’éloignèrent de la salle du comte sans un regard en arrière.
Yssan laissa la jeune femme s’allonger sur son lit en veillant à ce qu’elle mange et quitta la pièce en silence. Il referma la porte sans un bruit et lança un regard assassin au Lydran.
« Pauvre imbécile, qu’est ce qui t’as pris de la laisser partir ? Tu as vu dans quel état elle se trouve à présent ? Elidya a déjà assez souffert elle n’avait pas besoin de ça. » Lynnaed répondit de sa voix la plus sarcastique, aucunement effrayé par la fureur du Madjeydyh.
« Te battre contre les mages tu prétends, raison je n’ai pas ? » Yssan fronça les sourcils, la main prête à se saisir de la lame.
« Qu’oses-tu insinuer ? » Le Lydran caressa la fourrure noire de son cou, il semblait se délecter de la colère de l’homme.
« De nombreux secrets tu as mon vieil ami, quelque uns j’ai découverts mais beaucoup de choses ils me restent à trouver, sûr tu peux être que tes mystères inconnus ne me seront plus. M’attendre à trouver un lien avec ces tragédies je dois ? » Yssan fulminait de rage, sa main se referma sur son épée, le Madjeydyh se mit en position d’attaque, le visage animé par une fureur destructrice. « Un grand rôle dans ton histoire jouer je dois encore, oublié cela tu aurais ? » Le pied du Maître percuta violemment le mur.
« Un jour je te tuerais de ma main sale vermine. » Yssan disparut dans le couloir. Le Lydran plongea sa tête dans sa tunique et soupira tristement.
« Mort tu seras avant mon vieil ami. »

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posted the 02/02/2007 at 09:38 PM by
yssan